Le verger pommes poires en quête de neutralité carbone

Le label Vergers écoresponsables souhaite s’inscrire dans une démarche de labellisation bas carbone. Une dimension oubliée par les autres certifications. Une lacune que le label souhaite corriger, non sans arguments.

Quel est le point commun entre l'AB (Agriculture bio), la HVE (Haute valeur environnementale), Pour une agriculture du vivant, Zéro résidu de pesticides, Sans résidu de pesticide ou encore Bee friendly ? Toutes ces certifications offrent des garanties environnementales au sens large, à l'égard des sols, de l'eau, de l'air et des denrées alimentaires produites. Elles en ont un autre : celui de  ne pas caractériser l'empreinte carbone, laquelle porte en germe une lourde menace pour l'avenir de l'Humanité : le dérèglement climatique.

Le label Vergers écoresponsables, qui représente environ les deux tiers de la production nationale de pommes et de poires, a décidé de s'en saisir. « D'après les données bibliographiques que nous avons consultées, un verger est susceptible de capter entre 20 t/ha et 40 t/ha de carbone sur 20 ans, soit la durée de vie moyenne d'un verger », déclare Josselin Saint-Raymond, directeur de l'Association nationale pommes poires (ANPP). « Toujours sur ce laps de temps, les émissions sont estimées à 21 t/ha, ce qui signifie que nos vergers peuvent apporter leur contribution à la lutte contre le réchauffement climatique ».

Des leviers côté émissions

En verger de pommiers, les arbres constituent le premier puits de carbone, à hauteur d'environ 3 t/ha/an, devant le stockage additionnel dans le sol (0,8 t/ha/an) et l'enherbement inter-rangs (0,1 à 0,5 t/ha/an). La présence de haies peut générer un surcroit d'environ 0,3 t/ha/an. Du côté des émissions, selon les données du CTIFL et de l'Ademe, ce sont les passages de tracteurs et de plateformes qui sont à l'origine d'environ deux tiers des émissions, loin devant les émissions directes, les fertilisants et les produits phytosanitaires. Le stockage de carbone offre peu de marge de progression. « Notre label a interdit le désherbage inter-rangs dès 1997 », souligne le directeur de l'ANPP. « Ce point n'est pas négligeable quand on sait que l'enherbement stocke davantage de carbone que la forêt ».

En revanche, du côté des émissions, il est possible de mieux faire. L'ANPP a jaugé l'impact de différents leviers et moyens techniques tels les bâches protectrices, la pulvérisation fixe, les variétés résistantes à la tavelure ou les plateformes électriques. Le recours à ces dernières réduit de 26% les émissions de gaz à effet de serre quand les variétés résistantes sont créditées de -9%, la pulvérisation fixe de -7% et les bâches de +16%.

Zéro glyphosate = 200 000 t/ha de GES en 20 ans

La contribution négative des bâches protectrices en terme de bilan carbone illustre la contradiction que peut générer la quête de progrès en matière de protection de l'environnement et de lutte contre le réchauffement. L'ANPP pointe par exemple l'accentuation des émissions en vergers bio, comparativement aux vergers recourant au glyphosate pour désherber le rang. « L'usage du glyphosate dans nos vergers conventionnels, c'est en moyenne deux passages annuels sur 30 % de la surface moyennant un faible besoin en traction, relève Josselin Saint-Raymond. Le retrait du glyphosate va pénaliser le bilan carbone, en générant 10 000 t/an de gaz à de serre, soit 200 000 t/ha sur la durée de vie d'un verger. A l'heure de la Cop 21 et de la Convention citoyenne pour le climat, il serait bienvenu que les pouvoirs publics, les parlementaires, le législateur, se soucient des impacts des réglementations qu'ils souhaitent nous imposer ».

Label bas carbone

Même si le bilan carbone des vergers risque d'être en partie hypothéqué par le retrait du glyphosate, les Vergers écoresponsables n'abandonnent pas le combat pour démontrer, preuves à l'appui, leur contribution à la lutte contre le dérèglement climatique. Et quoi de mieux que de s'adosser à une labellisation gouvernementale bas carbone, que la filière bovin a décrochée l'an passé. « Aujourd'hui, il n'existe pas de labellisation adaptée à l'arboriculture, regrette Josselin Saint-Raymond. Nous devons y réfléchir sérieusement pour signifier nos engagements à nos distributeurs et à nos consommateurs. Certains de nos distributeurs sont engagés dans des démarches de Responsabilité sociale des entreprises. En plus de nous acheter des pommes, ils pourraient demain nous acheter aussi des crédits carbone ». La filière a cependant un écueil à relever : celui de la fin de vie des vergers, qui partent le plus souvent en fumée au bout de 20 ans et qui relarguent ainsi en quelques heures des tonnes de carbone patiemment stockées. L'ANPP escompte trouver des process alternatifs tels que le bois énergie en cogénération, la pyrolyse ou encore le ré-usage en matière organique du type bois raméal fragmenté.