Miel frelaté et temps pluvieux, les malheurs des apiculteurs

45.000 tonnes de miel consommées chaque année en France ! Une demande à laquelle nos apiculteurs ont du mal à répondre avec 20.000 tonnes produites chaque année. Depuis longtemps déjà, les difficultés s’accumulent. Météo difficile et consommateurs abusés par certaines pratiques : la filière est en danger !

Cette année, la récolte de miel ne va pas faire le buzz. Les professionnels de la filière sont inquiets : le miel de printemps sera quasiment inexistant. Le retour du froid en avril a confiné les abeilles dans leur ruche. Conséquence, elles ont commencé à consommer leurs réserves de miel. Quant aux pluies diluviennes observées en avril et mai, elles ont lavé le pollen des fleurs, privant les colonies de nourriture. Moins de stocks, prix à la hausse : les distributeurs sont tentés d'aller chercher des miels étrangers, bien moins chers, moins de 1,80€/kg en 2023, selon la Confédération Paysanne, au grand dam des apiculteurs. 

Contre les importations massives de miel, l’Europe contre-attaque 

Les entreprises française sont contraintes depuis 2022 d’indiquer les pays d’origine des mélanges de miels quand ils sont conditionnés et commercialisés sur le territoire. Mais pour les miels conditionnés hors de France, seules les mentions “miels originaires d’Union européenne” ou “miel non originaire d’Union européennes” sont obligatoires. Une mesure loin d’être suffisante pour la filière. Le Parlement et le Conseil de l’Europe ont néanmoins entendu les apiculteurs. Un accord politique a été conclu le 10 avril 2024, avec une entrée en vigueur le 20 avril. D’ici deux ans, les entreprises seront obligées d’indiquer la provenance des pays sur leurs étiquettes avec le taux de pourcentage des quatre premiers pays, par exemple 45 % France, 20 % Espagne etc… Un système de traçabilité du miel avec un “code d’identification unique” des ruches aux points de vente est en préparation. C’est sans contexte une avancée vers la transparence et un effort dans la lutte contre les importations massives dans l’Union européenne de miels bien trop souvent coupés au sirop de sucre. 46 % des miels importés hors UE sont suspectés d’être frelatés. Les douanes ont particulièrement dans le viseur les miels en provenance de Chine et de Turquie. 

La FNSEA, piquée au vif enfonce le clou

À la mi-mai, le syndicat avait pointé du doigt les importations de miel chinois en demandant expressément dans un communiqué destiné aux distributeurs “de retirer les miels chinois et asiatiques de leurs rayons” car ils “déstabilisent le marché dans son ensemble et font subir une distorsion de concurrence inacceptable aux apiculteurs français et trompent les consommateurs”. Rappelons que le prix de notre miel frise les 20 euros le kilo. Un prix conséquent pour le porte-monnaie des français. Et pour couronner le tout, le marketing continue de brouiller les pistes et d'induire le consommateur en erreur. Finalement, les agriculteurs se retrouvent dans la mélasse. Un petit air de déjà vu ?

Du presque français en supermarché

On le sait, le Made in France a la cote et les industriels l’ont bien compris… au détriment des apiculteurs et des consommateurs ! À quand les sanctions ? On ne compte plus les entreprises qui s'inspirent de l’univers cocardier pour doper leurs ventes. Lundi dernier, c’est le groupe français Famille Michaud Apiculteurs - connu pour sa marque Lune de miel - qui était épinglé par l’association de consommateurs UFC-Que choisir. Cette dernière a déposé plainte pour “pratiques commerciales trompeuses” et “francisation excessive”. Certains des produits de la marque, alors qu’ils sont constitués de miels étrangers et français affichent par exemple la mention “miel de nos terroirs” soulignée par l'image d’un village typique français. Elle dénonce aussi le double discours du groupe : susciter la fierté d’une entreprise locale et favoriser la vente de miel français alors que l’origine ne l’est pas. Une action judiciaire saluée par la Confédération Paysanne. Cependant le groupe Famille Michaud Apiculteurs affirme de son côté bien appliquer la loi de 2022 et prépare la riposte. Cette parade marketing s’appelle le “french washing”, encore un nouveau terme dans la catégorie des procédés de marketing. Rappelons que dans cette politique qui vise à  donner une image trompeuse, on retrouve aussi le greenwashing (abuser d’un discours écologique sans que ça soit vrai). 

Les autres problématiques de la filière

D'autres difficultés subsistent : le changement d’indicateur du NODU (nombre de doses unités) pour le HRI1 Harmonised risk indicator for pesticides) soutenu par la FNSEA et contesté par une partie de la filière apicole qui avait largement manifesté en février dernier contre ce nouveau choix. D'après une partie des producteurs, ce nouvel indicateur serait trop laxiste sur  l'emploi des produits phytosanitaires. Toutefois le plan Ecophyto 2030 est maintenu avec le même objectif de réduction de 50 % de l'utilisation des produits phytosanitaires. À voir, si le programme et les engagements seront bénéfiques pour la filière.

Enfin, n'oublions pas le redoutable frelon asiatique, détecté dès 2004 sur notre territoire et qui aujourd'hui a presque colonisé toute la France. Pour la seule filière apicole, les pertes directes causées par le frelon asiatique sont de 12 millions d'euros par an. Une proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique avec un financement multipartite (Etat, collectivités locales et acteurs socio-économiques et sanitaires) et un cadre d'indemnisation pour les exploitants touchés a été déposée au Parlement. Un soulagement pour la filière. Mais ces mesures seront-elles suffisantes pour sauver le miel français ? 

D'heure en heure

L'apiculteur se meurt

Il a eu son heure

Il a fait son beurre

Api apiculteur, chantait Alain Bashung, en 1994…

Comment choisir son miel ? ©Louise Delaroa