Le guide de l’épargne pour les agriculteurs

Partie 2/7

Épargne professionnelle : un outil de pilotage et de sécurisation de l'exploitation

L'activité agricole est par nature irrégulière, en fonction des saisons et des années. Rentrées et sorties d'argent ne coïncident généralement pas, et il faut des outils pour lisser la trésorerie et sécuriser l'exploitation.

« Une chose est sûre quand on s'installe : il y aura des mauvaises années », assure Eric Bidois, responsable de développement marché agriculture à la Caisse régionale du Crédit agricole Atlantique Vendée. Aucun pessimisme dans cette affirmation, seulement une bonne connaissance du secteur agricole et des multiples aléas qu'une exploitation peut rencontrer : mauvaises conditions météorologiques, crises économiques plus ou moins longues, accidents sanitaires, soucis de santé de l'exploitant...

Une épargne disponible quand on en a besoin

Dans ce contexte, l'épargne professionnelle répond à une logique toute simple : « Mettre de côté de la trésorerie les bonnes années et utiliser cette épargne les mauvaises années ». Cette fonction est assurée en partie par l'outil fiscal de la DEP (Déduction pour épargne de précaution), mais une épargne professionnelle disponible reste nécessaire : « En plus du système assurantiel, elle est un levier pour sécuriser l'exploitation ».

Cette sécurisation peut se faire entre bonnes et mauvaises années, mais aussi simplement, tout au long de l'année, en fonction des cycles d'exploitation. « Dans des productions comme la viticulture ou les céréales, il y a une grosse irrégularité des rentrées et des sorties d'argent. Il faut des outils pour lisser la trésorerie ». Autre irrégularité, qui concerne une majorité d'agriculteurs : le versement des aides PAC qui intervient le plus souvent en fin d'année. « Certaines exploitations vont devoir tenir quelques mois avec cet argent ».

Pour cette épargne professionnelle, « il existe des outils de différentes durées, qui répondent à différents impératifs », résume Eric Bidois. Généralement, le premier « étage » à remplir, qui doit constituer un petit « matelas » de trésorerie toujours disponible, c'est le « compte sur livret » (« compte excédent de trésorerie » pour les personnes morales et « livret excédent professionnel » pour les personnes physiques).

Lorsque c'est possible d'y accéder, le second étage de l'épargne professionnelle est constituée par des Dépôts à terme (par exemple, le Compte épargne projet au Crédit Agricole), dont la rémunération est fonction du temps où l'on y laisse l'argent.

La notion de budget de trésorerie de plus en plus présente

« Sur ces produits d'épargne professionnelle, le conseiller propose, le client dispose », résume Eric Bidois. Les arbitrages en matière d'épargne dépendent de la filière de production, mais aussi de la maturité de l'exploitation, selon qu'elle est en phase de démarrage ou de croisière. D'une manière générale, le responsable de marché constate que les clients agriculteurs font preuve de « bon sens ». « De plus en plus d'entre eux sont sensibilisés à la notion de budget de trésorerie, parfois par l'intermédiaire de formations dispensées par les chambres d'agriculture et les centres comptables ». Ils connaissent donc de mieux en mieux leurs cycles d'exploitation, leurs irrégularités, leurs flux, leurs besoins et ont une idée des montants et des durées de placement les plus adaptés à leur exploitation.

« Cette épargne professionnelle n'est pas de l'épargne pour s'enrichir, c'est de l'argent qui appartient à l'exploitation. C'est un outil de pilotage et de sécurisation de l'activité professionnelle. Notre objectif, en tant que banquiers, c'est que nos clients ne se retrouvent pas dans des impasses, qu'ils soient sereins ».

Banquier et agriculteur : proximité et confiance

Plus que pour bien d'autres professions, pour un agriculteur, le banquier est un partenaire avec qui se tissent des liens forts. « Le conseiller bancaire rencontre ses clients au minimum une fois par an, mais plus souvent 4 à 5 fois, en fonction des besoins », décrit Eric Bidois, responsable de développement marché agriculture à la Caisse régionale Atlantique Vendée de Crédit Agricole.

« Entre un agriculteur et son conseiller bancaire, le maître mot, c'est la confiance », confirme pour sa part son collègue Dany Bricaud. « Souvent, conseiller et client agriculteur se rencontrent sur l'exploitation, ils se connaissent bien ». Bon connaisseur de ses clients, le conseiller l'est aussi du monde agricole, de ses spécificités, en capitaux, en trésorerie, en cycles de productions. Il sait anticiper les moments où il est utile de faire un point d'étape, ceux où il peut proposer des produits d'épargne et il répond aux besoins en Prêt à court terme : « Ce n'est pas être un mauvais agriculteur que de faire des prêts à court terme », rappelle Eric Bidois. « C'est même un outil de financement du cycle de production », confirme Dany Bricaud.

Les spécificités et complexités du monde de l'agriculture font que toutes les banques n'investissent pas ce marché. La première banque agricole est assez logiquement le Crédit Agricole, qui finance environ les deux tiers des installations. Seulement trois autres établissements bancaires s'y impliquent (Crédit mutuel, Banque populaire et CIC). Même si aujourd'hui, l'agriculture n'est plus le premier marché de la banque verte (le crédit immobilier pèse beaucoup plus), elle en reste un pilier important.

 

>> Partie 3 : La DEP, outil fiscal pour améliorer la résilience des exploitations

 

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