Le b.a.-ba du management

Bien se connaître, établir des règles claires et identiques pour tous, s’intéresser à ses collaborateurs, communiquer, et recadrer. Tels sont les points clés pour arriver à gérer ses employés sans accrocs.

Quel est le préambule nécessaire à tout management ?

Avant d’arriver à gérer une équipe, le viticulteur doit bien se connaître. « Il doit savoir ce qu’il supporte ou non, quels sont ses comportements et réactions, et s’il a la capacité à mettre de la distance et à ne pas réagir à chaud », estime Emmanuelle Rouzet, d’ERF Conseil, à Toulouse. « Il doit être bien dans ses bottes, en cohérence avec lui-même et en adaptation avec ses salariés », renchérit Véronique Manche, de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire. Il est également important qu’il ait une vision à long terme de son entreprise ; qu’il fixe un cap et soit capable de le verbaliser.

De son côté, Loïc Perrin, de Terroir Conseil et Performance en Vallée du Rhône, constate qu’un bon manager doit savoir écouter, recadrer, déléguer et féliciter. Cela implique notamment qu’il sache reconnaître ce qui est bien fait. Le manager doit en outre savoir distinguer la faute, qui va à l’encontre des valeurs de l’entreprise et qui doit être sanctionnée tout de suite, de l’erreur, qui, si elle n’est pas réitérée, fait partie du mécanisme d’apprentissage.

Enfin, et surtout, le viticulteur doit être conscient que le management est une fonction à part entière, qui demande du temps. « Il doit accepter de perdre du temps à expliquer chaque tache et en quoi sa bonne exécution est importante pour l’entreprise, afin d’en gagner ensuite », insiste Véronique Manche. Loïc Perrin va même plus loin. Il considère qu’un manager doit dédier 10 % de son temps à chacun de ses cadres, pour les soutenir et arbitrer.

Comment savoir si on a un problème de management ?

Le taux d’absentéisme est le premier indice qui doit mettre la puce à l’oreille du chef d’entreprise. De même qu’un trop fort taux d’accidents du travail ou de TMS (troubles musculosquelettiques). Le nombre de jours de formations octroyés est un autre clignotant.

Quelles sont les clés du management ?

« Un bon manager est quelqu’un qui développe ses équipes et les emmène là où elles pensaient qu’elles ne pouvaient pas aller seules », plante Loïc Perrin. Pour ce faire, Emmanuelle Rouzet, recommande d’appliquer les règles du « savoir dire », au nombre de six. « Le manager doit parler en son nom et dire « Je veux » et non « Il faut ». Il doit parler positif, c’est-à-dire expliquer ce qui va, avant ce qui ne va pas. Il doit exprimer ce qu’il veut plutôt que ce qui ne convient pas : « Je veux que tu tailles à telle vitesse » et non « tu tailles trop lentement ». Il doit éviter les questions : il doit par exemple privilégier « Là, tu as des difficultés », au détriment de « Pourquoi n’as-tu pas réussi ? ». Il doit verbaliser, lorsque c’est possible, ses émotions : « Je suis particulièrement heureux aujourd’hui ». Lorsqu’il a un argument, il doit donner les raisons « Je suis satisfait car nous avons bien avancé ». Enfin, il doit éviter les jugements », énumère-t-elle.

Véronique Manche considère quant à elle qu’une bonne gestion du personnel nécessite d’être en adéquation avec son équipe, de savoir s’adapter à chaque salarié. « On ne gère pas de la même manière un employé qui est dans l’exécution pure, et un autre qui souhaite des responsabilités et être autonome, illustre-t-elle. Il y a une part d’intuition dans la fonction de management. » Pour cela, elle préconise d’être dans la communication et la relation à l’autre ; dans l’empathie. Mais point trop n’en faut : Emmanuelle Rouzet estime qu’il faut limiter l’affectif. Et éviter de jouer sur la corde affective pour diriger, sous peine de basculer dans la manipulation. Un bon manager doit également savoir encaisser l’échec, reconnaître ses erreurs et renoncer à plaire.

Pour bien manager ses collaborateurs, il est également primordial d’établir des règles claires, identiques pour tous, et les faire respecter. Cela peut passer par la rédaction de fiches de poste pour chaque emploi, afin que chaque salarié sache quelles sont les tâches qui lui sont imparties, de qui il est responsable et de qui il dépend. En cas de non-respect des règles, le manager ne doit pas avoir peur du conflit, et aller jusqu’au bout, même s’il s’agit d’un licenciement. Car « il n’y a rien de pire que les fausses menaces ou que le laisser-faire », prévient Loïc Perrin.

