Le miscanthus et le sorgho s’invitent dans la bioéconomie

Le premier trouve des débouchés dans la fabrication de blocs de béton non porteurs et de pièces automobiles. Le second cible la méthanisation. Servies par des bilans économiques et écologiques positifs, les surfaces de miscanthus et de sorgho connaissent des croissances à deux chiffres en France.

« Il y a trois conditions à remplir pour que des industriels substituent des biomatériaux aux matières premières conventionnelles », déclare Patrick Navard, chercheur au Centre de mise en forme des matériaux. « Leur profil environnemental doit être meilleur, leur coût doit être identique voire moins élevé, leur intégration dans les process de fabrication doit pouvoir se réaliser avec les outils industriels existants. Le miscanthus remplit ces trois conditions pour remplacer partiellement la fibre de verre en usage dans l’industrie automobile ou encore le ciment pour fabriquer des blocs de béton non porteurs ».

"Un des défis consistait à déjouer le manque de débouchés pour les agriculteurs et le manque de source d’approvisionnement pour les industriels"

Le chercheur spécialisé en biomatériaux a participé au Programme d’investissements d’avenir (PIA) dédié aux potentialités offertes par deux cultures, le miscanthus et le sorgho. Baptisé « Biomass for the futur » (BFF), le programme vient d’arriver à son terme après huit ans de recherches explorant de nombreuses disciplines, de la science de matériaux à l’écophysiologie en passant par génomique végétale, l’agronomie ou encore l’analyse du cycle de vie (ACV). « Le but était d’activer tous les leviers pour donner une véritable impulsion à ces nouvelles filières », déclare Herman Höfte, directeur de recherche à l’Inrae et coordinateur du programme. « Un des défis consistait à déjouer le manque de débouchés pour les agriculteurs et le manque de source d’approvisionnement pour les industriels ».

7.000 ha de miscanthus, 3.000 ha de sorgho énergie

Au-delà des avancées réalisées en matière de sélection génétique et d’analyse du cycle de vie, c’est peut-être la plus belle réussite du programme que d’avoir cassé ce cercle vicieux propre à toute nouvelle filière. « Les surfaces de miscanthus ont progressé de 13% par an au cours des cinq ans passés pour atteindre 7.000 ha », déclare Alain Jeanroy, président de l’association France Miscanthus. « Au fil des ans, les débouchés en litière animale et en paillage horticole ont pris le dessus sur l’énergie. L’espèce recèle des potentiels de développement, notamment dans le secteur des matériaux bio-sourcés. Un composite prometteur a été validé par le groupe PSA Peugeot Citroën ».

En ce qui concerne le sorgho, c’est la méthanisation qui offre pour le moment des perspectives de développement à l’espèce. « Les surfaces ont progressé de 35% cette année pour atteindre 115.000 ha », déclare Pierre Guillaumin, chargé de mission économie et international à l’association Sorghum ID. « Les types fourragers ont couvert 28.000 ha dont 3.000 ha destinés à la méthanisation ».

Pour ces deux espèces, la composition en ligno-cellulose constitue la ligne de démarcation entre bio-matériaux et méthanisation. La teneur en lignine du miscanthus, parce que récolté sec en fin d’hiver pour assurer sa pérennité, le prédispose aux débouchés matériaux. Il pourrait ainsi servir la fabrication de blocs en béton porteurs, sauf que son ACV est dans ce cas moins bonne que celle du ciment pur.

Le sorgho coupé en vert est en revanche plus propice à la méthanisation, même s’il possède des propriétés mécaniques qui pourraient être exploitées dans l’industrie, moyennant un pré-traitement.

La compétitivité économique sans la compétition alimentaire

"Le potentiel du miscanthus en zones de protection de captage d’eau est très loin d’être comblé"

Si les analyses de cycle de vie laissent augurer à ces deux espèces un avenir industriel, encore faut-il qu’elle soient compétitives au sein des assolements. « Le miscanthus revient moins cher que la fibre de verre », déclare Alain Jeanroy. « Les débouchés ne paillage et litière ont par ailleurs permis de revaloriser la matière première. Le miscanthus est par ailleurs éligible aux SIE et aux ZNT. Si la sole se développe, c’est parce que les agriculteurs y trouvent leur compte ». Le miscanthus requiert un investissement compris entre 3.500 €/ha et 4.000 €/ha à la plantation pour une pérennité comprise entre 15 et 20 ans. Il est principalement implanté en nord de Loire mais entame une progression vers le sud, à l’exact inverse du sorgho. Au plan économique, ce dernier tire quant à lui son épingle du jeu en étant cultivé en dérobé, au titre des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive).

La question de la compétition à l’égard des cultures alimentaires se pose-t-elle ? « Pour le sorgho,  la réponse est donnée par les Cive », répond Herman Höfte. « S’agissant du miscanthus, outre son intérêt en tant que SIE, la culture occupe des terres polluées ou encore des zones de protection des captages d’eau et à ce titre, le potentiel est très loin d'être comblé ».