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Vendredi 26/12/2025
DNC : quels impacts économiques en cas de perte du statut indemne ?
La vaccination des 16 millions de bovins présents sur le territoire ferait perdre à la France son statut de pays indemne de DNC, entravant l’exportation de bovins vifs et générant un déséquilibre entre l’offre et la demande, préjudiciable aux prix des carcasses. Mais la perte du statut pourrait également affecter l’exportation de viande bovine et de produits laitiers, selon une analyse de l’Institut de l’élevage.
La peste ou le choléra ? Ce n’est pas à proprement parler le dilemme auquel la France bovine est exposée avec cette DNC, toujours pas éradiquée, près de 6 mois après son apparition inédite sur le territoire. Si la stratégie édifiée dès juillet a fait ses preuves au sein de trois ex-zones réglementées, devenues zones vaccinales, l’irruption de foyers en Occitanie, hors zones réglementées, interroge légitimement le bien-fondé de la stratégie, contestée jusque sur le bitume par la CR et par la Conf’, alignées sur l’abattage sélectif et la vaccination généralisée.
Tout en restant fidèle à sa stratégie à 3 piliers (abattage des élevages-foyers, vaccination en zone réglementée, restrictions de transport), fondée sur le « consensus scientifique » et avalisée le 22 décembre par la « cellule de dialogue scientifique », le gouvernement a lâché du lest, en dressant un cordon vaccinal des Landes à l’Hérault, visant à vacciner préventivement 750.000 bovins d’ici à la mi-janvier. Au 25 décembre, 43,3% du cheptel des dix départements concernés était vacciné, soit 307.974 animaux.
Le gouvernement a aussi brandi le bâton des sanctions contre les mouvements illicites d’animaux, fortement suspectés d’être à l’origine des « quatre foyers apparus en quatre jours à 100 km les uns des autres » en Occitanie.
Cette vaccination préventive instituée dans 10 départements pourrait préfigurer l’étape d’après, consistant, au cas où le virus franchirait le cordon sanitaire, à vacciner sur tout le territoire, une opération qui prendrait tout de même entre 7 et 12 mois. Une telle décision engendrerait la perte, pour l’Hexagone, de son statut indemne de DNC. Et après ? Si la DNC est une peste, ayant conduit à l’abattage d’environ 3400 animaux au sein de 115 unités épidémiologiques en date du 25 décembre, la perte du statut indemne pourrait-elle être apparentée au choléra, du fait de ses incidences économiques sur l’exportation des produits agricoles et agroalimentaires ? C’est le scénario qu’a exploré l’Institut de l’élevage.
ZR, ZV et ZI
Selon les normes internationales de l’OMSA, un pays est considéré indemne de DNC seulement s’il n’y a ni circulation du virus ni vaccination en cours. Par ailleurs un principe de zonage s’applique dans la plupart des accords sanitaires aux échanges internationaux (en particulier avec les autres pays européens), qui sépare la zone indemne (ZI) de zones où le virus est susceptible de circuler (ZR) et celles où les animaux sont vaccinés (ZV).
Selon l’Institut de l’élevage, la généralisation de la vaccination, tout comme la multiplication de foyers sur l’ensemble du territoire, aurait pour effet d’accroitre fortement la perception du risque sanitaire par les pays importateurs, qui cherchent à éviter toute introduction de la DNC, maladie à fort impact zootechnique et économique. Dans ces conditions, « il y a tout intérêt à maintenir la ZI la plus large possible afin de maintenir les possibilités de mouvements d’animaux en France et à l’exportation » recommande l’Institut.
Bovins vifs et semences
En 2024, la France a exporté 1,4 million de bovins pour 1,7 milliard d’euros, un chiffre plus proche des 2,5 milliards d’euros en 2025 du fait de la revalorisation historique du prix des carcasses cette année. Elle a aussi exporté de la semence bovine à hauteur de 22 millions d’euros.
Selon l’Institut de l’élevage, la fermeture des marchés export occasionnerait un fort déséquilibre entre offre et demande de bovins. L’engraissement des 1,4 millions de bovins non exportés demanderait de disposer de suffisamment de capacités d’engraissement (les facteurs limitants pouvant être les bâtiments et la main d’œuvre) et d’abattage alors que les capacités d’abattage nationales se sont sensiblement réduites ces dernières années. Les abattages de bovins seraient amenés à progresser soudainement de 35%, passant de 4 millions de têtes à 5,4 millions de têtes par an. Il serait également nécessaire de trouver des débouchés commerciaux aux 560.000 tonnes de viandes supplémentaires produites par an (soit l’équivalent de 4 fois le déficit français en viande en 2024). De plus, ces volumes supplémentaires seraient majoritairement constitués de viande de jeunes bovins, viande qui est surtout habituellement exportée alors que le maintien de ces exportations est incertain en cas de perte de statut. Cette suroffre occasionnerait un décrochage des prix des bovins français, dont la valeur sortie ferme est tout de même évaluée à 10,7 milliards d’euros en 2025.
Dans ce scénario de perte de statut, la réouverture de marchés exports ne pourrait se faire que de manière bilatérale, après des négociations dont l’expérience prouve qu’elles peuvent être longues. Des exigences sanitaires supplémentaires seraient vraisemblablement demandées pour l’ensemble des animaux français, de manière analogue aux conditions actuellement imposées par l’Italie pour les animaux issus de ZV. Elles pourraient exclure du marché d’assez nombreux élevages, notamment ceux qui ne seront pas encore protégés au début de la campagne de vaccination.
Viande bovine et produits laitiers
Bien que la situation ne soit pas tout à fait prévisible, l’exportation de viande bovine (1,48 milliard d’euro en 2024) et de produits laitiers (9,15 milliards d’euros en 2024) pourrait être affectée, aussi bien dans l’espace économique européen que vis-à-vis des pays tiers. En particulier les pays tiers pourraient invoquer la situation sanitaire de la France pour suspendre leurs importations de produits laitiers et viandes bovines françaises, dans des visées protectionnistes. Malgré la différenciation locale entre ZI et ZR (reconnue au sein de l’UE), le Canada et le Royaume-Uni ont déjà annoncé suspendre leurs importations de certains produits laitiers européens issus des pays dans lesquels la DNC circule.
