Le guide de l’épargne pour les agriculteurs

Partie 1/7

L'épargne des agriculteurs : professionnelle, concrète, sécurisée

Les agriculteurs sont des gens prévoyants : habitués depuis toujours à la notion d'aléas, ils sont une des catégories socio-professionnelles les mieux pourvues en produits d'épargne, que ce soit dans le domaine de l'épargne privée, de l'épargne-retraite ou de l'épargne professionnelle.

Consultant en patrimoine au Cerfrance de Loire-Atlantique et animateur du groupe technique national patrimoine de Cerfrance, Yves Roué le constate dans son activité quotidienne : « Pour les agriculteurs, la base de l'épargne aujourd'hui, c'est d'abord leur épargne professionnelle. Ils sont conscients de la nécessité de disposer d'une épargne de sécurité pour se prémunir des risques, en particulier des fluctuations de marché, qui affectent leurs ventes mais aussi leurs achats. Ils savent garder un fonds de roulement nécessaire à leur activité et peuvent aussi mettre de l'argent de côté pour financer des projets : par exemple, la construction de bâtiments ou l'acquisition de terres ».

La mécanique du calcul du prix de revient

Selon le consultant, cette tendance à se constituer une épargne professionnelle s'est nettement accentuée depuis la fin des quotas laitiers, et plus généralement, depuis la fin de la relative stabilité des prix agricoles. « Aujourd'hui, la plupart des agriculteurs sont habitués à la mécanique du calcul du prix de revient. Ils savent calculer leur marge. Ils savent quand ils gagnent de l'argent ».

Un autre facteur intervient fortement en agriculture au sujet de l'épargne professionnelle : la recherche d'optimisation fiscale et sociale. Environ 90% des agriculteurs disposent d'un comptable. Ses conseils, et ceux des autres experts dont les agriculteurs savent s'entourer (juristes, conseillers bancaires, gestionnaires de patrimoine…) sont particulièrement prégnants en stratégie d'optimisation.

En matière d'épargne professionnelle, le levier classique de cette optimisation est la DEP, la Déduction pour épargne de précaution (voir la partie 3 de ce guide), « qui réduit la pression fiscale et sociale les bonnes années » et qui assure son rôle d'outil de résilience des exploitations.

La retraite : une motivation majeure

L'épargne-retraite fait aussi partie des stratégies d'optimisation fiscale et sociale utilisées par les agriculteurs, mais cette optimisation n'est sans doute pas la raison principale de leur adhésion à ces systèmes (Plan d'épargne « Madelin » jusqu'en 2019, et à présent Plan d'épargne retraite PER) : ces dispositifs répondent avant tout à leur souhait de préparer leur phase de cessation d'activité (voir la partie 4 de ce guide).

Cet horizon de la fin d'activité est un moteur majeur de l'épargne pour les agriculteurs : « Ils ont tendance à vouloir compenser les 1000 ou 2000 euros par mois qui vont leur manquer à la fin de leur activité professionnelle », décrit Yves Roué. A côté de cette motivation principale, on trouve aussi des motifs plus classiques d'épargne privée que sont la sécurité face aux aléas de la vie et la préparation de projets (comme les études des enfants par exemple).

La pierre et la terre

Particularité du public agricole selon Yves Roué : « Ils sont plus défensifs et sécuritaires que la moyenne ». Ils aiment les placements solides et garantis, avec une forte attirance pour tout ce qui touche à l'immobilier. Ce que confirment d'ailleurs les données de l'Insee dans son étude sur le revenu et patrimoine des ménages (édition 2021 sur les patrimoines détenus début 2018). Les agriculteurs sont la catégorie socio-professionnelle la plus portée sur l’immobilier, avec le taux de détention de leur résidence principale le plus élevé des Français : 89% d'entre eux en sont propriétaires, contre seulement 58% de moyenne nationale. Idem pour les « autres logements » (résidence secondaire ou logement mis en location) : 27% d'entre eux en possèdent, contre seulement 18% des Français.

De façon corollaire, les exploitants sont aussi très bien pourvus en épargne dédiée au logement (64%, là encore, la première catégorie socio-professionnelle) et, selon Yves Roué, peuvent également être attirés par les investissements de type « pierre-papier » (parts dans les SCPI, sociétés civiles de placement immobilier).

Toujours dans la catégorie des placements sûrs, les agriculteurs sont de très bons clients des assurances vie (voir la partie 7 de ce guide), pour lesquelles, ce n'est pas une surprise, ils vont surtout investir dans des fonds garantis. En même temps que d'assurer une épargne privée en vue de la retraite, l'assurance vie possède une dimension « transmission de patrimoine » qui compte beaucoup pour eux.

Cette dimension patrimoniale est également portée par l'investissement dans le foncier agricole : quand ils le peuvent, les agriculteurs achètent les terres de leur exploitation. Il s'agit moins de faire un « investissement performant » que de sécuriser leur activité à long terme, faciliter la transmission, de l'exploitation et se constituer un patrimoine, en satisfaisant leur « attachement viscéral » à la terre. 

 

>> Partie 2 : Épargne professionnelle : un outil de pilotage et de sécurisation de l'exploitation

 

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