Le guide de la retraite agricole

Partie 1/4

Le projet de retraite agricole, une préparation indispensable

Céder son exploitation, arrêter son activité, percevoir ses droits … le parcours vers la retraite est long. En amont, de nombreuses étapes sont nécessaires, voire indispensables. La retraite, ça se prépare !

Discuter en famille

En discuter en famille est la première étape essentielle : tout d’abord pour se faire à l’idée, préparer le terrain, mais aussi pour savoir qui est intéressé par l’exploitation, comprendre son projet, comment passer les rênes. Et ce n’est pas toujours facile. Cette étape peut être délicate car la succession est souvent un sujet tabou dans les familles. Les enfants n’osent parfois pas s’exprimer et les discussions peuvent s’avérer compliquées.

Philippe Dufour, 62 ans, éleveur de Blondes d’Aquitaine en Seine-et-Marne, et son épouse, ont eu l’idée de demander de l’aide à la chambre d’agriculture de la région Ile de France pour faciliter le dialogue. Le service « vie de l’entreprise » a mis en place un accompagnement de type médiation familiale avec une coach spécialisée : la présence d’un tiers apaise les tensions. Toute la famille s’est mise autour de la table et chacun a pu exprimer son point de vue, ses objectifs personnels et ses souhaits quant à l’avenir de l’exploitation.

Un bilan est ensuite réalisé qui donne un cap. « Cela débloque la situation et motive tout le monde pour aller au fond des choses », explique Philippe Dufour. C’est finalement le compagnon d’un des enfants qui s’est révélé motivé pour s’installer à son tour.  La décision a été prise de créer une structure familiale sociétaire avec l’aîné et son beau-frère. Elle sera possible après l’obtention de leur capacité professionnelle en 18 mois.

Philippe Dufour, 62 ans, éleveur de blondes d’Aquitaine en Seine et Marne

Il peut aussi s’avérer qu’aucun enfant ne soit intéressé. La cession se fait alors à un tiers, membre de la famille ou non.

Discuter avec ses partenaires

Une exploitation agricole implique souvent d’autres personnes : sociétaire, salarié, voisin avec qui on s’entraide pour les travaux, et avec qui du matériel peut être partagé. Il est important de comprendre comment ces partenaires envisagent l’avenir après le départ du retraité. Le salarié veut-il rester sur l’exploitation, prendre des responsabilités, assurer la transition ? L’associé veut-il racheter des parts, en revendre ? Il a probablement son mot à dire dans le choix du repreneur. Le voisin veut-il racheter du matériel, une partie des terres ?

Lorsque le repreneur est identifié, le passage de témoin doit se faire pour le préparer à la gestion de l’exploitation. Une formation est-elle nécessaire pour pallier les compétences du futur retraité ? Pour préparer les nouveaux objectifs de l’exploitation en fonction des projets du repreneur ? Comment le repreneur peut-il prendre progressivement des parts dans la société ?

L’un des aspects de la préparation à la retraite consiste à trouver la réponse la plus adaptée en fonction de son exploitation, du type de transmission (familial ou pas), de ses objectifs ou de ses valeurs.

Anticiper son départ à la retraite permet de transmettre sereinement son exploitation.

Réfléchir à ce que l’on veut transmettre

Jean-Philippe Moussu, consultant en stratégie d’entreprise au Cerfrance Champagne Nord Est Ile de France, conseille les entrepreneurs sur leur projet de cession : « L’exploitation doit être préparée au mieux pour que la reprise se fasse dans les meilleures conditions. » M. Dufour, par exemple, cherche à sécuriser les débouchés de son élevage et imagine de nouvelles formes de production et de vente pour que son successeur ait un avenir plus tracé. « Que faire lorsqu’un outil de travail est en bout de course ? Soit l’outil n’est pas remplacé et le repreneur devra faire un investissement supplémentaire, et cela pèsera sur le montant de reprise, soit le cédant aura réalisé cet investissement qui permettra de maintenir l’outil de production », analyse le consultant.

