Comprendre la puissance du sol

« Ce qu’on sait sur le sol, c’est qu’on ne sait pas grand-chose ! », considère Konrad Schreiber. L’ingénieur agronome fournit néanmoins aux vignerons de nombreux éléments de compréhension.

“ Comprendre la puissance des sols », un sujet que développe Konrad Schreiber, ingénieur agronome, lors de formations qu’ils dispensent un peu partout en France, notamment à destination des vignerons. Ce dernier explique que l’on peut « remettre en état la « maison » des plantes - c’est-à-dire le sol -, lui donner à manger, pour se passer ensuite des produits phytosanitaires. Agir à l’envers en commençant par arrêter les phytos est voué à l’échec car il faut d’abord remettre le sol en bon état de fonctionnement ! » Il préconise de faire réaliser une analyse physique, chimique et microbiologique de son sol pour obtenir « son ADN, sa génomique. Pour 180 euros, au laboratoire Dubernet (Terra Mea) à Narbonne, on peut obtenir ces informations. Et si on fait un suivi, ça permet de voir lorsqu’une pratique ou un produit phyto perturbe le sol », indique l’expert.

« Passer une herse équivaut à mixer tout ça, ça déstructure tout ! », lance Konrad Schreiber. Et de s’appuyer sur des essais en maraîchage et en arboriculture où l’apport de 20 t/ha/an a entraîné une augmentation du rendement et l’éradication de nombre de maladies. « Pour que cela fonctionne, le sol doit contenir 5 % de matière organique, or on est souvent à 0,5 %... A 3,5 %, le système se remet en route. »

UN COUVERT DENSE

L’ingénieur agronome estime qu’on peut passer de 1 à 5 % de matière organique en six mois, en mélangeant une très grande quantité de déchet vert broyé aux 20 premiers centimètres de terre. « Cela génère une grosse attaque de champignons, et à terme un mélange gazeux riche en carbone et pauvre en oxygène, décrit-il. Et pour que le sol se remette à bien fonctionner, on peut produire une légumineuse la première année, qui n’a pas besoin d’azote pour pousser. »

« Au fur et à mesure que la biologie du sol se restaure, on utilise moins de semences », assure Konrad Schreiber. Celui-ci conseille le semoir Simtech pour son bon rapport qualité-prix. Avec un mélange de graines de différentes tailles, il est conseillé de les « coller » ensemble avec un peu d’huile de table. La matière organique (la paille) doit être positionnée en surface, pour récupérer l’azote. La faim d’azote n’existe pas en surface.

Konrad Schreiber préconise de pailler les lignes de plantation de vigne et de semer du couvert dans l’inter-rang. Il déconseille l’utilisation du feutre en chanvre, qui certes désherbe mais empêche un bon échange gazeux entre le sol et l’air et n’aère donc pas la maison qu’est le sol. La paille a un rapport carbone/ azote (C/N) de 150 pour 1 ; dans une tonne, on trouve environ 400 kg de carbone.

Ensuite arrive l’azotobacter, qui mange le fusarium, capte l’azote et produit une protéine microbienne. Enfin, le protozoaire vient manger l’azotobacter et produit une protéine. A l’issue de cette chaîne, le reste de paille est devenu noir et s’est enrichi en azote. Pour bénéficier de ce système, il faut pailler « au moment où la nature le fait, c’est-à-dire quand les feuilles tombent, en fin d’été - automne, indique Konrad Schreiber. Il ne faut pas le faire au printemps sinon on crée une faim d’azote. » Celui-ci préconise de détruire le couvert seulement une fois qu’il a fleuri ou une fois sec, pour bénéficier d’un gain net d’azote pour l’année N+1. Dans la paille, l’azote finit sous forme d’urée dans l’urine des vers de terre et des nématodes. « Cela signifie que l’azote est complètement soluble dans l’eau, et qu’il doit être mis dans l’eau. Il faut remplir la réserve utile et la solution du sol en urée. Si on met de l’urée 46 en janvier-février, elle va se dissoudre au moment des pluies, percoler le long des racines et radicelles et être stockée dans la microporosité biologique du sol. Et avec un sol couvert, même en cas de sécheresse au printemps, les réserves d’eau et d’azote seront pleines », conclut l’expert.