[TÉMOIGNAGE] « On veut garder une ferme à taille humaine » : en zones d’appellation, ces exploitants préfèrent la valorisation à l’agrandissement

Dans le Massif central, certains éleveurs ont choisi de miser sur la qualité plutôt que sur la quantité. Leur objectif n’est pas d’augmenter le nombre d’animaux, mais de valoriser au maximum le produit de leur ferme. Cette préoccupation est au centre d’une réflexion plus globale sur la durabilité des exploitations, thématique phare du Sommet de l’Élevage.

À la ferme EARL Fererol de Tauves (Puy-de-Dôme), les bâtiments d’élevage qui accueillent 50 vaches Salers sont divisés en trois, comme trois agrandissements décidés au fil des années. « On est arrivés au bout de l’extension, on s’arrête là », explique Clément Fererol, 20 ans, qui sera la cinquième génération à travailler sur cette exploitation. Le jeune homme a un projet d’installation avec Arnaud, son père.

Et en effet, la philosophie de cette ferme n’est pas d’augmenter le nombre d’animaux ni le nombre d’hectares exploités, mais de valoriser au maximum ce qui est produit. Aujourd’hui, le lait des vaches Salers est collecté pour être transformé en Saint-Nectaire AOP. Il est donc vendu plus cher qu’il ne le serait dans un système conventionnel. Mais Arnaud et Clément Fererol veulent aller plus loin.

« On a un troupeau de Salers traite, on est sur la zone AOP Salers, à 1000 mètres d’altitude, et on fonctionne en système tout foin sur des prairies naturelles. On a donc décidé de lancer un projet de transformation sur la ferme en Salers tradition*. » Arnaud et Clément Fererol devraient avoir le temps de développer cette activité, sachant qu’ils vont travailler ensemble pendant une quinzaine d’année.

Plus de contraintes mais plus valorisant

De l’autre côté du département, à Sauvessanges, Peter Hager et Marina Studer sont installés depuis décembre 2017. Tous deux ont commencé leur carrière en Loire-Atlantique, sur une grande exploitation laitière. « Le lait revenait à des industriels. Comme c’étaient des grosses structures, on ne pouvait pas vraiment promouvoir notre produit », relate Peter.

Suite à cette expérience, tous deux cherchent à s’installer, et se mettent en quête de la ferme idéale, avec deux critères : « Une région où il pleut, et où la race Brune peut produire du lait valorisable en AOP. » C’est dans la zone d’appellation de la Fourme d’Ambert et du Bleu d’Auvergne qu’ils posent leurs valises, et créent le GAEC Brown Swiss Farm. Aujourd’hui, ils élèvent 60 vaches laitières dont le lait est collecté pour être transformé en Fourme d’Ambert et Bleu d’Auvergne AOP. « Maintenant, on peut vraiment suivre le lait, savoir comment il est transformé, et donc mettre en avant ce qu’on produit », montre Peter Hager. Si travailler en système AOP apporte plus de contraintes pour respecter les cahiers des charges, c’est aussi plus valorisant et plus rémunérateur. Peter fait d’ailleurs partie de l’organisation de production (OP) de la laiterie où est transformé le lait de leur ferme. Tous les 2 à 3 mois, des producteurs échangent avec la fromagerie sur les tendances des coûts de production et du prix du lait, ce qui permet aux éleveurs d’être au plus proche des décisions.

« On veut tous vivre de notre métier »

À Sauvessanges et à Tauves, deux communes situées à environ 1000 mètres d’altitude, les exploitants rencontrés ne quittent pas des yeux leur objectif de qualité. L’alimentation donnée aux vaches prend donc une grande place dans leur réflexion. Les deux fermes ont un système pointu d’alimentation à l’herbe, qui leur permet de valoriser la ressource fourragère au pâturage. Peter Hager poursuit : « L’objectif était de maximiser la valorisation de l’herbe, et de voir nos vaches dehors, au pré, le plus souvent possible. Nous avons aussi investi dans un séchoir qui fonctionne avec une chaudière à plaquettes de bois pour produire du foin de bonne qualité ».

Mais pour lui, pas question de renier l’élevage en plaine, qui répond à d’autres défis : « La rémunération y est moins élevée, mais il y a plus de volume de lait. Finalement, on a tous le même objectif : vivre de notre métier. » Pour Clément Fererol aussi, « il faut de tout. Notre choix est de miser sur la qualité. Avec ce modèle, on s’assure que la ferme va perdurer. On a besoin de peu d’intrants, donc nous sommes peu dépendants des cours de marché, et on espère qu’il y aura toujours des gens pour acheter du bon fromage. » 

Mais alors, jusqu’à quand une ferme peut-elle être considérée comme « à taille humaine » ? Clément Fererol lance une piste : « Peut-être quand elle reste transmissible ? » Une réflexion qui illustre bien la problématique prégnante actuelle du renouvellement des générations dans l’élevage.

 

*Le Salers tradition est transformé à la ferme, au lait cru des vaches de race Salers. Actuellement, seules huit exploitations produisent du Salers Tradition.

 

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