Transmission : transmettre en société

Exemple d'une préparation juridique sans hic

L'entreprise agricole est souvent un témoin de l'histoire familiale. Chaque agriculteur a le souci de
préserver son exploitation en la transmettant aux générations futures. C'est pourquoi la forme sociétaire revêt une importance non négligeable. Après avoir isolé les biens immobiliers, deux options sont possibles. On peut découper les activités au sein de plusieurs structures pour simplifier le partage. On peut aussi choisir de regrouper le tout au sein d'une holding. Explications.

Isoler les biens immobiliers

Pour transmettre, on peut envisager de séparer les biens immobiliers de l'activité agricole au sein de sociétés distinctes.

Par exemple, une société porteuse du foncier pourra permettre aux héritiers exploitants de reprendre l'activité agricole dans un premier temps et, dans un second temps, l'actif immobilier, afin de faciliter le financement de la reprise. La société immobilière permet également de transmettre aux héritiers non-exploitants une part des actifs dans la société, au travers de parts sociales représentant des immeubles loués à l'exploitant.

Cette location procure un double avantage :

- assurer un complément de revenu aux associés de la société immobilière,

- transmettre les biens dans des conditions fiscales favorables, notamment par le biais d'abattements fiscaux, lorsque les biens agricoles sont soumis à des baux à long terme au sein d'un Groupement Foncier Agricole (GFA).

Il peut y avoir plusieurs stratégies pour transmettre, soit séparer les activités, soit les regrouper, au sein d'une holding par exemple. Nous allons détailler ces deux scénarii.

Découper les activités

Le partage du gâteau ou de la masse successorale peut être complexifié en présence de plusieurs activités au sein d'une même structure. C'est pour cela qu'une séparation de chaque activité au sein de plusieurs sociétés permet d'obtenir des structures autonomes, avec leur propre patrimoine et leurs propres revenus.

Par exemple, Monsieur Maurice prépare la transmission de son exploitation à ses quatre enfants :

Bertrand, Julie, Alexis, Guillaume. Il sait que Bertrand est un viticulteur dans l'âme, que Julie désire reprendre la partie élevage, qu'Alexis est bon commerçant et, enfin, que Guillaume aime plus particulièrement réaliser les travaux à façon.

Monsieur Maurice a tout intérêt à constituer une structure par activité car la transmission et son partage en seront simplifiés. Chacun de ses héritiers bénéficiera d'une structure autonome possédant son propre matériel, bâtiment, activité et  revenu... De plus, chacune de ces structures a la possibilité de conserver des liens avec les autres. Par exemple, Bertrand pourra vendre sa production viticole à Alexis, alors que ses travaux seront réalisés par la SNC de Guillaume. Au moment de la cession, la fiscalité applicable aux différentes structures pourra être améliorée par des effets de seuils.

Conserver l'ensemble

Il peut aussi être envisagé de créer une société holding dont le principe est de détenir tout ou partie du capital d'une ou plusieurs autres structures sociétaires.

Par exemple, celles d'exploitation : Société Civile d'Exploitation Agricole (SCEA) ou Viticole (SCEV)... La holding permet d'optimiser les capacités de financement grâce à une fiscalité allégée permettant de mettre en place une enveloppe de capitalisation. La réserve de trésorerie ainsi constituée sera utilisée pour des investissements ou constituera des revenus complémentaires.

Par exemple un achat de foncier financé par un emprunt et remboursé par la holding. Au sein d'une famille, le partage de la holding entre membres exploitants et non exploitants est possible. Ainsi une implication des membres non-exploitants dans la holding permet de ne pas les pénaliser. La société de production reste directement gérée par l'exploitant avec une possible organisation de la gouvernance avec la holding.

Le démembrement de propriété vient compléter les atouts d'une  transmission sociétaire. Cette juxtaposition de dispositifs est pensée à partir d'une base commune juridique : la création de société. Vous pourrez ainsi être amené à créer plusieurs sociétés permettant une séparation des pôles de l'entreprise agricole et une introduction possible de l'impôt sur les sociétés. La transmission est d'autant plus efficiente par l'utilisation du démembrement de la propriété. Finalement, chacun de ces dispositifs juridiques est à mener parallèlement avec une réflexion fiscale et financière afin d'appréhender la transmission sous tous ces angles.

Article de la revue "Gérer pour Gagner" Noëlle Lecuyer, Responsable Juridique et Élisa Le Clech, étudiante en master droit rural

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