Il est où le patron ?

[Edito] Le défi du renouvellement des générations requiert de permettre l’installation de tous les candidats motivés, quel que soit leur milieu, leur âge… ou leur sexe. Or, les agricultrices et les femmes qui souhaitent le devenir font encore face à de (trop) nombreuses difficultés.

La journée du 8 mars n’est fort heureusement pas la seule occasion de parler de la condition des femmes dans notre société. Le Tour de France femmes, qui se déroule du 24 au 31 juillet, en est par exemple une autre. La FNSEA, qui a noué un partenariat publicitaire avec l’organisation de la course pour promouvoir les métiers agricoles, a profité de l’édition féminine pour s’emparer du sujet ô combien majeur de la place des femmes en agriculture. Car l’idée qui veut que « l’agriculture se féminise » est un trompe-l’œil.

Certes, la proportion de femmes parmi les nouvelles installations des moins de 40 ans a augmenté ces dernières années. Certes, 49% des étudiants dans l’enseignement agricole sont des étudiantes. Et le chiffre monte même à 62% dans l’enseignement supérieur long ! Mais le taux d’agricultrices cheffes d’exploitation en France stagne, voire régresse. Lors du dernier recensement agricole de 2020, elles représentaient 26% de la profession, contre 27% en 2010. En dix ans, l’effectif des conjointes collaboratrices a été divisé par deux, et le nombre de salariées du secteur agricole a diminué de 1,4%.

Travail invisibilisé

Travail plus précaire, revenus inférieurs, retraites modestes, faible représentativité syndicale, difficultés d’accès au foncier, manque de ressources propres… les discriminations et les obstacles auxquels font face les femmes sont tangibles et chiffrés. Au-delà des statistiques, c’est le machisme ambiant qui pèse sur les épaules des agricultrices (avec comme symbole la fameuse question « Il est où le patron ? » que l’on pose à une femme sur sa ferme).

Le travail des femmes est également invisibilisé. La MSA nous apprend qu’en 2020, environ 127 600 femmes d’exploitants ne sont ni cheffes, ni collaboratrices d’exploitation et n’ont donc pas un statut non-salarié agricole. Salariées dans l’entreprise de leur conjoint ou dans une autre entreprise (agricole ou non), elles assurent un complément de revenu au ménage, ce qui contribue indirectement au maintien de l’exploitation.

Face à la question cruciale du renouvellement des générations, il est plus que jamais urgent de permettre l’installation de candidates tout autant que de candidats. Pour que la nouvelle génération s’installe dans de bonnes conditions, une véritable prise de conscience et un plan d’action de la part de la profession et des pouvoirs publics est nécessaire. Il en va de l’avenir de nos campagnes, puisque comme le chantait Jean Ferrat : la femme est l’avenir de l’homme.