Tournesol : pas de risque de pénurie malgré des volumes en baisse

Après une année 2022 qui a laissé planer le doute sur une potentielle pénurie d’huile de tournesol suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, l’exercice à venir s’annonce plus serein. Terres Univia prévoit plus de trituration sur le territoire, ainsi qu’une utilisation accrue de graines française.

Selon les premières estimations de l’institut technique des oléoprotéagineux Terres Inovia, la récolte de tournesol 2022 s’établirait à 1,7 millions de tonnes, soit près de 5% de moins qu’en 2021. Des chiffres qui déçoivent forcément dans un contexte d’augmentation importante du nombre d’hectares implantés au printemps. Selon les données des services Agreste du ministère de l’agriculture, les surfaces de tournesol avaient progressé de 23% sur un an. « À l’époque des semis, il y a eu un mouvement important de motivation avec de gros espoir de production car les cultures de printemps n’étaient pas en place lorsque le conflit ukrainien a débuté. Les surfaces et les semences étaient disponibles », retrace Gautier Le Molgat chez Agritel.

Des rendements en berne

Mais cette hausse importante des surfaces n’a pas permis de compenser la baisse des rendements en lien avec le manque de précipitations estivales. Le ministère estime le rendement à 21,3 q/ha contre 27,4 q/ha en 2021. « Les situations sont très hétérogènes. En nouvelle Aquitaine, les rendements se situent dans une fourchette entre 15 et 36 q/ha dans les sols les plus profonds ou qui ont pu bénéficier d’irrigations. En Occitanie le rendement moyen est faible et avoisine les 17 q/ha avec des situations extrêmes de quelques quintaux par hectare de récolte. Le rendement moyen est de 24 q/ha en région Centre val de loire et de 20 q/ha dans le Grand Est avec dans les deux régions des variations entre 15 et 40q/ha », commente Afsaneh Lellahi, directrice de l’action régionale chez Terres Inovia. Dans les Landes, la Cuma Adour-Protéoil, qui produit de l’huile de tournesol à partir de la récolte de ses adhérents, confirme cette analyse. « Les rendements sont en baisse de 20 à 30%. Nous avons moins de volume apporté par les adhérents. De ce fait nous allons devoir acheter à d’autres agriculteurs ou à des organismes stockeurs », confie Julien Saint Palais, le directeur de la structure.

Le ministère estime le rendement moyen en tournesol à 21,3 q/ha contre 27,4 q/ha en 2021.

Pas de risque de pénurie à l’horizon

Malgré cette baisse de production et la crise ukrainienne qui se poursuit, la situation de 2022 avec des rayons vides d’huile de tournesol et des industriels inquiets pour leurs approvisionnements ne devrait pas se reproduire. « Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu une succession de deux récoltes à ce niveau élevé », rappelle Françoise Labalette, responsable du pôle amont au sein de Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines végétales. Selon les chiffres Agreste du ministère, la production 2022 est effectivement en hausse de 19,6% par rapport à la moyenne quinquennale.

En tournesol oléique, les volumes français devraient être suffisants pour approvisionner les outils de triturations nationaux. « Compte tenu du contexte international, il devrait y avoir une augmentation de la trituration à l’échelle française ainsi qu’un recours plus important à la production domestique. Il devrait même y avoir des volumes exportés d’huile de tournesol oléique », se félicite Françoise Labalette. Elle rappelle également que le tournesol est partiellement décortiqué dans un certain nombre de sites français. « La coque peut être utilisée comme un biocombustile. Vu le contexte actuel de l’énergie, ce sera un vrai avantage », précise la responsable de pôle de Terres Univia.

Vers des nouvelles provenances en tournesol linoléique

Côté tournesol linoléique, la situation est un peu plus compliquée. La production française ne sera probablement pas suffisante pour répondre à la demande et les imports d’huile ukrainienne, qui représentaient 120 000 tonnes, n’atteindront pas ce niveau en 2022. Faute de provenance ukrainienne, les imports d’huile pourraient venir d’autres pays de la mer Noire comme la Roumanie ou de Bulgarie. « La France est un producteur historique de tournesol oléique. Actuellement il est plus facile pour l’Ukraine d’exporter en grain vers les pays d’Europe de l’Est voisins qui ont eux les capacités de trituration », analyse Françoise Labalette. Elle évoque également des possibles compléments de provenances plus lointaines, type Afrique du Sud ou Argentine. « Mais il est encore trop tôt pour confirmer ces hypothèses », nuance-t-elle.

Malgré la baisse de production en France et la crise ukrainienne qui se poursuit, la situation de 2022 avec des rayons vides et des industriels inquiets pour leurs approvisionnements ne devrait pas se reproduire.

Le colza en substitution

Le manque d’huile de tournesol durant le printemps 2022 a engendré un phénomène de substitution avec d’autres huiles qui pourraient bien se poursuivre. « Avec les prix du tournesol qui ont augmenté très fortement et la très bonne récolte de colza, il y a une situation de compensation avec des acteurs qui se tournent vers cette production. La vraie question actuellement, c’est celle du réequilibrage entre les deux graines », relève Gautier Le Molgat. De son côté, Françoise Labalette confirme le potentiel de ce phénomène de substitution. « Il y a même des usages dans des pays méditerranéens qui se tournent vers l’huile de colza alors qu’ils n’en avaient jamais utilisé auparavant », souligne-t-elle.

Quid des surfaces en 2023 ?

Si l’approvisionnement français en tournesol a été assuré par l’augmentation des surfaces en 2022, la question se pose de la sole qui sera implantée en 2023. « Les prévisions actuelles sont favorables. Les intentions de semis s’élèvent à 900 000 hectares », affirme Afsaneh Lellahi. D’autant plus que les mauvais résultats en maïs ne devraient pas encourager l’augmentation de l’assolement de cette céréale l’an prochain. « Vu le contexte de l’année, le tournesol a prouvé sa capacité à résister malgré la baisse des rendements », confirme la directrice des affaires régionales chez Terres Inovia. Mais ces prévisions pourraient fluctuer en fonction de l’évolution des cours. À sa petite échelle, la Cuma Adour Proteoil craint déjà l’impact des niveaux de prix atteints cette année. « Le coût de l’huile va augmenter de par le prix de la graine mais aussi de l’énergie. Est-ce que ça va passer avec le consommateur ? », s’interroge Julien Saint Palais