Ce que Biden changerait pour les farmers

Le 20 janvier 2021, Joe Biden deviendra le 46e président des États-Unis lors de l’investiture officielle devant le Capitole, à Washington. Lors de la campagne électorale, il avait répondu, tout comme Donald Trump, le président sortant, aux questions du syndicat agricole majoritaire, le Farm Bureau. Deux visions de l’agriculture américaine bien différentes.

Raccord avec Trump sur l’assurance et la biotech

Le président Joe Biden devra proposer une réforme du Farm Bill en 2022. À ce titre, il n’a pas proposé de réorientation majeure dans la distribution des aides, orientée vers la gestion des risques depuis l’introduction du soutien à l’assurance en 2008 et de l’aide contracyclique en 2014. Les deux ex-candidats ont rappelé qu’ils étaient favorables au soutien à l’assurance et une protection des revenus des agriculteurs. « L’assurance récolte et les outils de gestion des risques sont très importants pour les agriculteurs », estime Joe Biden. De même, pour Donald Trump, « un système d’assurance récolte solide » doit être un des piliers du futur Farm Bill. Autre consensus - qui ferait peut-être davantage débat en France : les deux candidats sont favorables à l’usage des biotechnologies en agriculture.

Aide à l’installation, protection des agriculteurs noirs

Voilà sûrement les seuls points d’accord de leurs programmes, qui divergeaient. D’abord, Joe Biden se distingue en promettant de renforcer l’aide aux jeunes agriculteurs ; un sujet dont il n’était en revanche pas question dans le programme de Donald Trump. Dans le cadre du Farm Bill, le Démocrate promettait, d’une part, un doublement du plafond d’aide aux jeunes agriculteurs hors-cadre familial, via le cadre du programme de microcrédit existant dans le Farm Bill. D’autre part, il voulait augmenter les fonds dédiés à un autre programme de prêts dédiés à l’acquisition de fermes. Autre spécificité de Joe Biden, il souhaitait « mettre fin aux discriminations envers les agriculteurs noirs », sans préciser la nature du phénomène.

Une réglementation Antitrust renforcée

Plus généralement, Joe Biden voulait « protéger les petites et moyennes exploitations ». Et cela passe, selon lui, par un renforcement de la réglementation sur la concurrence, appelée Antitrust aux États-Unis. Il souhaite notamment réviser le Clayton Antitrust Act et le Packers and Stockyard Act. « Des intrants qu’ils achètent, aux marchés où ils écoulent leurs produits, les agriculteurs et les éleveurs sont lésés par une concentration croissante », estime Joe Biden. À l’inverse, pour Donald Trump, le soutien aux petits agriculteurs passe par une réglementation plus légère quelle que soit sa nature : « Le futur Farm Bill ne doit pas imposer de nouvelle réglementation ou contrainte liée au climat à des agriculteurs qui souffrent - les petits agriculteurs seraient les plus touchés », estimait le Républicain.

Payer pour protéger la nature et stocker le carbone

C’est justement sur le terrain de la réglementation, en particulier environnementale, que les deux programmes s’affrontaient le plus. Dans le cadre du Farm Bill, Biden a expliqué qu’il était favorable à un renforcement des moyens alloués aux farmers pour protéger la nature, via le Conservation Stewardship Program (CSP), que l’administration Trump avait proposé au Congrès de supprimer en 2018, en vain. Joe Biden propose d’ajouter au CSP des paiements pour séquestrer le carbone. Il souhaite par ailleurs que l’agriculture américaine « soit la première à atteindre le zéro émissions nettes ». Autre question environnementale, celle de la loi sur les espèces en danger (ESA), que Biden veut renforcer. Durant son mandat, Trump a assoupli l’ESA, ce qui a conduit son administration à sortir - en pleine campagne - le loup de la liste des espèces protégées.

Investissement dans les biocarburants

Avec son Green New Deal à 400 Md$, Joe Biden se veut aussi un champion de l’investissement dans la transition énergétique, dont l’agriculture pourrait bénéficier via « l’agriculture de précision », le biosourcé, et particulièrement les biocarburants cellulosiques. Et le Démocrate voulait notamment mobiliser les flottes de véhicules de l’administration pour booster les biocarburants. Ce sujet des biocarburants a alimenté les attaques contre Trump durant la campagne. Biden l’avait accusé d’avoir accordé à l’industrie pétrolière (Big Oil) de trop nombreuses dérogations aux objectifs d’incorporation d’éthanol. Si bien que Trump a été obligé, il y a quelques jours, de déclarer a posteriori que des dizaines de ces dérogations étaient illégales. Trump a rappelé au Farm Bureau qu’il a ré-autorisé l’E15 pendant les pics de pollution estivaux, pour soutenir les producteurs face aux rétorsions chinoises.

Accusé de vouloir augmenter la taxe sur le foncier

En matière de fiscalité, Joe Biden mettait en avant son projet d’augmenter les taxes payées par les « grandes entreprises » pour la mettre au même niveau que les plus « petites », parmi lesquelles il place les exploitations agricoles. Partisan des baisses d’impôts, Trump rappelait à l’inverse qu’il a abaissé durant son mandat les « taxes sur les entreprises et le capital » : « Cela a permis aux agriculteurs d’avoir des certitudes pour les générations futures et d’investir davantage. » Le président sortant accusait d’ailleurs Joe Biden de vouloir augmenter les taxes foncières ; cela n’était pourtant pas inscrit dans le programme démocrate, mais « qui peut y croire ? », interpelle Trump.

Une stratégie commerciale « mondiale »

Autre terrain d’affrontement connu, celui de la politique commerciale. Joe Biden voulait « une stratégie mondiale » pour « lutter contre les pratiques commerciales déloyales mettant en péril la production sur le sol américain ». Donald Trump revendiquait sa méthode rugueuse de négociations bilatérales et les rétorsions subies chinoises sur les marchés agricoles, pour lesquelles il a versé 28 milliards de dollars aux agriculteurs durant son mandat. D’ailleurs, il « remercie les agriculteurs de lui avoir permis de tenir face aux Chinois » et projette de boucler les négociations avec la Chine (phase 2), le Japon, la Grande-Bretagne et l’Union européenne. Cette dernière représente « un des marchés les plus défavorables aux agriculteurs américains », estimait Trump.

Légaliser davantage de travailleurs agricoles étrangers

Dernier terrain d’affrontement des deux programmes : le statut des travailleurs étrangers, notamment illégaux, nombreux à travailler dans les exploitations agricoles. L’homme du mur entre les États-Unis et le Mexique continuait de penser qu’il faut faciliter le pourvoi de main-d’oeuvre étrangère saisonnière, sans pour autant « amnistier des gens venus illégalement aux États-Unis ». À l’inverse, Joe Biden « fera en sorte que les travailleurs qui ont travaillé plusieurs années sur une ferme américaine soient légalisés ». Et de préciser que son administration serait favorable à « un statut légal basé sur un passé de travailleur agricole et une accélération de l’accès aux green card et à la citoyenneté ».