Travail à la ferme : qui fait quoi entre hommes et femmes ?

Une étude menée en Loire-Atlantique par le Civam s'est penchée sur la répartition des tâches entre hommes et femmes sur les exploitations en bovin. Si l'utilisation de matériel agricole est plutôt réservée aux hommes, la traite par exemple est mixte. Côté salaires, les femmes touchent moins.

« Nous avons voulu faire une enquête pour mieux connaître notre organisation, et la répartition des tâches. Voir les stéréotypes de genre dans la profession », raconte Gwenaëlle Falchi, éleveuse en lait bio à Saint-Lumine de Coutais (Loire-Atlantique). En France, un quart des chefs d'exploitations sont des femmes.

Le 4 septembre, le Civam 44 a présenté les résultats de cette étude. Parmi les 49 répondants, 22 femmes et 27 hommes, à 80 % en bovin lait, 12 % en bovin viande, et 8 % en petits fruits, vigne et volailles. 46 sont chefs d'exploitation, une est conjointe collaboratrice, un retraité et un salarié. Les âges sont variés : 29 % ont entre 28 et 39 ans, 29 % entre 40 et 49 ans, et le reste (43 %), entre 50 et 65 ans. La majorité sont issus du milieu agricole (73 %).

"Dans les tâches d'astreintes, les femmes aussi bien que les hommes sont impliqués."

La répartition des tâches au quotidien, dans les fermes bovines, a été analysée. Y compris concernant les tâches domestiques : « Le sujet a fait débat, mais nous avons décidé de l'intégrer, car le métier fait que les tâches sont mélangées, on met une lessive avant de s'occuper des animaux par exemple », justifie Gwenaëlle Falchi. Dans les tâches d'astreintes (alimentation des animaux hors pâturage, traite), « les femmes aussi bien que les hommes sont impliqués », rapporte Luna Terrier, qui a réalisé l'étude pour le Civam 44.

Matériel non adapté

Les travaux liés aux cultures (travail du sol, semis, récolte...) et l'attelage du matériel sur le tracteur sont plutôt l'apanage des hommes. Deux hypothèses sont formulées pour expliquer cette tendance : l'ergonomie, et l'héritage culturel. « Dans les discussions, il ressort que le matériel n'est pas adapté aux femmes, ou aux hommes de petit gabarit », explique Emilie Serpossian, animatrice agriculture durable au Civam 44.

Côté administratif, la comptabilité est surtout faite par des femmes, mais la situation est plus mixte pour la gestion des mails et des courriers. Quant à la question du ménage et de la gestion du linge, ce sont généralement les femmes qui s'y collent. Lors d'un échange durant l'enquête, un répondant commente : « Le linge je trouve ça inintéressant à faire donc voilà, mais je crois que pour ma femme c’est un peu inintéressant aussi... ». Un autre explique : « Le travail de la ferme est beaucoup trop important. Je n'ai pas assez de temps pour donner un coup de main aux tâches domestiques ».

« La plupart des répondants vivent bien la répartition des tâches, mais certaines femmes ont fait part de leur volonté d'avoir plus d'autonomie, et de déléguer certaines tâches domestiques », rapporte Luna Terrier. Les organisations plus équitables sont plus nombreuses chez les jeunes.

Près de 20 % de revenu en moins

Une autre question portait sur le revenu. En bovin lait (39 enquêtés), les hommes se prélèvent en moyenne 1 750 €/mois, contre 1 449 € chez les femmes (17,2 % de moins). En bovin viande, les quatre hommes interrogés se prélèvent en moyenne 938 €/mois, contre 750 € pour les femmes (-20 %). Des écarts importants, mais moins que d'après les chiffres MSA de 2017 : 1 138 €/mois pour les hommes, et 806 €/mois pour les femmes (30 % d'écart ; revenu mensuel moyen imposé au régime du réel).

Ces chiffres posent question : les prélèvements sont-ils différents au sein d'un même collectif de travail ? « Peut-être que la femme avait un travail salarié avant, et donc qu’ils ont choisi que le salaire de l'homme soit plus important pour la retraite car la femme aura celle de son salariat ? », envisage une exploitante assistant à la présentation des chiffres du Civam.

Créer des vocations d'agricultrices

Dans le groupe interrogé, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir exercé une profession avant l'installation, principalement dans un domaine non agricole. 56 % des hommes et 27 % des femmes disent s'être installés directement. Les uns comme les autres participent dans la mesure du possible à des formations professionnelles. Deux femmes de l'étude sont pluriactives. Pour ceux qui travaillent en couple, le Gaec est plébiscité (67 %).

"Accompagner les agricultrices dans leur épanouissement professionnel."

Parmi les membres du réseau, il y a des hommes avec le statut de conjoint collaborateur, alors qu'en général, il est surtout porté par les femmes. « C'est encourageant », juge Luna Terrier. « L'idée de l'étude, c'est d'engager une réflexion collective de déconstruction des stéréotypes de genre, appuie Emilie Serpossian. Ainsi, il sera possible d'accompagner les agricultrices dans leur épanouissement professionnel et de communiquer sur leurs vécus, notamment dans les structures scolaires, afin de favoriser l'accès à ce métier aujourd'hui encore très masculinisé ».