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Guerre et paix à la Trump
[Edito] Celui qui voulait mettre fin à la guerre en Ukraine « en 24 heures » et qui rêve de recevoir le prix Nobel de la paix mène une politique particulièrement belliqueuse en matière de commerce international. Son dernier assaut vise les exportations européennes, mais les annonces trumpiennes ne provoquent plus de panique sur les marchés.
Après la première salve de droits de douane tirée le 2 avril contre le monde entier, le Grand négociateur a menacé le 12 juillet l’Union européenne (UE) et le Mexique d’une surtaxe douanière de 30%. La filière viticole française craint le pire, tant elle a été échaudée par les volées de droits de douanes mises en place en 2019.
Pour chaque pays menacé, Donald Trump déploie des arguments divers et variés, prétextes qui n’ont souvent pas de rapport avec l’économie. Le Mexique est ainsi accusé de ne pas en faire assez pour empêcher l’acheminement de drogues de synthèse, en particulier le fentanyl, vers les Etats-Unis. Quelques jours auparavant, Trump avait menacé le Brésil d’une hausse de 50% des droits de douane, pour dénoncer la manière dont était traité son ex-allié Jair Bolsonaro, jugé pour tentative présumée de coup d’Etat.
Quant à l’Union européenne, Trump conditionne la révision de ces nouveaux droits de douane à l’abandon par l’UE de ses « mesures protectionnistes » et des « obstacles aux échanges ». Sont par exemple visées les normes sanitaires (poulet au chlore, bœuf aux hormones…) ou les clauses climatiques.
La puissance agricole étasunienne s’érode
L’autre motif principal est la volonté de « rééquilibrer » la balance commerciale entre les Etats-Unis et l’UE, en baisse depuis des années. En vingt ans, le déficit commercial d’échanges de biens américains avec l’UE a triplé, passant de 65 milliards d’euros en 2002 à 198 milliards d’euros en 2024 – bien loin, soit dit en passant, du chiffre de 300 milliards d’euros régulièrement cité par Donald Trump.
Du côté agricole aussi, la balance penche nettement en faveur du Vieux continent. Vins, spiritueux, fromages, huile d’olive… le déficit agricole et agroalimentaire américain vis-à-vis de l’Europe s’est considérablement creusé depuis vingt ans, passant de 0,5 à 9,2 milliards d’euros.
Traditionnellement exportatrice depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la puissante agriculture américaine est désormais importatrice nette. Un « déclin de l’empire américain » que certains considèrent comme indéniablement en cours, et qui irrite au plus haut point le locataire de la Maison blanche.
Des menaces qui ne font plus peur
Reste que les nombreuses menaces de Trump perdent de leur crédibilité, au fil des rétropédalages du Président. En témoigne la réaction très modérée des marchés financiers après les récentes annonces de nouvelles taxes sur l’Europe ou le Mexique. Contrairement au choc du 2 avril, où les marchés boursiers américains et européens avaient chuté de 4 à 6% (Wall Street ayant connu sa pire journée depuis le début de l’épidémie de covid), les places financières semblent désormais vaccinées. Les nouvelles menaces de Trump n’ont entraîné qu’une baisse modérée et une volatilité relativement contenue.
À l'image du blé qui gravite imperturbablement sous les 200 euros la tonne malgré les tempêtes politiques et les aléas météorologiques, l'économie mondiale semble de plus en plus blindée face aux bourrasques trumpiennes.