Le guide de la retraite agricole

Partie 4/4

Des revenus supplémentaires pour votre retraite

Une fois déterminé le montant de la retraite et la date de départ envisagée, se pose la question - selon les objectifs de chacune et chacun - de la manière de compléter ses revenus. Plus l’anticipation est importante, plus le choix des solutions est large et l’efficacité élevée.

« On porte beaucoup d’attention à l’installation mais pas assez à la retraite », déplore Dominique Pincé, consultant en protection sociale chez Altéor Patrimoine et Prévoyance. C’est pour lui un vaste sujet qui doit être anticipé : « Il faut se préoccuper de la retraite sans attendre la préparation de la transmission et s’y prendre au moins 10 ans, voire 15 ans, à l’avance. Plus les solutions mises en œuvre sont anticipées pour compléter ses revenus à la retraite, plus elles seront efficaces ».

a première étape est de connaître le montant de la pension et d’identifier l’âge de départ à taux plein. « En moyenne, avec la dernière réforme, les retraites agricoles sont passées de 900 euros à 1100 brut pour une carrière complète de chef d’exploitation », indique le consultant. Puis il s’agit d’estimer les besoins en revenu une fois en retraite, en fonction des charges de la vie courante (logement, véhicule, énergie, travaux…) - bien distinctes de celles de la période d’activité où vie personnelle et vie professionnelle sont souvent très liées, sans oublier les possibles coûts de la dépendance, comme les soins à domicile.

Dominique Pincé recommande de réaliser, avec son comptable par exemple, les calculs des points retraites attribués selon les cotisations versées. Le montant de la retraite peut être anticipé afin d’effectuer les choix de gestion vis-à-vis des prélèvements obligatoires, toutefois « moins de cotisation MSA signifie moins de prestation retraite plus tard ».

Les outils d’épargne

Les dernières évolutions des plans d’épargne retraite (PER), ont rendu ce placement plus souple d’utilisation, il est désormais possible d’effectuer une sortie en capital. Il est très facile à mettre en place et permet de bénéficier d’intérêts défiscalisés. Mais l’intérêt essentiel du PER, relève Dominique Pincé, est qu’il bénéficie du levier fiscal et social lorsque le PER est ouvert au nom de l’entreprise : « La charge imputée à l’entreprise est déductible du revenu et réduit les cotisations sociales. 100 euros versés sur le PER, n’en coûtent qu’environ 50, selon le cas de figure. Comme il n’y a pas de versement programmé obligatoire, c’est très modulable. C’est un outil de gestion des excédents les bonnes années ».

Parmi les autres solutions pour se constituer un revenu à la retraite, le conseiller mentionne l’immobilier locatif, qui devient un capital si le bien est revendu, de même que l’achat des terres exploitées. Attention cependant au risque de baisse des prix.

Pour Dominique Pincé, « même si l’environnement de l’entreprise est instable, il y a des caps à maintenir et la préparation à la retraite en est un. Les outils règlementaires et fiscaux évoluent mais permettent tout de même de se projeter en adaptant ses stratégies, en particulier si le calcul de la retraite change avec la prise en compte des 25 meilleures années ». La préparation de ses activités une fois en retraite est aussi essentielle. Le cumul emploi-retraite peut-être une solution pour une transition en douceur (voir plus bas).

Placer de l’argent et se constituer un capital financier

Guillaume Renet, expert transmission agri de la Caisse régionale Normandie du Crédit Agricole, explique les différentes options pour se constituer un complément de revenu à la retraite.

En fonction des projets du futur retraité, de sa situation, de son exploitation, de son patrimoine privé, de son patrimoine capitalisé dans l’exploitation (et qu’il espère récupérer lors de la cession), diverses solutions de complément de revenu à la retraite peuvent être envisagées.

Se constituer un capital immobilier, qui permet un revenu locatif, peut se faire de deux façons : en s’endettant en amont avec un prêt immobilier, ou en investissant le montant de cession de l’exploitation.

