" On nous oblige à vivre avec le vautour ! "

La présence du vautour fauve dans le département suscite incompréhension et colère des éleveurs. Des solutions sont avancées mais restent peu convaincantes pour les producteurs une nouvelle fois touchés.

Pour la deuxième année consécutive, les vautours fauves sont de retour dans le Cézallier et le Sancy. Cette présence inhabituelle, qui inquiète fortement les éleveurs, a fait l’objet le 12 mai dernier d’une réunion d’information à Mazoires, sur l’exploitation de Frédéric Chabrillat. Initiée par la FNSEA-JA63, cette rencontre, à laquelle étaient présents la DDT(1), la DDPP(2), l’OFB(3), le GDS63, le Département et la Chambre d’agriculture, avait pour objectif de mieux comprendre le comportement des vautours et trouver des solutions face aux dégâts engendrés par ces rapaces.
Des impacts en cascade
Déjà l’an dernier, des populations de plus de 150 vautours avaient été repérées à plusieurs reprises sur ces territoires. Une présence inaccoutumée qui coïncidait alors avec une forte mortalité sur des parcelles d’estives et d’exploitations. Mais au-delà des impacts sanitaires et financiers causés par la mort des animaux, d’autres conséquences sont apparues liées aux blessures, au stress sur les animaux et aux souillures dans les eaux des points d’abreuvement. A certains endroits, le cheptel se trouvait en effet dans l’impossibilité de boire, les points d’eau étant littéralement accaparés par les vautours.
Pas question donc pour les éleveurs de revivre ces situations, " nous sommes dans une zone d’élevage avec déjà des difficultés dans le métier. Nous luttons au quotidien pour avoir une qualité sanitaire de nos troupeaux, de bons produits et pour maintenir nos appellations fromagères dans lesquelles nous devons être indemnes de listéria et salmonelle " explique un éleveur. " Nous devons lutter contre le sanglier, le campagnol et maintenant le vautour ! Et après ce sera quoi ? surenchérit un autre. Les vautours que nous n’avons jamais vu auparavant dans nos territoires y squattent désormais.  Ils effarouchent les bêtes, les empêchent de s’abreuver et font planer le risque de transmettre la maladie du charbon ou anthrax. La campagne n’est pas une jungle ! nous devons pouvoir vivre de notre métier. Et ce que nous sommes venus chercher aujourd’hui ce sont des solutions ! "
Preuve s’il en est de la présence inhabituelle du vautour fauve dans le Puy-de-Dôme, en 2020 la DDT en dénombrait " 500 contre 180 en 2019 et 50 en 2018 ". Par ailleurs, l'an dernier " jusqu’à 150 individus ont été comptabilisés sur certains sites avec des comportements inhabituels ; mais aucune observation n’a montré une mortalité sur un animal sain " précise Caroline Mauduit, cheffe du service eau, environnement et forêt à la DDT.
Des solutions peu convaincantes
Alors quelles solutions pour les éleveurs ? Dans le cadre de sa mission de protection des populations dans le domaine notamment de la santé, la DDPP(2) a annoncé " la reconduction du dispositif de prise en charge financière des prélèvements et analyses en cas de suspicion d’anthrax validée par le vétérinaire ".  Mais son représentant insiste tout particulièrement sur la nécessité de vacciner les animaux contre l'entérotoxémie et l’anthrax. C’est aussi " la meilleure prévention " selon Sabine Tholoniat. La présidente de la FNSEA63 précise qu’" une demande de prise en charge sera prochainement demandée au Conseil départemental pour les éleveurs du secteur ".
Le plan national 2017-2026 contre le vautour fauve va également s’appliquer dans le Puy-de-Dôme " permettant ainsi de mettre en place des actions de lutte contre les prédations du rapace " d'après Caroline Mauduit. Il donne lieu à la création d’un comité de suivi du vautour dans le département qui se réunira pour la première fois le 31 mai prochain afin de " définir un programme d’actions avec l’ensemble des acteurs ". Parmi celles-ci, la DDT énumère une panoplie de dispositifs pour limiter l’accès aux points d’eau aux vautours : disposer des abreuvoirs en bordure de parcelle ou de sous-bois, installer des filets de camouflage, limiter la zone avec de la rubalise, positionner des armatures sur les points d’abreuvement etc… Des dispositifs qui suscitent l’incompréhension et la colère des éleveurs, " en fait vous nous proposez des solutions pour vivre avec le vautour et non pour lutter contre lui ! " résume amèrement Lionel Allafort, éleveur.
Quant au changement de comportement du vautour dénoncé par les éleveurs (notamment ses attaques ante mortem détectées l’an dernier), la DDPP(2) a annoncé la création d’un réseau départemental chargé d’expertiser la curée ante ou post mortem.
Un numéro unique sera mis en place à la DDT(1)pour déclarer un cas de suspicion. Une expertise pourra alors être déclenchée afin d’examiner si l’animal était vivant lors de l’attaque. L’autopsie et les analyses seront  prises en charge par la DDT.

1. Direction Départementale des Territoires
2. Direction Départementale de la Protection des Populations
3. Office Français de la Biodiversité.