Bien séparer le patrimoine personnel du patrimoine professionnel, ce n’est pas toujours facile lorsque l’on est agriculteur. Souhaite-t-on conserver la maison d’habitation ? Quid des panneaux photovoltaïques sur le bâtiment d’élevage prévus pour s’assurer un complément de revenu à la retraite ? Si les biens personnels ne sont pas clairement séparés des biens professionnels, un montage juridique peut éventuellement être envisagé en fonction de la situation. Faire un bilan comptable et une expertise du matériel et des terres est indispensable pour estimer la valeur globale de l’exploitation. Enfin, pour M. Moussu, « le futur retraité doit avoir en tête son objectif : souhaite-t-il céder / transmettre au meilleur prix ? À un jeune ? Souhaite-t-il pérenniser son outil de travail ? Conserver son exploitation dans le giron familial ? »

Échéances réglementaires

La première étape avant de se lancer, c’est d’estimer sa date de départ à la retraite et son montant : quand aurai-je accompli la totalité de mes trimestres ? Est-ce que cela vaut le coup de rester quelques années de plus pour avoir une retraite un peu plus élevée ?

Il y a des dates à respecter : il faut par exemple renvoyer son DICAA (déclaration d’intention de cessation d’activité agricole) rempli 3 ans avant la cessation de l’activité. Les formalités - réglementaires, comptables et fiscales - à accomplir et les étapes à respecter sont nombreuses et il peut être très utile se faire accompagner et conseiller.

Christian Chesnoy, 71 ans, agriculteur à la retraite dans le Loiret

« J’ai pris ma retraite à 64 ans car j’ai attendu que ma femme puisse prendre la sienne, et j’ai eu une petite surcote. Aucun de mes enfants n’a souhaité reprendre l’exploitation alors mon neveu et des voisins ont racheté des parcelles pour s’agrandir. Le risque, c’est de rater des étapes ! Mais le livret remis par la chambre d’agriculture est très bien fait avec toutes les dates à respecter. Mon conseil, c’est d’être très attentif à la fiscalité. La dernière année avant la retraite, il ne faut plus investir, et nos revenus augmentent avec la vente de terres et/ou du matériel. Alors il faut faire attention aux impôts ! Mais on peut gérer en décalant l’année de vente de la récolte. »

Se faire accompagner

Les chambres d’agriculture proposent plusieurs actions (voir encadré plus bas) tout au long de l’année pour accompagner les agriculteurs : rencontres individuelles, réunions d’information, formations, coaching…. Au cours des réunions et formations, tous les intervenants nécessaires sont présents : MSA, expert-comptable, conseil juridique, centre de gestion, Safer... Les experts abordent les thématiques comptables, juridiques et fiscales et détaillent tous les délais et procédures pour ne rater aucune étape.

Le point individuel avec un conseiller de la Chambre d’agriculture permet de vérifier où en est l’agriculteur dans ses démarches, de voir ce qu’il a déjà accompli et ce qui lui reste à faire.

D’autres organismes représentent un passage obligé lorsqu’on prépare sa retraite : MSA, centres de gestion, banques, notaires…

« L’important, c’est d’anticiper, car partir en retraite et transmettre sereinement nécessitent de l'organisation, de la réflexion, des démarches et des rendez-vous », indique Blandine Quentin, responsable d'équipe Installation-Transmission et Formation à la Chambre d’agriculture d’Ile de France. « Aujourd’hui, les agriculteurs s’y prennent un peu plus en amont, même s’il y en a toujours qui nous contactent le jour où ils veulent prendre leur retraite… Avant on transmettait de père en fils sans se poser de question. Aujourd’hui on réfléchit ensemble au projet du repreneur, à la façon dont il veut faire évoluer l’exploitation, aux innovations qu’il veut apporter au financement de l’ensemble… »

Bien se préparer, c’est d’abord bien anticiper, au minimum 5 ans avant sa retraite. Il est important de commencer à se renseigner pour ne rater aucune étape, se faire à l’idée, et préparer son entourage.

 

A savoir :

Les réunions d’information proposées par la chambre d’agriculture sont gratuites.

Les rencontres individuelles / points accueil transmission sont pris en charge par le Programme Régional de Développement Agricole et Rural (PRDAR), le département ou la communauté de communes.

La formation transmission « anticiper décider agir » de la CA Ile de France coûte 900 € pour 2 jours + 4 heures d'accompagnement individualisé et est totalement prise en charge par le fonds Vivea.

Le coaching peut être pris en charge par le fonds Vivea ou la MSA.

 

>> Chapitre 2 : Prévoir ses activités après la retraite