Date de semis : « Malgré l’automne dernier, ne pas semer trop tôt »

L’automne dernier, des pluies continues ont retardé les semis, affectant les rendements. Cette année, la question se pose : pour éviter les difficultés rencontrées l’an passé, faut-il semer plus tôt ? Jean-Charles Deswarte, ingénieur écophysiologiste chez Arvalis, conseille de ne pas se précipiter, sauf dans certaines conditions.

Perspectives Agricoles : Vu la pluviométrie de l’automne dernier, est-il judicieux d’anticiper les dates de semis cette année ?
Jean-Charles Deswarte :
Je comprends que l’idée de semer plus tôt puisse sembler tentante, mais ce serait une erreur. Un hiver aussi humide que celui de l’an dernier est rare, il survient environ une fois tous les vingt ans. Et pour toutes les parcelles à problème significatifs d’adventices et/ou de ravageurs d’automne, semer tôt revient à limiter le potentiel dès le semis. Le décalage des dates de semis reste un levier agronomique essentiel, particulièrement face aux problèmes de salissement des parcelles et aux dégâts causés par la Jaunisse nanisante de l’orge (JNO). Cependant, cette stratégie n’est pas nécessaire dans toutes les situations et doit prendre en compte les contraintes locales d’implantation, notamment en lien avec les opérations de travail du sol. Pour les parcelles propres et indemnes de ravageurs, semer aux dates recommandées pour chaque variété est parfaitement adapté.


PA : Les enseignements des conditions de semis 2023 ont-ils fait évoluer les préconisations Arvalis ?
JP. D. :
Arvalis n’a jamais préconisé de solution monolithique. Nous avons toujours recommandé d’adapter les pratiques aux contextes spécifiques des parcelles. Face à la réduction des solutions phytosanitaires, décaler la date de semis reste notre première recommandation pour lutter contre les graminées résistantes et les attaques de ravageurs. C’est un levier agronomique important et efficace.
Si l’année passée a été pluvieuse, elle a aussi montré que des parcelles de blé semées tôt étaient trop souvent plus sales que des parcelles semées en novembre. Dans les deux cas, le potentiel de rendement est diminué, sauf que les semis tardifs permettent de limiter le stock semencier.
J’insiste aussi sur le fait qu’il est inutile de densifier les semis au-delà des préconisations agronomiques, qui sont déjà conçues pour être sécuritaires. Pour les semis précoces, il est d’ailleurs conseillé de moduler les densités.


PA : Le changement climatique ne rend-il pas caduques les recommandations de semis d’Arvalis ?
JP. D. :
Non, car ces recommandations sont infléchies régulièrement, en tenant compte des nouvelles variétés et des pressions du moment. En parallèle, nous menons des travaux de recherche pour quantifier les risques biotiques selon différentes périodes. Cela nous permettra de mieux évaluer les moments où les risques sont minimisés ou restent faibles, sur plusieurs critères.
L’objectif est d’ajuster nos recommandations de dates de semis face aux risques climatiques croissants et leur impact sur les conditions d’implantation. Bien sûr, ces risques varient selon les régions : les agriculteurs de Lorraine ne font pas face aux mêmes contraintes que ceux des côtes normandes. C’est pourquoi les premiers travaux, entamés en Poitou-Charentes, seront progressivement déployés sur l’ensemble du territoire.