Le foie gras, à la fête quand même

[Edito] Entre les crises de grippe aviaire, l’envolée des coûts de production, le boycott de maires écologistes ou encore la problématique du broyage des canetons femelles, le foie gras est en souffrance. Mais pas le foie des Français. Et le Nutri-score ? Euh...

Quatre épidémies en six ans : c’est ce qu’inflige l’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) à la filière volaille. Une situation qui confine à l’enzootie, comme le relève le CGAAER dans un rapport récent consacré à l’analyse des coûts et bénéfices d’une stratégie vaccinale appliquée aux canards. C’est en effet l’espèce la plus sensible et la filière foie gras se trouve de fait en première ligne.

En cette veille de Noël, personne ne se risque à faire un pronostic sur l’intensité de la quatrième vague (de grippe aviaire). En date du 23 décembre, 16 foyers ont été identifiés dans des élevages, moitié dans le département du Nord, moitié dans le Sud-Ouest. C’est peu ou prou le même nombre que l’an passé à la même date. On sait ce qu’il advint ensuite. La maladie a explosé en janvier, avec des pics de contamination de 130 foyers la première semaine. Près de 500 foyers plus tard, plus de 3 millions de canards ont été abattus. La production de foie gras a chuté de 22%. L’Etat a versé plus de 200 millions d’euros d’indemnisations.

S’il n’y avait que la grippe aviaire

Ceci explique pourquoi le ministère de l’Agriculture a décidé de revoir le cadre réglementaire et sanitaire, consistant, pour faire court, à confiner toutes les volailles de France et de Navarre en situation de risque élevé. La mesure a fait piailler les éleveurs de plein air, non sans raisons. Autant dire que la campagne en cours fait office de crash-test.

Mais il n’y a pas que la grippe aviaire. La filière foie gras affronte d’autres périls telle l’envolée des coûts de production, due à l’inflation des prix de l’aliment et aux nouvelles règles de biosécurité.

Un autre gros défi réside dans l’acceptation sociétale. On n’est plus en 2500 avant JC, première datation de la pratique du gavage. La virulence en la matière s’accroit. La dernière piqure est venue de municipalités à majorité écologiste, bannissant le foie gras des réceptions officielles. Mais c’est Delta et Omicron qui se sont invités à la fête...

Le Covid justement, cette autre maladie à virus et à succès qui, l’an passé, a coupé les ailes à de nombreux débouchés, après que la loi Egalim a serré le jabot aux promotions, finalement sauvées par une dérogation. Le broyage des canetons femelles est un autre spectre planant à bas bruit. A surveiller comme une fiente de grue cendrée tombant du ciel.

La foi dans le foie gras

Le foie gras a cependant les reins solides. Face à tous ces oiseaux de mauvais augure, la filière n’a pas son pareil pour mobiliser sa basse-cour, jusqu’à la Chambre haute. Le 16 décembre, la Commission des affaires économiques du Sénat est montée au perchoir pour soutenir les producteurs. Après tout, le foie gras est depuis 2006 un « produit du patrimoine culturel et gastronomique français » et protégé en tant que tel. Il y aussi 100 000 emplois en jeu. Du côté de l’interprofession, on se rassure à coup de sondages. La dernière enquête, datant de quelques semaines, indique que 91% des Français déclarent consommer du foie gras. A Noël, ils (nous) seront (serons) 75% à en déguster, c’est deux points de plus qu’en 2020. Les Lyonnais, dont le maire a tiré une croix dessus, seront 78%. Trois points de plus que la moyenne ! En 2021 après JC, la foi dans le foie gras ne se dément pas. Malgré la note « E » au Nutri-score.