AOP : vers une gamme à deux temps dans le futur décret

Sortie du grade C de l’appellation, allongement de la durée d’affinage,... : des engagements forts actés par la filière réunie au sein du Cif. Seule ombre au tableau : les volumes.

Une appellation d'origine protégée se doit d'être en perpétuel mouvement. En la matière, l'AOP cantal et son interprofession n'ont pas attendu le précepte délivré le 19 juin à Saint-Flour par le Monsieur AOP, Jean-Charles Arnaud(1): comme l'affirmait alors le président du Cif, Michel Lacoste, l'objectif n'est pas celui d'un grand soir mais d'une évolution constante pour continuer à gagner en qualité, en volumes commercialisés et en plus-value pour l'ensemble de la filière. Et depuis deux ans, le Comité interprofessionnel des fromages met les bouchées doubles. Après avoir réussi à atteindre un taux de gradage frôlant les 100 %, la filière a décidé de franchir une marche supplémentaire : au 1er janvier prochain, les fromages notés C seront eux aussi déclassés et donc non valorisables sous l'appellation, sort jusqu'alors réservé aux seules pièces notées D. Ce qui ne sera pas sans conséquence sur les volumes d'entre-deux. En effet, à ce jour, 7 % des fromages de cette catégorie sont classés C.

Un cantal jeune et un "cantal affiné" à + 120 j

"C'est un engagement fort pour remonter en qualité", affiche Michel Lacoste, sachant que l'objectif reste bien de tendre vers la note A. Une excellence dont est aujourd'hui plus proche le cantal jeune avec 80 % des pièces classées A (le reste en B, les volumes C et D étant insignifiants). "Depuis janvier 2016 et l'autorisation de la seule technologie longue, on constate une évolution régulière de la qualité du cantal jeune", se félicite le président du Cif, qui tenait son assemblée générale récemment.  Autre ambition clairement affichée en 2017 : la clarification de la gamme. Les trois déclinaisons actuelles - jeune, entre-deux, vieux - n'étant pas lisibles pour le consommateur. "La proposition qui tient la corde, c'est d'évoluer vers une gamme à deux temps : le cantal jeune (30-60 jours d'affinage) et un "cantal affiné", lequel serait adossé à un repère consommateur soit en mois, soit en jours d'affinage, soit avec un code couleur." À partir de quand parlerait-on de cantal affiné ? "Les études montrent qu'un cantal entre-deux à 90 jours n'est pas un produit suffisamment identitaire. On est donc en train de réfléchir à une durée minimum de 120 ou 150 jours pour ce cantal affiné", répond le producteur castanhaïre. Une option qui mérite encore d'être validée et sécurisée par des analyses quantitatives pour un verdict attendu d'ici la fin 2018.  Cette nouvelle gamme entrerait alors dans les propositions soumises par l'ODG (organisme de défense et gestion) dans le cadre de la révision du décret de l'AOP. Une demande de réouverture de ce dernier ayant été déposée il y a quelques mois par le Cif. "Entre l'exclusion du grade C au 1er janvier 2019, l'allongement de la durée d'affinage, ce sont deux challenges et engagements vraiment très forts pour la filière", souligne Michel Lacoste. Et le Cif veut regarder encore plus haut : désormais, tous les cantal entre-deux notés A au gradage font l'objet d'un prélèvement d'échantillon en vue de subir une batterie d'analyses "pour mieux comprendre comment on obtient le meilleur des fromages". En parallèle, une réflexion est enclenchée sur la qualité des laits destinés à l'appellation avec deux volets : un accompagnement technique des producteurs et une grille de paiement spécifique afin de mieux valoriser les "meilleurs laits".

Repli des ventes inquiétant

Autant de chantiers qui rassurent sur l'état d'esprit et la dynamique de la filière, à l'heure où le rapport d'activités 2017 a jeté un froid sur l'appellation dont les ventes ont dévissé de 4 % l'an dernier sans que les causes de ce repli soient clairement identifiables. Une vraie source d'inquiétude en tout cas pour l'avenir. Et si l'enjeu est bien de redresser la barre dès 2018, ce coup d'arrêt justifie la réflexion initiée par le Cif sur la maîtrise des volumes permise réglementairement pour les AOP. "L'objectif, c'est d'avoir une production qui corresponde à la demande des marchés, avec derrière un impact sur le prix", précise Michel Lacoste.  La feuille de route de 2018 comporte enfin un volet sur la présence du cantal en libre service et emballé et la reprise des discussions interprofessionnelles sur la relance de la promotion autour de l'appellation. Des chantiers qui devront être menés à bien par le nouveau président du Cif issu du collège industriel qui devrait prendre le relais de Michel Lacoste à l'automne(2).

(1) Ancien président de l'INAO, Jean-Charles Arnaud est l'un des fabricants fromagers majeurs du comté à la tête de l'entreprise Juraflore. Il était l'invité de la soirée AOP organisée par L'union du Cantal.

(2) Conformément aux statuts du Cif qui prévoient une présidence tournante tous les deux ans.

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