L’Expert Foncier au centre de la transmission des entreprises agricoles

L’agriculture va connaître dans les prochaines années un taux important de renouvellementque ce soit pour cause de retraite mais aussi, chose moins fréquente, pour des raisons de réorientation professionnelle. Nombreux sont les interlocuteurs qui se bousculent pour accompagner les cédants dans leur transmission. Le recours à l’Expert Foncier dans ce cadre est généralement ponctuel, pourtant, s’il arrive tôt dans le dossier, il permet une juste évaluation des éléments transmissibles mais également des revenus futurs potentiels du cédant. Il permet également d’approcher les éléments qui encadrent les baux.

I - Quels éléments vendre ? A quoi puis-je prétendre ?

C'est la première question à se poser pour le cédant. En effet, il est nécessaire de connaître la valeur nette de son patrimoine avant de se décider à mettre fin à son activité. Cela peut étonner, mais la valeur des éléments de l'exploitation dépendra de trois critères :
- la maîtrise du foncier,
- le type de structure,
- le type de repreneur.

1) La maîtrise foncière
Le bail est par principe incessible (sauf cas rare des baux cessibles ou des cessions à des conjoints ou descendants). L'exploitant qui souhaite partir à la retraite et qui ne maîtrise aucun bien immobilier sur son exploitation, n'est donc pas en mesure d'imposer un prix. Il se peut même que certains voisins démarchent les propriétaires discrètement pour ne rien devoir régler à l'exploitant sortant. Dans ce cas, les seuls éléments susceptibles d'être valorisés pour le sortant sont les Droits à Paiement de Base et les améliorations du fonds (s'il y en a, et s'il n'y a pas eu de dégradations). Ces dernières sont dues par les propriétaires. Si la maîtrise du foncier est partiellement actée, les choses seront différentes.

En effet, dans ce cas il sera possible de lier la vente ou un bail de foncier avec la reprise des éléments d'actifs (tracteurs, matériels, cheptel vif...). Notons cependant que ces éléments d'actifs cédés ne doivent pas l'être à un prix excédent 10 % de leur valeur réelle. Le dépassement de ce seuil peut entraîner une amende et une condamnation à de la prison, mais surtout le remboursement des sommes trop perçues.
C'est pourquoi, il est nécessaire de faire la part des choses entre les éléments vendables (tracteurs, matériels, troupeau...), et les éléments non vendables mais indemnisables (drainage, irrigation, bâtiments construits sur sol d'autrui).

2) Le type de structure à transmettre
Le type de structure aura également une influence, car certaines méthodes utilisables pour l'évaluation de parts de sociétés ne le sont pas dans le cadre d'exploitation individuelle. C'est le cas par exemple des approches économiques. En effet, il n'est juridiquement pas possible
(sauf existence d'un bail cessible et d'un fonds agricole) de transmettre une exploitation individuelle à une valeur économique car il y a une incompatibilité avec l'article L411-74 du CRPM qui interdit les pas-de-porte.

3) Le type de repreneur
Enfin, le type de repreneur aura une incidence. En effet, les améliorations du fonds (y compris arrières fumures) ne sont cessibles
-sous condition de la cession du bail- qu'au descendant ou au conjoint. Cela signifie que contrairement à ce que les exploitants peuvent penser, si l'on respecte les règles juridiques, c'est à un descendant que l'on peut céder le plus cher.

II - Les missions à confier à l'Expert Foncier

1) Etat des lieux et compte de sortie
L'Expert Foncier, nommé dans le cadre d'une transmission, sera à même de réaliser l'état des lieux de sortie permettant de déterminer une amélioration ou une dégradation sur les terres en location. L'état des lieux de sortie pourra également servir d'état des lieux pour l'entrant. Ce
constat est souvent oublié par les propriétaires et locataires. Pourtant il s'avère très important en sortie de bail pour éviter les conflits et discussions sur des améliorations ou dégradations.

2) Evaluation de l'entreprise
Il pourra évaluer l'ensemble du matériel et des installations qui sont transférables. Il n'est pas tenu, comme certains opérateurs par une
marque ou la nécessité de ne pas froisser un client fidèle. Il pourra le cas échéant déterminer la valeur économique de l'exploitation ou un fonds agricole.

3) La vente de biens immobiliers
La transmission d'une entreprise agricole peut se traduire par la vente de tout ou partie des biens immobiliers qui la composent. Si des accords sur le prix des parcelles en nature de terres ou de prés sont généralement trouvés, il en est différemment des prix pour les bâtiments. Quelle valeur donner à une maison d'habitation située à proximité d'un poulailler, d'un méthaniseur ou encore d'une station d'irrigation bruyante ? Il en est de même pour les bâtiments d'exploitation. Que vaut la vieille grange en pierres avec une couvertures en tuiles plates refaite récemment si elle n'a plus aucun usage ?
Respectueux de la charte de l'expertise en évaluation immobilière, l'Expert Foncier pourra déterminer ces valeurs en fonction des différentes approches.

4) La location de biens immobiliers
S'il n'y a pas de vente, c'est que la transmission s'accompagnera de baux. Chacun a ses spécificités et l'Expert Foncier sera à même de déterminer le loyer pour chaque type de bail. Cette détermination sera d'autant plus nécessaire dans le cas d'arrêtés peu explicites, avec des productions atypiques, ou encore lorsque les fourchettes des arrêtés sont très larges (cas des loyers des activités équestres dans de nombreux départements).

Conclusion

En conclusion, la transmission d'exploitation est un cheminement long dans lequel l'exploitant va croiser de nombreux interlocuteurs.
L'Expert Foncier aura un nombre important de missions à réaliser dans ce cadre, et sera à même d'accompagner ceux qui le souhaitent, et naturellement en collaboration avec leurs conseils habituels (comptable, notaire, avocat...).

par Nicolas DORET, Expert Foncier (28)