Bayer-Monsanto soupçonné de fichage illégal

La révélation d’une liste de personnalités françaises à influencer sur la question du glyphosate, établie par Monsanto, relance le débat sur les méthodes des lobbys.

Depuis son rachat de Monsanto, les affaires du groupe Bayer vont de mal en pis. Action en chute, bénéfices en baisse, actionnaires en colère, et voilà qu'une nouvelle polémique vient s'ajouter à ses ennuis. Le 9 mai dernier, France 2 révélait l'existence d'un fichier contenant des informations personnelles sur plusieurs centaines de personnalités françaises, avec notamment leur position sur le glyphosate. Cette liste, datée de 2016, aurait été réalisée par une agence de communication à la demande de Monsanto à des fins de lobbying. Journalistes, politiques, scientifiques... le nom de chaque personnalité est accompagné de son « niveau de soutien à Monsanto », sa propension à être ou non influencé, mais aussi ses loisirs ou encore son adresse personnelle. 

À la suite de cette révélation, plusieurs plaintes ont été déposées par des personnalités présentes dans ces fichiers ainsi que par des médias, dont Le Monde et France Télévisions et des ONG comme Générations Futures. La justice française a ouvert le lendemain de cette révélation une enquête sur des soupçons de fichage illégal. D'après la loi, tout citoyen fiché doit en effet en être informé. Or selon France 2, qui a interrogé plusieurs personnalités présentes sur cette liste, celles-ci n'étaient pas au courant qu'un tel fichier existait. 

Bayer s'excuse

Trois jours après la révélation, le groupe Bayer a présenté ses excuses et a informé vouloir coopérer avec la justice française. « Ce n'est pas la manière avec laquelle Bayer chercherait à dialoguer avec les différents groupes d'intérêt et la société et nous présentons en conséquence nos excuses », a-t-il déclaré en affirmant « ne tolérer aucun agissement qui soit contraire à l'éthique ». De son côté, le cabinet de communication Fleishman Hillard ayant concocté cette liste a assuré dans un bref communiqué « respecter les lois en vigueur » et « les plus hauts standards éthiques de conduite ».  

L'actuel ministre de l'agriculture Didier Guillaume s'est dit « ravi » d'être fiché en tant que détracteur du glyphosate. « Comme un certain nombre de (membres de) l'opposition française, de gauche et d'ONG, me traitaient comme ministre de Monsanto et ministre des pesticides, que Monsanto me mette dans la liste comme ennemi de l'entreprise, ça me rassure plutôt », a-t-il déclaré dimanche soir à l'AFP à Tokyo, en marge d'un déplacement pour le G20-agriculture.

« Ça en dit long sur les méthodes des lobbyistes [...], a déploré Ségolène Royal, ancienne ministre de l'Environnement, décrite dans la liste de comme « à surveiller ». Monsanto ne doit pas être le seul à se comporter de cette façon-là. Au lieu uniquement de se scandaliser, il faut rebondir sur cette révélation pour nettoyer ce système de lobbying ».