Jaunisse des betteraves : toujours au stade des incantations

Alors que les principales régions betteravières - Hauts-de-France, Grand-Est, Ile-de-France et Normandie - pressent le gouvernement de "sauver" la filière, le ministre de l’Agriculture tarde à faire connaître ses décisions.

Ces régions appuient le syndicat spécialisé CGB, qui demande une dérogation pour utiliser des néonicotinoïdes afin de protéger les semences de betterave à sucre des pucerons verts, vecteurs de la jaunisse virale qui fait s'effondrer les rendements. Ces insecticides, qui s'attaquent au système nerveux des insectes, donc des pollinisateurs comme les abeilles, ont été interdits de tout usage phytosanitaire en septembre 2018.

"La filière est en danger à court terme. Beaucoup de producteurs ne vont pas prendre le risque de replanter de la betterave cette année", a déclaré Marie-Sophie Lesne, vice-présidente de la région Hauts-de-France chargée de l'Agriculture, lors d'une visioconférence de presse. La France est "à la veille de perdre un fleuron de notre économie agricole et des emplois industriels" dans les sucreries, déplore l'élue. Elle demande de "laisser le temps à la filière de s'organiser (et) à la recherche de trouver une alternative". "Sauvons la filière avec une dérogation. En parallèle, menons toutes les recherches pour se libérer de ces molécules qui posent problème", a aussi plaidé Pascale Gaillot, son homologue de la région Grand Est.  "Laissez-nous le temps", a insisté Clotilde Eudier, vice-présidente chargée de l'Agriculture en Normandie et elle-même productrice de betteraves.    

"Une solution de très, très, très court terme"

Selon le syndicat des planteurs de betteraves CGB, affilié à la FNSEA, la France ne produira pas "600.000 à 800.000 tonnes de sucre" cette année en raison d'une "absence de solution" face à la jaunisse virale. "Ce sont aujourd'hui 150 millions d'euros de pertes pour les planteurs", a affirmé mercredi le président de la CGB, Franck Sander, qui n'imagine pas que l'Etat soit en mesure de "perfuser" durablement la filière.  

La veille, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie avait dit envisager un "soutien financier".  "On a un double choix: on change la loi (pour réautoriser les néonicotinoïdes, ndlr) ou on met une filière avec énormément de soutien financier, ce sur quoi nous travaillons avec le Premier ministre", avait-il déclaré devant les députés.  "Il faut une solution de très, très, très court terme" car les agriculteurs doivent décider dans les prochaines semaines s'ils récolteront de la betterave l'an prochain, a-t-il précisé mercredi devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. La loi ne pouvant être modifiée si rapidement pour accorder la dérogation demandée, "la question, c'est quel plan de soutien il faut faire d'ici là", a affirmé le ministre, soulignant que des sucreries risquent de fermer si elles n'ont pas suffisamment de betteraves à transformer. "Je me bats pour être sûr que cette filière ne disparaisse pas."

hashtag #LaBetteraveEnPéril

Dans un communiqué publié mi-juillet, la CGB et la filière betteravière annonçaient se mobiliser fortement pour trouver de nouveaux moyens de protéger les betteraves contre la jaunisse, citant le biocontrôle, la génétique, les plantes de services, voire de nouvelles molécules, tout en précisant qu'il faudra au moins cinq ans pour avoir des solutions viables. Dans ce laps de temps, la CGB demande un retour à la protection dans l'enrobage de semences, une indemnisation pour les betteraviers les plus touchés en 2020 et un soutien à la recherche génétique.

Pour alerter les élus et l'opinion, le syndicat a déployé une soixantaine de banderoles dans des champs de betteraves et aux abords d'axes routiers stratégiques. La bataille se joue aussi sur les réseaux sociaux avec le hastag #LaBetteraveEnPéril. L'opération a manifestement atteint ses cibles. Mais pour l'heure, le ministre de l'Agriculture a multiplié les incantations. Les betteraviers attendent des décisions.