Le guide de la transmission en agriculture

Partie 3/6

Transmettre dans le cadre familial demande de l’expertise et de la méthode

Vous envisagez de transmettre votre exploitation à un de vos enfants, comme la majorité des transmissions à l’heure actuelle ? Vous éviterez un certain nombre d’étapes liées à une reprise par un tiers, mais cela ne signifie pas pour autant que ce sera de tout repos.

Même si la transmission de votre exploitation dans le cadre familial semble aller de soi, assurez-vous bien de la motivation de la personne qui reprend et de la viabilité de son projet. Pour cela, n’hésitez pas à vous faire accompagner par des conseillers - de la Chambre d’agriculture, de votre centre de gestion et/ou de tout autre tiers de confiance. Ainsi, pour Pierre Chapeau, expert transmission agricole à la caisse régionale du Crédit Agricole Centre Loire, l’idéal est de préparer votre projet de transmission en même temps que celui de l’installation de votre repreneur.

Pascal Foucault, agriculteur dans l’Oise et en cours de réflexion sur son projet de transmission, insiste : « Chacun a sa manière de voir les choses et peut se trouver dans une position partisane. En particulier dans le cadre familial, un conseiller externe apporte beaucoup dans la prise de recul et l’indépendance d’esprit nécessaire ». De même, il est important de s’assurer que tous les repreneurs potentiels ont bien été identifiés et, le cas échéant, que l’équité entre vos enfants est respectée. Si certains d’entre eux ne sont pas intéressés par la reprise de l’exploitation, ils ne doivent pas se sentir lésés. Ceci doit être préparé à l’avance et organisé pour prévenir tout conflit futur.

Pierre Chapeau, expert transmission du Crédit Agricole Centre Loire : « Une transmission réussie passe par l’anticipation ! C’est pourquoi son élaboration doit commencer 5 à 8 ans, voire 10 ans, avant la date prévue du départ en retraite ».

Procéder par étape, sans rien oublier

Pierre Chapeau, expert transmission du Crédit Agricole Centre Loire, présente l’ordre dans lequel il aborde les questions relatives à la transmission d’une exploitation :

1) Avez-vous projeté vos revenus à la retraite et les dépenses que vous envisagez (vie quotidienne, loisirs, dépendance…) ? La question de conserver des revenus complémentaires pourra ainsi se poser (salariat, revenus fonciers, placements…).

2) Quelle sera votre résidence principale ?

3) La transmission se fera-t-elle dans le cadre familial ?

4) Avez-vous évalué la valeur économique et patrimoniale de votre entreprise ?

5) Avez-vous étudié la fiscalité de la cession ? A caler au moins 3 ans en amont.

6) Vous-êtes-vous assuré(e) de pouvoir transmettre toutes les terres (baux à récupérer) ?

7) Comment prévoyez-vous la transmission du patrimoine aux enfants ? Un sujet à évoquer, le plus tôt possible, quand le projet de cession est établi.

Des aspects juridiques…

Plusieurs options sont à étudier, comme les différentes donations (actes notariés) selon le profil du repreneur (un descendant, un conjoint ou encore un collatéral). La donation-partage, par exemple, répartit le patrimoine privé et professionnel entre les enfants. Un bilan patrimonial avec un expert vous donnera une vision globale de la situation selon le régime matrimonial, les dispositions successorales, la situation des enfants, etc. Là encore cela s’anticipe pour mettre en œuvre les solutions adaptées.

Les modalités de la transmission sont également à définir, comme la location des terres dont vous disposez en propriété, la nature des baux ou la constitution d’une société pour une transmission progressive (parts sociales vendues ou données en plusieurs étapes), ce qui est impossible dans le cadre d'une exploitation individuelle. La création d'un groupement foncier agricole peut aussi être une solution pour préserver l'unité foncière. La fiscalité de la transmission du patrimoine est un autre aspect à prendre en compte, notamment pour bénéficier des différents régimes d’exonération des droits de mutation.

… et organisationnels à bien caler

Anne Vermeersch, chargée de mission transmission et stratégie d’entreprise à la Chambre d’agriculture de l’Oise, souligne l’importance d’anticiper ces sujets, d’en discuter en famille et d’échanger sur le projet de l’enfant qui souhaite reprendre, en accord avec les associés de la structure s’il y en a. « Les conditions de cession du foncier doivent être plus particulièrement anticipées, en prenant soin de la relation avec les propriétaires amenés à louer au repreneur, ce qui est parfois moins évident qu’il n’y parait », précise-t-elle. « Il est également important de bien définir en amont l’organisation du travail - lors de la transition, voire après la cession - et, pour le cédant, de se préparer à ne plus être décisionnaire », ajoute-t-elle.

C’est aussi ce dont témoigne Nathalie, agricultrice en grandes cultures dans l’Yonne, qui, après s’être installée hors cadre familial, a intégré l’exploitation de ses parents, lors du départ en retraite de son père, devenu salarié de la société : « La stratégie est discutée en commun et nous finissons toujours par tomber d’accord. Le partage des idées va de pair avec une meilleure prise de décisions ». « C’est aussi une chance de pouvoir bénéficier d’une transmission progressive des connaissances, en particulier de l’historique agronomique des parcelles », ajoute-t-elle. Dans son cas, la continuité de la structure a été facilitée par de très bonnes relations historiques avec les propriétaires. Nathalie pointe toutefois la nécessité d’anticiper la gestion du compte courant d’associé s’il est créditeur pour étaler son rachat ; un point de vigilance que relève également Pierre Chapeau. Parmi les enjeux de la réussite d’une transmission dans le cadre familial, l’expert souligne que « le cédant doit accepter de projeter son exploitation avec une nouvelle orientation. La transmission peut se faire par étape, idéalement avec un travail en commun dans les premiers temps ». Pour lui aussi, « l’approche économique avec l’aide d’un conseiller externe est essentielle, de même qu’anticiper le devenir foncier et prévoir autant que possible des baux à long terme pour le repreneur ».

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>> Chapitre 4 : Les schémas variés d’une transmission hors cadre familial

 

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