Faire pâturer en hiver sans condamner les prairies

Maryvonne Blin, installée en bovin lait, a arpenté pendant quatre ans deux de ses parcelles, munie d'un herbomètre. Objectif : évaluer l'impact du pâturage hivernal sur une vieille prairie, dans le cadre du projet Perpet.

En quatre ans, Maryvonne Blin a réalisé 800 mesures avec son herbomètre. « C'est vrai que c'était contraignant, mais cela valait le coup de creuser », sourit l'éleveuse. Elle est installée avec son mari Laurent à Plessé, au nord de la Loire-Atlantique, à quelques kilomètres de la Bretagne. Le paysage est très bocager, et entre les haies, on aperçoit les vaches du troupeau, des prim'holstein croisées, avec de la brune, de la pie rouge et de la jersiaise. La quarantaine de vaches laitières produit en moyenne 220 000 litres de lait.

La ferme, en bio depuis 1998, compte 74 hectares, dont 70 hectares de prairies en 2020. Faisant classiquement partie de l'assolement, les mélanges céréaliers n'ont pu être implantés cette année au vu des conditions météo. Les 4 hectares restants sont en blé noir, pour la vente. « Notre système est basé sur la prairie, indique Maryvonne Blin. C'est intéressant d'aller au maximum de ce que l'on peut en faire. Mine de rien, c'est un savoir que d'exploiter les prairies, c'est moins facile que le maïs. Il faut être le nez dedans pour optimiser les fauches, faire pâturer au maximum... ». La ferme ne cultive plus de maïs depuis 17 ans.

Rentabiliser l'implantation des prairies

En 2016, l'éleveuse rejoint le projet Perpet, piloté par le réseau Civam. « Les prairies coûtent cher à implanter, autant les faire durer », justifie l'éleveuse. Et les exploiter au maximum via le pâturage. Une prairie, de 25 ans, est alors choisie pour mener une expérimentation sur l'impact du pâturage hivernal sur sa pérennité. Elle sera découpée en deux parcelles de 1,3 hectare, une pour l'essai, l'autre témoin. Cette dernière sera conduite comme d'habitude, et dans l'autre des animaux pâtureront pendant un temps donné entre mi-décembre et mi-janvier.

Le terrain est hydromorphe et limoneux-argileux, donc pas idéal pour cet usage. Au total, cinq périodes de pâturage se sont succédées par an. Aucune fauche n'était prévue, même si une année, une coupe de foin a dû être faite, l'herbe étant trop haute pour le pâturage. Une quarantaine de mesures avec un herbomètre ont été réalisées dans chaque parcelle, avant l'entrée et après la sortie des vaches. Maryvonne Blin a aussi noté scrupuleusement ses pratiques en terme d'amendement, et la pluviométrie.

« L 'hiver 2018-2019, on n'a pas eu de problème, c'était portant, relate la productrice. Par contre cette année, on l'a fait quand même pour voir malgré l'eau. On a laissé les 38 vaches deux jours seulement ». En parallèle, les techniciens du Civam ont fait des relevés de flores. « On voit du trèfle naturel, de l'agrostis, du ray-grass, de la fétuque, et tout une flore diverse », précise l'éleveuse.

A l'oeil nu, Maryvonne Blin estime que la différence d'évolution entre les deux parcelles n'est pas flagrante. Une observation plutôt positive, car elle sous-entend que l'impact du pâturage n'est pas mauvais pour la prairie. Grâce aux résultats, à Plessé et ailleurs, le réseau Civam a pu tirer des conclusions, résumées en une fiche. Leur bilan : « On peut pâturer l'hiver avec quelques points de vigilance ! ».

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