Camille, 23 ans : « je ne veux rien faire d’autre qu’éleveuse de moutons »

La plus petite des grandes espèces animales combat par tous les moyens la décroissance qui la menace. Le défi n’est pas mince car il englobe également la dé-consommation de viande. Mais la filière a pris le bélier par les cornes. Et rallié Camille à sa cause.

Camille Gareau a 23 ans. Elle est originaire d'Antoigné dans le Maine-et-Loire. Lorsqu'elle entre en BTS productions animales au lycée agricole de Laval (Mayenne), elle n'a pas d'idée très précise de son futur professionnel, mis à part le fait de vouloir travailler auprès des animaux, avec une prédilection pour les chevaux. Ce sera des moutons. A la bergerie du lycée, elle craque littéralement pour le Mouton Vendéen. « Je me suis découverte une passion monstrueuse pour le mouton », confie la jeune fille, fraichement arrivée à la Porte de Versailles, où elle va prêter main forte à l'organisme de sélection de la race durant les neuf jours du Salon de l'agriculture. « Le Mouton Vendéen, je le trouve super beau, super facile à manipuler. Je ne veux rien faire d'autre qu'éleveuse de moutons ». Précisions : Camille s'est qualifiée pour la finale des Ovinpiades qui se déroule ce samedi 22 février. Elle n'a par ailleurs aucune parenté agricole.

Baisse des effectifs et de la consommation

Des Camille, la filière ovine rêve d'en dénicher des milliers à travers tout le territoire. 10 000 exactement, soit le nombre d'éleveurs voué à partir à la retraite dans les dix ans à venir. Elle s'y attèle depuis 15 ans, à travers le programme « Inn'ovin », destiné à renforcer l'attractivité du métier via différents leviers, tels que les Ovinpiades, le concours des jeunes bergers ouvert aux élèves d'établissements agricoles. « Nous attendons les ultimes données de l'observatoire à l'installation piloté par les Chambres d'agriculture », déclare François Frette, responsable de la section ovins à Interbev. « Selon la MSA, on est en légère progression sur les ovins lait et stable sur les ovins viande. Mais selon les EDE, on observe un déficit entre les ouvertures et les fermetures d'ateliers ovins. Quand un troupeau de 100 bêtes est voué à disparaître pour cause de départ à la retraite, deux tiers des animaux seulement sont repris par un autre éleveur ».

Facteur aggravant : la filière ovine constitue dans certains secteurs le dernier rempart à la désertification, que peuvent précipiter l'absence de vétérinaire ou encore celle d'un conseiller spécialisé. On n'occulte pas l'effet repoussoir engendré par la recolonisation du loup.

Mais la filière ne doit pas seulement lutter contre la baisse des effectifs. Elle doit aussi veiller à stimuler la consommation, que les jeunes générations boudent. « La transmission culinaire autour de la viande d'agneau ne s'est pas opérée », poursuit François Frette. « Une grande partie de l'enjeu se situe sur la tranche d'âge 25-35 ans, qu'il faut convaincre d'essayer l'agneau ».

Des signes positifs

Sur ce point, la filière est peut-être en passe de relever le défi. Les derniers chiffres du panel Kantar, scrutant la restauration à domicile, témoignent d'une reprise de la consommation au cours des deux dernières années passées : +1% en 2017/018 et +6% en 2018/2019 sur cette fameuse tranche d'âge. « Une partie de la recette consiste à adapter les pièces d'agneau, dans leur présentation, comme dans leur grammage, aux demandes des jeunes générations », explique François Frette. « Certains bouchers l'ont très bien compris et réalisent de très bonnes ventes. La viande d'agneau française est recherchée et les distributeurs peinent à monter des opérations nationales de promotion par manque de produit. La baisse de consommation affecte surtout la viande d'importation ». Le bilan entre l'offre et la demande tirent les prix vers le haut depuis deux ans, un autre point positif. « Deux tiers des éleveurs dégagent un revenu mensuel compris entre un et deux Smic, ce qui n'est pas si mal compte tenu qu'un certain nombre d'éleveurs pratique cette activité en complément d'une autre ou en dilettante ». Autre satisfaction : de plus en plus de céréaliers intègrent un atelier ovin, remettant à l'honneur la complémentarité polyculture-élevage. L'éco-pâturage pointe aussi son museau dans l'entretien des espaces verts. La filière va également se pencher sur la labellisation bas carbone, non sans arguments.

Propice à l'installation

En terme d'installation, la filière ovine a des atouts à faire valoir : une relative sobriété financière ainsi qu'une certaine facilité, pour les novices, à manipuler les animaux. Bien évidemment, elle ne mise pas tout sur les hors cadre familiaux. Elle peut aussi compter sur les enfants d'éleveurs, tels Aidan Roberts, lui aussi étudiant en BTS productions animales à Laval. Ecossais, ses parents ont d'abord été éleveurs dans leur pays d'origine avant de s'installer à Coulonges-Thouarsais (Deux-Sèvres). Passionné, l'étudiant se projette déjà dans une future installation. « Après mon BTS, je vais peut-être prendre une année pour voyager et découvrir d'autres systèmes d'élevage », déclare-t-il. « J'ai aussi dans l'idée de passer un certificat de spécialisation dans l'Aveyron. Je pense m'installer dans les trois à cinq ans à venir sur l'exploitation de mes parents ».

Quant à Camille, elle compte s'installer dans les 5 à 10 à venir, après plusieurs expériences. Hors cadre familial, le défi ne lui fait pas peur. « Il va y avoir des difficultés, mais quand on aime ce que l'on fait, on est capable de tout, je sais que je veux faire ça, je veux être éleveuse de moutons, j'aime ça. Le fait d'être qualifiée aux Ovinpiades à Paris, ça me prouve qu'il faut que je continue et que je ne dois pas lâcher ». Allez Aidan, allez Camille !

 

PS : Camille recherche une alternance dans la région de Poitiers (Vienne) pour réaliser, à Bellac (Haute-Vienne), un certificat de spécialisation en ovin viande à compter de la rentrée de septembre.