L’horizon se dégage pour le CBD français et le cannabis médical

Une récente décision du conseil d’État annule l’interdiction de commercialiser des fleurs et feuilles de cannabis riche en CBD à l’état brut. Cela représente un pas important pour la filière française et ouvre la voie à une commercialisation en direct et en circuit court par les exploitants agricoles. Dans le même temps, l’expérimentation sur le cannabis médical se poursuit.

Produire des fleurs de cannabis riche en CBD sur une exploitation agricole ? Et pourquoi pas. Si les fleurs contiennent moins de 0,3 %de THC et que la variété est inscrite au catalogue européen, c’est autorisé par la loi. En soi, cette culture est déjà largement répandue en France sous la forme du chanvre textile qui respecte ces deux critères. La différence réside dans les variétés utilisées. « Le « chanvre » est une construction sociale. Il n’existe pas d’un point de vue scientifique. Il s’agit d’un cannabis qui n’est pas psychotrope, et qui est cultivé dans le but de produire des fibres et des graines. Ce sont des variétés qui possèdent des entre-nœuds longs pour la qualité de la fibre », détaille Franck Milone, le dirigeant de l’entreprise LaFleur lors d’une conférence qui se tenait le 18 janvier dans le cadre du Sival. Il distingue ces variétés spécifiques de chanvre à celles sélectionnées pour la production de fleurs et des principes actifs qui les composent, dont les entre-nœuds sont plus courts afin que la plante supporte le poids des fleurs.

Dans les années à venir, la culture de ces variétés tournées vers la production de fleurs pourrait représenter une opportunité de diversification intéressante pour la ferme France. D’autant plus que les exploitants agricoles sont légitimés par la loi pour réaliser cette culture. « Seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre », précise l’arrêté du 30 décembre 2021.

Ça bouge sur la vente de fleurs et de feuilles

Tout en autorisant la culture des fleurs de cannabis riches en CBD, ce décret du 30 décembre 2021 en interdisait la vente aux consommateurs sous forme brute et non-transformée. Le gouvernement justifie cette décision pour la raison que cette forme est essentiellement destinée à une consommation par voie fumée, qui « présente des risques sanitaires avérés ». Or, selon l’Association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC), « ces produits représentent, pour les producteurs comme pour les détaillants, la majeure partie de leur chiffre d’affaires (entre 50 et 70%) ». De plus, cette législation empêchait les producteurs de commercialiser leur production en direct et en circuit court.

Jugeant le « caractère disproportionné » de cette mesure, le conseil d’État a d’abord suspendu l’arrêté en référé en janvier 2022, avant de l’annuler sur le fond en décembre 2022. Suite à cette décision, le gouvernement indique poursuivre sa réflexion afin d’élaborer « un cadre réglementaire adapté pour la commercialisation de ces fleurs et feuilles brutes ».

Malgré cette décision de justice favorable, la filière de la fleur de chanvre riche en CBD compte encore plusieurs bâtons dans ses roues. L’AFPC demande notamment un élargissement des variétés inscrites au catalogue. « La qualité des produits CBD issue de ces variétés est insuffisante pour être réellement compétitive sur les marchés nationaux et européens. Autoriser des variétés spécialement conçues pour la culture du chanvre CBD permettrait de remédier à ce problème », indique-t-elle sur son site. L’association demande également un relèvement du taux de THC à 1% dans les variétés cultivées afin « d’atteindre des produits CBD, bruts ou transformés, de qualité suffisante, notamment en termes de taux de CBD ».

Des avancées sur le cannabis médical

En parallèle de la culture de chanvre destiné au marché du CBD, le cannabis médical, avec un taux de THC supérieur à 0,3%, trace également sa route. « Aujourd’hui, avec des dérogations, il est possible de réaliser du développement et de la R&D, d’importer des fleurs de THC, de manipuler du THC et de cultiver des plantes riches en THC. Mais il n’y a pas d’utilisation commerciale possible », souligne Franck Milone, dont l’entreprise LaFleur est spécialisée depuis 2014 dans la création de médicaments dérivés du cannabis.

En France, une expérimentation de deux ans débutée, en mars 2021 et incluant 3000 patients, a été prolongé d’un an. « Cela doit permettre de traiter du futur statut du cannabis médical et du remboursement concernant les pathologies graves en échec thérapeutique », explique Franck Milone. Il précise également que le rapport préliminaire montre des résultats probants. Dans le cadre de cette expérimentation, plusieurs centaines de pharmacies à travers le territoire ont déjà obtenu l’autorisation de commercialiser ce type de produit. Les essais se sont concentrés sur les situations palliatives, la sclérose en plaque, les douleurs réfractaires aux traitements, les situations de fin de vie et les forme graves d’épilepsie pharmaco-résistante.