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Ukraine : comment le commerce des grains continue malgré la guerre
Grâce au développement des moyens de transport ferroviaires, fluviaux et routiers, l’Ukraine a réussi le challenge immense de continuer d’exporter ses grains malgré l’invasion russe. Mais les agriculteurs ukrainiens pâtissent de l’explosion des coûts logistiques.
Quarante millions de tonnes : c’est la quantité de grains exportés par l’Ukraine depuis le début de la campagne 2022-2023. Une énorme performance, au vu des contraintes logistiques que subit le pays depuis le début de l’invasion russe en février 2022, et le blocage des ports. « Avant la guerre, 98% des flux d’exportation des grains étaient maritimes », rappelle Jean-François Lépy, directeur général de Soufflet Négoce. Très vite, les flux se sont réorganisés pour que les exportations se fassent via des corridors terrestres, par train, camions ou en bateaux sur les fleuves. A ce jour, près de 20 millions de tonnes de grains ont été exportés via ces flux alternatifs. Et, alors que le corridor maritime a rouvert en août dernier, signé par Kiev et Moscou sous l'égide de l'ONU et de la Turquie, les flux terrestres représentent encore 45% des exportations, selon Soufflet Négoce.
La capacité de stockage ukrainienne est également mise à mal avec la guerre. Sur un total de 66 millions de tonnes, 14% des unités de stockage seraient soit détruites, soit endommagées.
Les agriculteurs en bout de chaîne
Dans ces conditions, la capacité de l’Ukraine à continuer d’exporter des quantités importantes de grains a contribué à la détente des cours mondiaux des céréales depuis plusieurs mois, tout comme la récolte de blé russe estimée record.
Mais en Ukraine, les prix payés aux producteurs sont bien inférieurs aux cours mondiaux. En cause : l’explosion des coûts logistiques (approche, fobbing, assurance…), mais aussi la marge de précaution prise par les négociants. En bout de chaîne, les exploitants ukrainiens se retrouvent avec des niveaux de marges très dégradés, d’autant qu’ils subissent eux aussi la hausse du gaz et des engrais.
En 2022, la récolte ukrainienne tous grains confondus (blé, orge, maïs, tournesol, colza, soja) s’est élevée à 72 millions de tonnes (Mt), contre 106 Mt l’année précédente. Pour 2023, alors que les semis de printemps vont débuter, les perspectives sont encore incertaines. L’Ukrainian Grain association (UGA) estime une production à 65 Mt, dont 17 Mt de blé, 21 Mt de maïs et 12 Mt de tournesol. « C’est une perspective optimiste, qui ne laisse place à aucun problème climatique », estime Jean-François Lépy.
Alors que l’accord sur le corridor en mer Noire prend fin le 18 mars, la Russie souffle toujours le chaud et le froid sur le commerce mondial, en annonçant qu’elle n’était favorable au renouvellement de l’accord que pour 60 jours seulement. Or, le texte initial prévoit une tacite reconduction tous les 120 jours. Les négociations se poursuivent avec l’ONU. « Tout le monde aurait trop à perdre que le corridor ne se renouvelle pas », argue Jean-François Lépy. Face à ces incertitudes, le blé Euronext échéance Mai 2023 était en hausse le 15 mars, à 269,25 €/t.