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Prix du porc : l'embellie est déjà finie
La fièvre porcine africaine (FPA) en Allemagne, un Covid-19 qui perturbe durablement la demande, une Chine qui annonce reconstituer son cheptel au plus vite : après des mois fastes, la fête est bien finie pour les producteurs de porcs français.
"On a profité de l'embellie depuis 18 mois mais c'est passé", constate Paul Auffray, président de l'IFIP (Institut français du porc) et lui-même producteur. Si le prix de vente a flirté avec le 1,70 euro/kilo à l'automne 2019, un prix jamais atteint depuis 2012, le cours n'a cessé depuis de se replier progressivement.
Lundi 7 décembre, lors de la dernière cotation au Marché du porc breton (MPB), le cours s'est établi à 1,201/kg, le plus bas depuis mars 2019 et inférieur aux coûts de production (1,54/kg, départ élevage, selon Inaporc).
"Tous les signaux sont à l'orange", confirme Pascal Le Duot, directeur du MPB. Seul élément positif, la baisse actuelle est tempérée sur la durée par les bons cours observés jusqu'en septembre puisque le prix moyen calculé sur les douze derniers mois (1er décembre 2019 au 30 novembre 2020) reste encore à 1,429/kg.
Cette embellie était pour une large part due à la fièvre porcine africaine (FPA), qui a frappé la Chine en 2018. Le premier producteur mondial a été contraint d'abattre les animaux des élevages contaminés, réduisant sa production de près d'un tiers. Mais la Chine est aussi le premier consommateur mondial de viande de porc. Pour continuer à alimenter son marché intérieur, elle s'est résolue à importer davantage, dopant les cours pendant des mois.
Retour de balancier, la découverte récente de cas de FPA en Allemagne, premier producteur de l'UE, a déstabilisé le marché européen. "Je suis très en colère contre les Allemands : contrairement à la France, ils n'ont rien fait pour protéger leurs élevages !", accuse Paul Auffray.
Importations suspendues
La FPA a été détectée fin octobre dans un deuxième länder allemand, la Saxe, après un premier cas en septembre dans le Brandebourg voisin. Au total quelque 240 cas confirmés jusqu'à présent. Conséquence : plusieurs pays extra-européens, dont la Chine, ont suspendu leurs importations en provenance d'Allemagne. Celle-ci s'est retrouvée privée de son principal débouché à l'export, la Chine, et s'est repliée sur le marché européen, entraînant les prix à la baisse, dans la tendance des cours mondiaux du moment.
A cette offre pléthorique sur le marché européen est venu s'ajouter le deuxième confinement en France intervenu fin octobre. Ce dernier "a de nouveau privé les entreprises de débouchés sur le secteur de la restauration hors foyer (RHD) que la hausse des achats des ménages n'a pu compenser", note le MPB.
Autre mauvaise nouvelle pour les producteurs français, le cheptel chinois décimé est en voie de reconstitution, plus rapidement qu'attendu. Le ministère chinois de l'Agriculture et des Affaires rurales, cité par la presse agricole, fait état de "neuf mois de croissance consécutifs" de son cheptel porcin à fin septembre. "Il faut toujours se méfier des annonces officielles (...) C'est une façon de faire pression sur les cours", analyse Pascal Le Duot.
Il n'empêche : la Chine a clairement fait part de son intention de retrouver très rapidement son niveau de production d'avant cette crise sanitaire, à l'échéance de 2022, voire avant, et elle y met les moyens, selon les observateurs.
Dans ce contexte, "pas facile de faire des pronostics" sur les perspectives qui s'offrent aux producteurs, note Paul Auffray, pour lequel le marché européen est durablement déstabilisé par la FPA en Allemagne. "Compte tenu de cette situation exceptionnelle, entre FPA, Covid, évolution de la consommation, il est quasiment impossible" de se projeter.
"Ce qui est sûr", ajoute le président de l'Ifip, "c'est qu'il y a toujours un besoin énorme d'investissements dans la filière et que les incertitudes actuelles n'y incitent pas". D'autant qu'"il faudra plusieurs années pour circonscrire la FPA".