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Viticulture : un secteur fortement impacté par la pandémie
La récolte 2020 est dans la moyenne mais les viticulteurs peinent à écouler leurs stocks. Les ventes sont freinées à l’export par les mesures protectionnistes, notamment américaines et chinoises, et les consommateurs français ont modifié leurs habitudes de consommation. Seuls les rosés et les vins bios sortent leur épingle du jeu. La filière poursuit néanmoins sa restructuration pour conforter à terme sa présence sur le marché mondial. L’avenir à court terme dépend des évolutions de la crise sanitaire et reste incertain.
2020 : une production de qualité, en quantité moyenne
La production viticole 2020, estimée à 44 Mhl, retrouve un niveau proche de la moyenne des cinq dernières années.
Certaines interprofessions ont décidé de réduire le volume vendangé compte tenu de la conjoncture et de l’augmentation des stocks en cave. C’est le cas notamment en Champagne où le recul des ventes est estimé entre 20 et 30 % sur l’ensemble de l’année.
La pandémie met à mal la filière viticole
Tous les clignotants sont au rouge : fermeture des bars et restaurants, annulation des salons, chute de l’exportation, taxes à l’export aux USA : 6 millions d’hl se retrouvent en surplus et seront pour moitié distillés afin de soutenir le marché.
Effondrement à l’export
Après une excellente année 2019 en progression de 8 % et qui a laissé un solde de 12,7 milliards d’euros, nos marchés, porteurs ces dernières années, sont à la peine. Les ventes se sont dégradées de 10 % en volume et de 21 % en valeur. Les replis sont encore plus marqués hors Europe. Aux USA, l’épidémie de la Covid-19 et les « taxes Trump de 2 5 % » ont entraîné une chute des exportations de 20 % en volume et de 35 % en valeur. En Chine, les pertes sont de 43 % en valeur au premier semestre.
Le marché français moins touché mais très perturbé
Sur le marché français, les disparités sont très importantes selon les vignobles et les entreprises. Pendant le confinement du printemps, la consommation des Français a baissé en volume et plus encore en valeur (-8 % au cours de cette période). Les consommateurs ont privilégié des produits moins chers en marque MDD (+ 10 %) ou en bag in box (+ 25 %). La grande distribution a poursuivi ses ventes mais les cafés-hôtels-restaurants ont brutalement été mis à l’arrêt. La période post-confinement et estivale a permis un rebond dans les ventes, favorable au rosé (+ 20 %), mais beaucoup moins au rouge. Au total, la réduction de consommation en France s’établit à -1 % durant la première partie de l’année. La baisse du tourisme, notamment chinois, et de la restauration festive ont davantage impacté les produits de luxe comme le champagne. Le bordelais, qui terminait 2019 avec des stocks importants, doit faire face à des difficultés sans précédent : 52 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’export et il est directement impacté par les taxes américaines et chinoise. En France, la consommation de vin s’effectue de plus en plus en dehors des repas et elle est moins favorable au vin rouge. Le vignoble bordelais qui réalise 85 % de sa production en rouge subit de plein fouet cette évolution. Un repositionnement est en cours avec de nombreuses conversions en bio pour combler le retard pris depuis dix ans et 500 exploitations obtiennent le label HVE (Haute Valeur Environnementale).
La filière viticole poursuit sa restructuration
L’entreprise Invivo, union de coopératives céréalières avec sa filiale Invivo Wine, conforte sa filière vin en se rapprochant du premier groupe viticole coopératif Vinadéis dont il détenait déjà 10 % du capital. Il devient ainsi le numéro 3 français du secteur, derrière Castel (1 milliard) et Grand Chais (750 millions). Selon son dirigeant, Invivo se dote ainsi d’un pôle vin qui devrait peser 500 M€ en 2020 et 1 milliard d’€ d’ici dix ans. Son ambition est d’être très présent sur les marchés internationaux et il affirme une volonté de développer le bio qui devrait représenter le quart des 40 000 ha commercialisés par le groupe.
Les vins bios continuent leur développement
Dans cette période difficile, avec des marchés en repli, les vins bios apportent un brin d’optimisme. Selon une étude IWSR, la reprise risque d’être lente et s’opérera sur les cinq prochaines années. En revanche, les vins bios devraient poursuivre une croissance annuelle de 9 % au niveau mondial pour atteindre 4 % du marché contre 2,75 % actuellement. La pandémie a accentué les préoccupations sanitaires des consommateurs, favorisant les vins bios et plus généralement ceux qui sont issus de l’agriculture durable. Le marché suédois, précurseur, poursuit sa progression et la part des vins bio atteint déjà 25 %. Certains vignobles voient leur positionnement se réduire, faute d’offre bio suffisante.
Au Royaume-Uni, le distributeur Marks & Spencer oriente ses ventes vers des produits bios. Il estime être limité car il rencontre actuellement des difficultés à obtenir des gammes et volumes suffisants. Les Espagnols sont présents, notamment en entrée de gamme.
L’avenir à court terme est incertain
Le commerce en ligne, qui n’a fait que croître pendant les confinements, va poursuivre sa progression : c’est un axe d’espoir à ne pas négliger dans cette période morose. Les perspectives restent très dépendantes de l’évolution de la pandémie et le Brexit ajoute d’autres incertitudes. Les fêtes de fin d’année risquent fort d’être limitées et la filière attend 2021 avec inquiétude. En 2021, le redémarrage de la commercialisation devra être dynamique pour éviter d’alourdir encore les stocks : espérons qu’après la crise sanitaire, la société soit portée par un vent d’optimisme.
Article de la veille économique - Pierre-Gérard POUTEAU - cerfrance