Quelle place pour la vaccination contre l’influenza aviaire ?

Face à une maladie devenue enzootique et coûtant très cher à l’État, le CGAAER préconise une vaccination préventive ciblant les palmipèdes du Sud-Ouest, assortie d’une surveillance post vaccinale performante et d’une stricte observance des mesures de biosécurité. La France pourrait profiter de la présidence de l’UE pour mettre à l’agenda la question l’acceptation de la vaccination par les pays tiers.

« L’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) due au virus de sous-type H5N8 (clade 2.3.4.4.b) est devenue enzootique dans l’avifaune sauvage en Eurasie, sans doute pour plusieurs années ». C’est le constat dressé par le Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) dans un rapport commandité par le ministère de l’Agriculture. Autrement dit : sous l’effet des migrations de l’avifaune, la France est potentiellement sous la menace récurrente de l’IAHP, ce que le passé récent n’a pas démenti, avec trois épizooties en cinq ans. Depuis le 10 septembre, la France est du reste en situation de risque modéré, faisant planer la menace d’une nouvelle épidémie, que l’État tente de déjouer avec la mise en œuvre de nouvelles règles sanitaires, contestées par certains éleveurs pratiquant le plein air.

"L’abattage de millions de volailles se heurtera tôt ou tard à des questions d’acceptabilité́ sociétale"

Le dernier épisode de l’hiver 2020-2021 a coûté la vie à 3,5 millions de canards, abattus préventivement pour circonscrire l’épidémie. « L’abattage de millions de volailles se heurtera tôt ou tard à des questions d’acceptabilité sociétale », relève le CGAEER, qui évoque aussi la menace de santé publique que fait peser l’IAHP. Il a aussi coûté cher à l’État. Le rapport mentionne un coût compris entre 46 et 56 millions € pour les indemnisations sanitaires, auxquels s’ajoutent 155 à 170 millions € de compensation aux pertes de production, soit un total compris entre 201 et 226 millions €, sans compter les moyens humains mis à disposition par l’État. L’épidémie de 2015-2016 avait coûté 134 millions € et celle de 2016-2017 plus de 201 millions €, toujours hors moyens humains. L’impact cumulé sur le commerce extérieur pour l’ensemble des filières (foie gras, volaille de chair, œufs, génétique...) s’était établi à 133 millions € et 109 millions pour la première et deuxième crise, sous l’effet des restrictions à l’exportation. La crise de 2020-2021 a eu un impact réduit à 20 millions €, du fait de l’application et du développement des accords de zonage, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Le zonage, ou régionalisation, permet de maintenir les exportations depuis les zones indemnes de maladies, en descendant à l'échelles des régions, des départements, voire des communes.

Les coûts de la vaccination

Le CGAAER s’est livré à une analyse des coûts et bénéfices d’une stratégie vaccinale, qui pourrait concerner 3,5 millions de canards mis en place entre les semaines 35 à 47 dans les départements du Sud-Ouest ciblés pour la vaccination. Les deux doses injectées à trois semaines d’intervalle reviendraient à un montant compris entre 0,7 et 2,1 millions €. La surveillance associée à la vaccination (écouvillonnage de 60 animaux par lot, teste virologiques PCR, analyses sérologiques tous les 15 jours sur 20 animaux par bande) coûterait entre 1,5 et 2 millions €.  Les pertes à l’export, estimées sur la base des refus exprimés à ce jour par plusieurs pays tiers prioritaires pour les filières, approchent les 250 millions € par an, difficilement supportables pour les professionnels des filières exportatrices, en particulier les viandes et la génétique.

Les recommandations du CGAAER

Cependant, « face à l’impact et à la récurrence des crises, l’intérêt d’une stratégie vaccinale qui viendrait compléter les mesures sanitaires de prévention et de lutte doit être examiné », jauge le CGAAER, qui formule six recommandations :

- réaliser au plus tôt des évaluations comparées des différents candidats vaccins utilisables chez les palmipèdes en conditions expérimentales et dans les conditions du terrain

- ne pas substituer la vaccination aux mesures de biosécurité

- s’orienter vers une vaccination préventive ciblée sur les palmipèdes gras du Sud-Ouest les années à risques élevé

- préparer en période inter-épizootique un plan de vaccination préventive en urgence

- prendre en compte les différents enjeux d’une stratégie commerciale et notamment les capacités exportatrices des filières avicoles

- engager, au niveau européen, des démarches auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale et des pays importateurs pour faciliter l’acceptation de la vaccination.

Le CGAAER rappelle qu'aucun vaccin contre l’IAHP ne procure une immunité stérilisante, qui supprimerait totalement l’excrétion virale. Le but de la vaccination est de parvenir à un niveau d’immunité collective empêchant la circulation virale intra et inter-élevages.

« La prochaine présidence française de l’Union européenne offre l’opportunité de renforcer l’intérêt déjà signalé des États membres et de la Commission européenne pour la vaccination », conclut le CGAAER.