A l'Elysée, Macron reçoit les paysans en crise

Le président Emmanuel Macron recevait lundi matin la plupart des représentants d'un monde agricole en crise, quelques semaines après le lancement des Etats généraux de l'alimentation et une dizaine de jours après un arbitrage contesté du gouvernement sur les aides européennes.

Au centre des entretiens qui devaient durer environ une demi-heure chacun, la revendication pour les producteurs d'un "juste" prix face aux exigences de la distribution ou aux demandes de l'agroalimentaire. "Il faut faire en sorte que, demain, nous ne perdions plus de paysans", a plaidé Jérémy Decerle, des Jeunes agriculteurs.

Il lui a rappelé que la France avait perdu un quart de ses paysans au cours des dix dernières années et appelé à des mesures pour relancer "l'attractivité" d'un secteur qui traverse depuis plusieurs années une crise profonde. "Des dispositions doivent être prises au niveau de l'État pour faciliter la mise en relation et la négociation entre les différents acteurs", souligne Jérémy Decerle. Une meilleure organisation des filières est également nécessaire à ses yeux. "La contractualisation est une solution mais il faut qu'elle soit basée sur un prix rémunérateur, un volume et une durée pour donner la lisibilité nécessaire au producteur", précise-t-il.

"Nous sortons de trois ans de crise pour l'élevage, les céréaliers aussi depuis deux ans", a renchéri Bernard Lannes, président de la coordination rurale. Dans le bureau du président, il a exprimé le voeu que les Etats généraux de l'alimentation permettent de "réorienter l'alimentation" mais, selon lui, cela ne peut se faire sans modifier la PAC "ultra-libérale". La Coordination rurale a plaidé en faveur de davantage de régulation de la production et du renforcement du pouvoir de négociation des producteurs. "Nous avons rappelé à Emmanuel Macron que nous avons besoin d'organisations de producteurs horizontales, avec une réelle capacité de négociation", souligne-t-il.

La coopération agricole en débat

La Coordination rurale souhaite intégrer le Haut-conseil de la coopération agricole (HCCA) pour "lutter contre les dérives de certaines coopératives" qui "ne défendent plus les intérêts de leurs adhérents". "Nous avons demandé à Emmanuel Macron de réaliser un audit de la grande coopération", précise Bernard Lannes. Jérémy Decerle juge quant à lui opportun de "retravailler l'outil coopératif" afin de le rendre "plus performant". Il ajoute : "les coopératives doivent donner l'exemple pour que la valeur ajoutée soit mieux répartie. En tant que producteurs, nous devons leur donner les moyens de le faire".

Les Jeunes agriculteurs ont aussi profité de la rencontre avec le président pour évoquer le renouvellement des générations en agriculture. Jérémy Decerle a défendu le maintien les dispositifs d'accompagnement des jeunes et des budgets correspondants. Il a proposé à Emmanuel Macron de "se pencher sur de nouvelles mesures pour mieux accompagner les cédants", afin de les inciter fiscalement ou financièrement à transmettre leur exploitation.  

Les syndicats ont enfin abordé la question de la répartition des aides européennes, tant la décision du ministre Stéphane Travert de rééquilibrer les budgets cette semaine a suscité de fureur, aussi bien dans le monde agricole que chez les ONG environnementales. M. Travert a décidé de transférer une partie des aides européennes du "pilier 1" de la politique agricole commune (aides à l'hectare) vers le "pilier 2" (développement rural, aide à l'agriculture de montagne, installation des jeunes agriculteurs, aide à la bio). "Nous avons suggéré à Emmanuel Macron de puiser dans le budget du ministère de l'Écologie pour financer ce transfert, plutôt que dans le budget agricole", explique Bernard Lannes.

Pour la Confédération Paysanne, "supprimer les aides au maintien en agriculture biologique, qui est censé produire une alimentation de meilleure qualité", est un choix qui manque "de cohérence" faisant référence aux derniers arbitrages de la PAC a estimé le porte parole du syndicat Laurent Pinatel. Concernant les Etats généraux, la Confédération Paysanne souhaite la mise en place d'une loi à l'issue des ateliers, "pour encadrer les relations commerciales", en "mettre au coeur le revenu des paysans" et qui "interdise de vendre à perte" les productions agricoles. Laurent Pinatel avoue avoir eu un point de discorde avec le Président de la République sur l'export, qui ne peut pas être le seul point de "développement de l'agriculture française." Au lieu de "faire du standard", la Confédération Paysanne souhaite que l'ambition du gouvernement soit d'accompagner les exploitation pour "remonter en gamme l'agriculture française." 

Le Modef souhaite pour sa part mettre l'accent sur la crise de l'élevage et la situation épineuse des producteurs de palmipèdes face à la grippe aviaire, et demander une révision de la loi de modernisation de l'Economie (LME).

Absente, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a déjà été reçue le 18 juillet, avant le démarrage des Etats généraux.