La race Ferrandaise renaît peu à peu de ses cendres

Après avoir échappé de peu à la disparition dans les années 70-80, la race bovine Ferrandaise, emblématique du Puy-de-Dôme, regagne aujourd'hui peu à peu nos campagnes. Bilan avec Grégoire Verrière, animateur de l'association La Ferrandaise.

Dans le paysage bovin du Massif central, où prolifèrent Charolaises, Salers, Limousines ou encore Aubracs, subsiste une race locale moins connue, à la robe bigarrée tantôt rouge, tantôt noire, dont le berceau prend racines dans les montagnes puydômoises. J'ai nommé : la Ferrandaise. Si elle est toujours considérée comme menacée, la race connaît toutefois une importante croissance depuis les années 70-80, durant lesquelles elle a bien failli disparaître...

 

Disparition évitée, de justesse !

La Ferrandaise, reconnue "race pure" en 1889, compte près de 200 000 têtes durant la période d'entre-deux-guerres, qui correspond à son apogée. Dans les années 1960, avec l'avènement d'une politique agricole productiviste, l'effectif de la race déjà amoindri par la seconde guerre mondiale, se met à décliner dangereusement.

En effet, la France incite ses éleveurs bovins à concentrer leurs efforts sur des races dénombrant 500 000 vaches ou plus, afin de faciliter le travail de sélection, et à investir dans des machines modernes, au détriment de la traction animale. À partir des années 1970, le cheptel ferrandais passe sous le seuil critique des 200 mères. Sa disparition semble alors inévitable. Mais un espoir subsiste car, au même moment, des groupes d'éleveurs s'organisent pour conserver les races délaissées.

 

Création d'une association de protection

En 1978, soutenue par l'institut de l'élevage (Idele), les parcs naturels du Livradois-Forez et des Volcans d'Auvergne, et la coopérative d’insémination, une poignée d'éleveurs passionés fonde l'Association de sauvegarde de la race bovine Ferrandaise (aujourd'hui "La Ferrandaise") qui a pour but, comme son nom l'indique, de préserver la race. Commence alors un long travail de recensement, essentiel pour rajeunir le troupeau et augmenter progressivement ses effectifs. Aujourd'hui, l'association poursuit cette mission, en parallèle de plusieurs autres, parmi lesquelles : la caractérisation des éleveurs, élevages et produits issus de la race ; le maintien d'une génétique "race pure" ; la valorisation des produits pour assurer l'avenir de la filière en construction ; ou encore le développement de la promotionde la race par les biais de la communication et de l’événementiel.

 

Un engouement grandissant

Que ce soit pour ses qualités lactiques, esthétiques, sa rusticité ou encore par envie de renouer avec une race patrimoniale, la Ferrandaise attire aujourd'hui de plus en plus d'éleveurs, primo accédants ou installés de longue date. « Le nombre d'élevages a plus que doublé ces 10 dernières années ».

"On dénombre aujourd'hui près de 700 élevages ferrandais en France, soit plus du double par rapport à 2014"

Majoritairement élevées en système allaitant (90%), les ferrandaises s'immiscent un peu partout en France, mais se retrouvent principalement - et sans surprise - autour de leur bassin d'origine, dans les départements du Puy-de-Dôme, de la Loire et du Cantal, suivis par l'Allier, la Creuse et la Corrèze. Parmi les près de 700 élevages* recensés, « il existe une grande diversité de profils d'éleveurs, allant de l'agriculteur chevronné, au double-actif, en passant par le retraité » explique Grégoire Verrière, qui se réjouit de ce regain d'intérêt. « Aujourd'hui, les demandes en femelles reproductrices dépassent les effectifs disponibles ». Un succès notamment lié aux apparitions remarquées de la vache lors de diverses manifestations locales, mais aussi au cours de rendez-vous récurrents : Sommet de l'élevageSalon international de l'agricultureFourmofolies, ou encore fête des Estives d'Allanche.

 

Bientôt une marque 

Une étude de valorisation démarrée en 2020 auprès d'autres races a permis au syndicat d'identifier trois débouchés prioritaires : les métiers de bouche, la restauration collective et la vente directe ou au sein de magasins de producteurs. Pour s'en rapprocher, l'association travaille sur plusieurs projets, dont l'élaboration d'une marque qui devrait être déposée avant la fin de l'année 2024. 

"Notre objectif est de nous rapprocher des métiers de bouche en leur proposant des produits de haute qualité, et en mettant en avant un cahier des charges incluant des pratiques d'élevage vertueuses : alimentation à l'herbe et au foin l'hiver, diminution du recours aux aliments concentrés, pâturage, ou encore bien-être animal"

En attendant, l'association s'est d'ores et déjà impliquée dans la promotion de la race auprès de la restauration collective au travers de l'opération "boeuf bourguignon", durant laquelle 14 000 repas préparés à base de viande ferrandaise, issue de 10 élevages locaux, ont été servis aux élèves des écoles primaires de la métropole de Clermont-Ferrand, le 11 avril dernier. « Nous espérons prochainement développer un concept similaire avec le Département du Puy-de-Dôme ».

 

Travail sur la génétique

Concernant le volet génétique, l'association travaille avec l’Idele à repréciser les critères qui définissent la race Ferrandaise, afin de rétablir son standard. Près de 700 vaches de plus de cinq ans ont ainsi été pointées durant l’année 2022-2023. À terme, « la base des données récoltées servira à identifier les potentielles futures mères à taureaux ».

Par ailleurs, à la suite d’un travail d’identification pour la mise en collecte d’un taureau pour l’insémination artificielle(IA), un nouveau mâle est rentré fin 2023 en station de prélèvement. Il s’agit de Prosper, un mâle de trois ans de chez Julien Gauthier à Nébouzat. « À ce jour, la France compte 31 mâles à l'insémination artificielle » rapporte l'animateur de La Ferrandaise. Un travail d'identification a également été mené pour connaître les caractéristiques récurrentes des filles de chaque taureau d'IA. Grâce à ces chantiers, « nous pourrons en 2024, enrichir le répertoire des taureaux d’IA et donner plus de détails aux éleveurs ».

"À ce jour, la France compte 31 mâles à l'insémination artificielle (...) Nous pourrons en 2024, enrichir le répertoire des taureaux d’IA et donner plus de détails aux éleveurs"

Par ailleurs, l'association travaille actuellement sur le projet RALAOMAC, qui vise à étudier et caractériser les rameaux laitiers des races rustiques et locales du Massif Central, dans le but de contribuer à leur maintien et de les réintégrer au sein des AOP. Cette année, le projet se penchera sur la notion de rusticité afin de mieux l’expliquer et de démontrer son impact sur des résultats zootechniques des exploitations étudiées. 

 

*Sont comptabilisés tous les élevages comptant au moins une Ferrandaise.