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Biogaz : la torchère brûle
[Edito] Le gouvernement va fermer les vannes de gaz fossile, émetteur, épuisable et importé, destiné à chauffer les logements neufs individuels et collectifs. Mais le biogaz, neutre, renouvelable et produit dans les territoires, est toujours plus bridé.
Le ministère de la Transition écologique a présenté les orientations de la RE 2020, la réglementation environnementale entourant la construction de logements neufs et dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2021. L’objectif est d’améliorer la performance énergétique du secteur du bâtiment, qui représente 45% de la consommation d’énergie et qui est responsable de 18% des émissions de gaz à effet de serre de la France.
La RE 2020 mise sur les matériaux isolants mais aussi sur l’empreinte carbone des énergies destinées au chauffage. En fixant des seuils d’émission de CO2 très bas, la RE 2020 risque fort d’exclure le gaz, moins émetteur que le fioul, mais davantage que l’électricité quand elle est d’origine nucléaire comme c’est le cas en France pour les trois quarts environ de la production.
Ceci étant, le parc de logements existants n’est pas concerné par la RE 2020. Le biogaz a donc de beaux jours devant lui, pour le chauffage, qui assure 60% de ses débouchés, sans compter les autres usages. Moins vertueux, le fioul est moins chanceux : la vente de chaudières sera proscrite à partir de 2022. La méthanisation l’a échappé belle. Enfin pas tout à fait.
La baisse de tarif, oui, l’imprévisibilité, non !
Le 23 novembre dernier est entré en vigueur le nouveau tarif de rachat du biogaz injecté, s’appliquant aux projets en cours non contractualisés et aux futurs projets, actant une baisse d’environ 10%. « La baisse de prix peut s’entendre compte tenu de la trajectoire tarifaire à l’horizon 2030, relativise Mauritz Quaak, vice-président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF). Le problème, c’est que les tarifs en question sont indexés sur le nombre de réalisations futures, ce que par essence, on ignore. Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour établir un plan de financement car le banquier ne manquera pas de pointer le risque de dégradation de la rentabilité ».
« Autre problème », poursuit-il, « avec un tarif indexé, à la baisse aussi, sur les aides de l’Ademe, un porteur de projet pourra être tenté de s’en passer pour privilégier la rentabilité sur le long terme. A un détail près : les aides de l’Ademe sont considérées, dans le cas des projets agricoles, comme des fonds propres et conditionnement très fortement l’accord de financement, les agriculteurs disposant de faibles capacités d’autofinancement ».
Les méthaniseurs en herbe dépossédés ?
Le gouvernement souhaite très clairement calmer l’ardeur des méthaniseurs, comme en témoigne par ailleurs l’instauration de nouvelles exigences préalables à la contractualisation d’un tarif d’achat de biogaz injecté, en matière de permis de construire et de dossier ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement). Le 1er janvier prochain, la Taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) s’appliquera au gaz renouvelable.
L’État a aussi repris la main sur les garanties d’origine, au détriment des fournisseurs de biométhane. Deux nouvelles dispositions encadrent par ailleurs les Cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) et les cultures dédiées. « Leur taux d’incorporation devra être inférieur à 50%, indique Mauritz Quaak. Elles devront être conformes aux principes de l’agroécologie, ce qui ouvre à la voie à toutes les interprétations ».
Avec le bridage de la capacité maximale d’injection (Cmax), la refonte du cahier des charges des digestats ou encore les appels à projets, les méthaniseurs en herbe que sont les agriculteurs peuvent nourrir le sentiment de se faire déposséder, au profit des énergéticiens, d’un sujet complètement à leur main, consistant à recycler les effluents (et autres déchets de la société), à produire de l’énergie verte et à retourner les digestats au sol (et accessoirement nourrir leurs concitoyens). La torchère brûle, ce qui n’est pas bon signe en matière de méthanisation. Faudra-t-il que les torchères des 1.000 méthaniseurs s’enflamment pour éclairer les choix politiques et obtenir en retour une vision et une visibilité sur le long terme ?