"Nos vaches vivent dans les marais, au rythme des marées"

Créer un débouché de qualité pour valoriser sa production : c’est le défi qu’a relevé le Gaec Aupiais, en Loire-Atlantique, qui élève 180 vaches allaitantes dans un système quasiment tout herbe en bordure de Loire. Avec l’aide de l’association Elvea 44, les éleveurs ont créé la marque "Viande de nos prairies", dont le cahier des charges fait la part belle au pâturage. 

Lorsqu'Angélique Aupiais nous fait visiter ses prairies, on se croirait dans le far West. Dans ce paysage sauvage, on s'attendrait presque à voir débarquer des cowboys sur leurs chevaux. Mais nous sommes bien en France, à quelques kilomètres de l'embouchure de la Loire, là où l'eau du fleuve n'est plus douce mais salée. Dans le far Ouest pour faire plus français. A La Chapelle Launay, en Loire-Atlantique pour être plus précis.  

Le Gaec Aupiais (3 UTH et un salarié), naisseur-engraisseur, élève 5 taureaux et 180 mères charolaises, limousines et blondes d'Aquitaine sur 350 hectares. Seulement 15 hectares de maïs ; 70 hectares de prairies temporaires ; le reste en prairies permanentes. Les bêtes vivent dehors au moins les trois quarts du temps. « Nous avons un bâtiment, mais il sert essentiellement pour les vêlages », précise Angélique Aupiais. La moitié des femelles du troupeau est gardée pour le renouvellement. Les femelles restantes sont engraissées pendant trois ans, quasiment uniquement à l'herbe. En période hivernale, la ration est complétée avec de l'ensilage de maïs, de l'ensilage d'herbe et du foin.  

Débouchés de qualité

Afin de valoriser ce système extensif, le Gaec Aupiais a trouvé plusieurs débouchés de qualité pour commercialiser ses produits. « Nous faisons partie de l'association Elvea 44 [regroupant éleveurs et commerçants en bestiaux privés de Loire Atlantique, NDLR], qui nous aide à mettre en place des contrats avec les abattoirs et les grandes surfaces, comme le contrat "Filière qualité" avec Carrefour », indique Angélique. Ce contrat fixe des règles de production, des critères de goût et des obligations en matière de protection de l'environnement. Il offre aux éleveurs un engagement sur le long terme et des plus-values sur le prix de la viande. 

En 2017, le Gaec Aupiais a voulu aller plus loin en co-créant avec Elvea 44 la marque "Viande de nos prairies de Loire-Atlantique", vendue en grandes surfaces. Le cahier des charges est sélectif : les vaches doivent avoir moins de huit ans, peser au minimum 350 kg, pâturer au moins sept mois dans l'année avec un tiers de leur ration à l'herbe. Les exploitations doivent être qualifiés selon la Charte des bonnes pratiques d'élevage. Une trentaine d'éleveurs du département sont concernés. Le Gaec Aupiais vend une quinzaine de bêtes par an sous cette marque. « Les contrats de qualité nous permettent de mieux valoriser nos bêtes », admet Angélique. D'autant que l'environnement dans lequel elles pâturent est hors du commun. 

Prés salés

Une partie des prairies est en effet située dans les marais et appartient au Conservatoire du littoral. Particularité du lieu : lors des grandes marées, ces terres sont totalement immergées. « Nos vaches apprennent à vivre avec les marées, explique l'éleveuse. Elles savent où se réfugier. Lorsque l'eau commence à monter, elles vont s'abreuver, puis elles partent toutes au grand galop vers une butte de sable située en hauteur ! » Lorsque l'eau se retire, un nettoyage des parcelles par les précipitations est nécessaire pour que la prairie soit à nouveau consommable par les bêtes. Des prés salés, en somme ? « Des tests ont été réalisés sur ces prairies et nous avons effectivement de l'herbe de pré-salé », confirme Angélique. « J'y ai même trouvé des salicornes, que les vaches mangent », complète son frère et associé, Régis. Créer une nouvelle appellation de qualité ? « On y pense, mais le temps manque ! », admettent les éleveurs. 

Les prés côtiers recèlent une très grande diversité d'espèces végétales. Le Gaec Aupiais a d'ailleurs participé au Concours général agricole des prairies fleuries en 2017. « Il y a 50 à 60 variétés d'herbes différentes, ce qui rend les prairies très riches », font savoir les éleveurs. La diversité faunistique n'est pas en reste : le lieu est connu pour son promontoire permettant d'observer les oiseaux. Le Gaec signe d'ailleurs des contrats MAEC avec le Conservatoire du littoral et s'engage à respecter plusieurs règles, comme un chargement maximum d'animaux ou encore des dates de fenaison pour protéger les nids. Dans cet environnement, le maintien de l'élevage permet de préserver le paysage. « Sans nos vaches, toutes ces terres partiraient en friche », sourit Angélique.