Ce que les agricultrices apportent à l’agriculture

[Edito] En France, un agriculteur sur quatre est une agricultrice, une proportion qui stagne depuis une dizaine d’années. A l’heure où le renouvellement des générations est un enjeu majeur, favoriser l’installation des femmes apparaît comme un moyen de pérenniser les exploitations mais aussi d’enrichir l’agriculture de nouveaux modèles.

Depuis quinze ans, la part des femmes dans les installations des moins de 40 ans en France oscille entre 27% et 31%. Le métier reste encore majoritairement masculin et le manque d’agricultrices dans les instances de décision ne concourt pas à la féminisation de la profession. Aux difficultés inhérentes à l’installation, les agricultrices font également face aux préjugés de la société, mais aussi aux freins que certaines se mettent elles-mêmes (un sentiment aussi appelé « syndrome de l’imposteur »).

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars, la Commission européenne a rappelé dans un communiqué le défi que représente le renouvellement des générations d’agriculteurs en Europe et encore plus celui des agricultrices : seuls 4,2% des agricultrices en Europe ont moins de 35 ans. « Étant donné que 42% des femmes travaillant dans l'agriculture ont plus de 65 ans (contre seulement 29,2% pour les hommes), il est possible que l'écart entre les sexes dans l'agriculture se creuse dans les années à venir », alerte la Commission, qui enjoint les pays membres de l’Union européenne à « prendre en compte la situation des femmes en milieu rural dans leurs programmes de développement rural ».

A l’heure où le renouvellement des générations en agriculture est un enjeu majeur, favoriser l’installation des femmes apparaît comme un moyen de pérenniser les exploitations mais aussi d’enrichir l’agriculture de nouveaux modèles.

Circuits courts et diversification

Les exploitations dirigées par des femmes ont en effet plus souvent recours à la vente en circuits courts que celles dirigées par des hommes, pratiquent davantage la diversification, l’agritourisme et les activités de loisir que les hommes. En outre, les agricultrices sont souvent à l’initiative de marchés de proximité qui les placent directement au contact des consommateurs.

Le 8 mars dernier, une conférence organisée par le Collectif de la Troisième Voie donnait la parole à plusieurs femmes engagées dans des démarches de qualité et rappelait ainsi le rôle des agricultrices dans la transition durable. « Ma plus grande fierté ? Le jour où j’ai réussi à fabriquer mon premier jambon sans sel nitrité malgré les réticences de mon boucher. Aujourd’hui, c’est l’un de mes meilleurs produits », a témoigné Françoise Haffner, éleveuse de porcs engagée dans la démarche Bleu-Blanc-Cœur.

Dans un contexte où la profession agricole manque d’attractivité et où le dialogue avec la société est parfois rompu, ces formes d’agricultures contribuent à renouer le lien avec le grand public et esquissent le visage de l’agriculture du XXIème siècle.

Des compétences multiples

« Les femmes s’installent généralement plus tard que les hommes, après avoir eu une formation non agricole et parfois une activité salariée dans un autre secteur, pointait une étude du ministère de l’Agriculture en 2012. La nouvelle génération d’agricultrices a ainsi fréquemment acquis, au cours de ces expériences, des compétences importantes pour la gestion de l’exploitation : l’art de la négociation avec les organisations agricoles, une aisance plus grande dans les démarches administratives, le rapport au public... compétences qui font parfois défaut aux hommes plus centrés sur la production. Or, ces compétences sont au cœur du métier d’agriculteur de demain. » Et d’agricultrice.