Par ailleurs, dans le cas d’une exploitation familiale, il est important de sortir de la relation filiale dans le cadre du travail. « Il ne faut pas qu’une fille appelle son père « Papa », pointe Emmanuelle Rouzet, car d’une part, cela implique une relation de subordination de la part de la fille, et d’autre part, ce n’est pas agréable pour les autres salariés qui ont l’impression de s’immiscer dans la sphère privée. » De même, le paternalisme, qui infantilise, n’est pas recommandé.

Comment motiver ses employés ?

« L’un des pièges consiste à croire que l’argent est la seule motivation. Or pour motiver ses troupes, il faut les mobiliser sur des objectifs de l’entreprise, leur donner de l’autonomie et de la reconnaissance. Et cette dernière passe davantage par du temps, de la compréhension et de l’écoute », juge Loïc Perrin. « La motivation a trait à la satisfaction des besoins du salarié », complète Véronique Manche. Or ces derniers sont de trois ordres : le sentiment d’appartenance à un groupe, l’estime de soi et la reconnaissance. « Le premier correspond au fait d’être dans une équipe et d’avoir l’impression d’être important pour cette équipe, poursuit la conseillère. Cela procure de la satisfaction. » Ce sentiment d’appartenance peut être renforcé par la mise en place d’une réunion d’équipe tous les lundis matin, avec répartition des tâches pour la semaine, explication des objectifs et du rôle de chacun dans leur atteinte.

La reconnaissance, quant à elle, arrive avec les félicitations. « On ne félicite jamais assez ses salariés, assure Véronique Manche. À condition que, lorsque les choses ne vont pas, le manager le dise également. » Par ailleurs, la spécialiste conseille de s’intéresser à ses employés, d’organiser des briefs, des débriefs, etc. afin de bien cerner leurs motivations, les formations qu’ils aimeraient suivre, les tâches qu’ils affectionnent. En cela, l’entretien individuel annuel, d’ailleurs obligatoire, est un point d’orgue. « C’est un instant privilégié d’échange », insiste Loïc Perrin.

Bien sûr, la reconnaissance passe aussi par le salaire. Ou à défaut, par des gestes matériels, tels qu’un cadeau de fin d’année, un pot de fin de saison, un repas de fin de vendange, etc. « Mais dans les enquêtes de motivation, la rémunération n’est jamais le premier critère, rassure Emmanuelle Rouzet. Des gens très mal payés restent dans des entreprises s’ils y sont heureux et reconnus, s’ils ont des possibilités d’évolution. » La prise en compte des conditions de travail (arrêt de la journée de travail plus tôt en cas de grand froid…) participe elle aussi au sentiment de reconnaissance.

Comment bien doser l’autorité ?

Pour trouver le bon équilibre, « il faut être très clair sur sa place et son rôle », prône Emmanuelle Rouzet. Pour Véronique Manche, l’autorité repose en grande partie sur l’estime que les salariés ont pour leur chef. Il doit être un bon professionnel, capable de montrer l’exemple, mais aussi de faire respecter les règles. Et il doit éviter deux écueils : le laisser aller, et croire que l’employé va savoir tout seul. De son côté, Loïc Perrin définit l’autorité comme la capacité à trancher.

Comment fidéliser les saisonniers ?

La communication joue un rôle clé dans la fidélisation des saisonniers. Pour cela, Emmanuelle Rouzet préconise de rester en contact avec eux lors des périodes creuses, par le biais de newsletters, d’e-mails, ou autres. Par ailleurs, leur proposer une formation (à la taille alors que le saisonnier est là pour les vendanges par exemple) peut être un facteur d’attrait.

Comment désamorcer les conflits entre deux salariés ?

Quelle que soit l’origine de la mésentente, si elle a des répercussions sur le travail, il faut essayer de régler le problème au plus vite, afin d’éviter que l’ambiance ne devienne délétère. Pour ce faire, il est nécessaire de comprendre la situation, et donc amener les deux personnes à expliquer l’origine du conflit, ensemble ou séparément. « Le mieux est d’organiser une réunion à trois avant que cela ne s’envenime, propose Emmanuelle Rouzet. Chacun expose ce qui ne va pas et le manager impose de sortir de la salle au bout de deux heures avec une solution, trouvée par les salariés. » Véronique Manche préconise elle aussi que les employés construisent la solution de sortie du conflit, car elle sera beaucoup plus efficace qu’une imposée par le manager, mais elle recommande de parler avec chacun des protagonistes séparément.

Une autre clé peut être de modifier les modalités d’organisation du travail, en séparant les deux personnes ayant des inimitiés. Et d’ériger des règles claires de type « Je ne veux pas de vocabulaire de ce type dans mon entreprise », ou « Les disputes sont interdites dans le cadre de l’exploitation », avec des menaces de mise à pied ou de « punition » en cas de non-respect des règles.