Mettre de côté une certaine somme par mois (en fonction de sa capacité d’épargne) permet de se constituer un capital pour la retraite. Mais ce capital peut aussi être constitué avec l’argent récupéré lors de la cession. Le placement de ce capital dépendra du projet de retraite et de la façon dont le capital va être utilisé :

- Le plan épargne retraite octroie une rente viagère, une certaine somme est versée chaque mois jusqu’au décès.

- L’assurance vie permet un rachat programmé : le versement d’une certaine somme mensuelle jusqu’à épuisement du capital.

- On peut aussi racheter son capital par fractions en fonction de ses besoins, ou constituer un capital sécurité qui sera utilisé en cas de nécessité.

 

Prévoir son statut à la retraite

L’anticipation est bien le maître-mot, martèle Jean-Marc Hureau, chargé de mission chez Cerfrance Alliance Centre : « Réalisé trop tardivement, l’accompagnement au départ en retraite se limite au formalisme pour bénéficier des droits acquis et aux questions fiscales liées à la cession ». Or, insiste le chargé de mission, à l’approche de la cinquantaine, il est encore temps de préparer les investissements qui seront une source de revenu à la retraite, comme des activités de diversification (agritourisme, bois énergie, photovoltaïsme) ou la constitution d’un patrimoine professionnel (location au repreneur, perception de dividendes de parts de société...).

Jean-Marc Hureau constate que la réflexion sur la retraite est désormais un peu plus présente chez les jeunes exploitant(e)s. Il recommande d’ailleurs d’ouvrir un PER dès l’installation. Il attire aussi l’attention sur la nécessité d’avoir un statut bien défini pour assurer la poursuite d’activités après le départ en retraite et de déclarer si on est aide familial ou salarié agricole à temps partiel. Sinon, les conséquences d’un accident du travail peuvent être désastreuses, notamment pour le repreneur qui risque de devoir rembourser les soins si la personne retraitée qui « donne un coup de main » n’est pas protégée par un contrat de travail ou un statut d’aide familial par exemple.

 

Le cumul emploi-retraite

Il est possible de cumuler une retraite de non-salarié agricole avec de nouveaux revenus professionnels à condition d’avoir validé tous vos droits à la retraite, auprès de tous les régimes. Cela peut se faire en reprenant une activité de salarié agricole, y compris sur votre ancienne exploitation, en devenant aide familial si l’exploitation est reprise par un enfant ou conjoint collaborateur si l’exploitation est reprise par le(la) conjoint(e). En cas de retraite anticipée (carrière longue), il est uniquement possible de poursuivre une activité salariée. Pour toute précision sur ce dispositif, se rapprocher de la MSA.

 

En résumé

Régis Chevigné, consultant en organisation et transmission de patrimoine chez Cerfrance Champagne Nord Est Ile-de-France, synthétise les différentes démarches :

  • Vérifier son relevé de carrière, connaître le montant de sa retraite et la date de départ à taux plein 
  • Anticiper, au moins 10 ans avant, le départ en retraite pour choisir les solutions les mieux adaptées
  • Utiliser les outils d’épargne (PER, PERCO, assurance vie) pour bénéficier de leurs avantages fiscaux et sociaux (réduction des cotisations) et disposer d’outils de gestion des revenus
  • Investir dans l’immobilier et le foncier pour transmettre un capital et compléter sa retraite
  • Investir dans l’immobilier locatif (en SCI notamment) pour compléter ses revenus
  • Constituer une holding patrimoniale, détentrice des capitaux, qui bénéficie d’avantages fiscaux (imposition sur les sociétés), pour faciliter la transmission (nue-propriété), se constituer un patrimoine et des revenus à la retraite (dividendes)
  • L’année du départ : veiller aux aspects comptables, fiscaux et patrimoniaux pour bien prendre en compte tous les éléments liés à l’arrêt d’activité (double récolte, cotisations payées au 1er janvier, réintégration de la déduction pour épargne de précaution, etc.)

Régis Chevigné invite à faire le point régulièrement avec ses conseillers juridiques, comptable, bancaire, et de la Chambre d’agriculture sur sa situation et les options possibles, selon les règlementations qui évoluent.

 

C'est la fin de ce guide consacré à la retraite agricole. Vous souhaitez relire certains chapitres ? Cliquez ici pour retourner au sommaire.