Le numérique : l’allié des agriculteurs pour communiquer

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Des outils pour communiquer au quotidien

Internet et les applications numériques rendent accessible une multitude d’informations, potentiellement destinées à tout le monde, sans limite géographique. Toutefois, avez-vous pensé à leurs usages professionnels et de proximité ? En voici quelques exemples.

Commençons par resituer le contexte. Les agriculteurs et les agricultrices ont une bonne image dans l’opinion publique française. Le problème est qu’ils ou elles se sentent parfois mal considéré(e)s. Il est vrai que les médias, ou encore les réseaux sociaux, relaient aussi des images moins positives de l’activité agricole, mise en cause dans ses pratiques, quand elle n’est pas totalement décriée. Ceci est en partie le résultat d’une distanciation due à l’urbanisation. L’image de l’agriculture perçue par les personnes non issues du milieu agricole, aujourd’hui très majoritaires, se construit rarement à partir de la réalité du terrain.

Pour recréer du lien et positiver, il faut partir des interrogations des consommateurs et des citoyens. Vous devez ainsi changer de méthode, si ce n’est pas déjà fait, lorsque que vous communiquez sur votre métier d’agriculteur avec votre entourage et voisinage. Des situations auxquelles vous êtes confronté(e)s, par la venue des néoruraux et les acteurs locaux, de plus en plus éloignés du monde agricole.

Or l’agriculture est complexe et multiple. C’est une complexité difficile à saisir par les personnes externes. Tout n’est pas aussi simple à expliquer également. Ce n’est pas seulement une question d’outils de communication. L’enjeu est de savoir mettre en avant le métier d’agriculteur et d’agricultrice, avec les valeurs qu’il porte. Il est essentiel alors de recréer du lien ! Le contexte actuel s’y prête : la crise sanitaire du COVID, et les tensions géopolitiques, ont fait prendre conscience par le grand public que l’approvisionnement alimentaire n’est pas un acquis. Le défi climatique accentue cette réalité de la souveraineté nationale.

L’agriculture porte des valeurs fortes à partager

L’agriculture est une source de solutions : production décarbonée, stockage du carbone ou encore énergies renouvelables (agrivoltaïsme, méthanisation, biomatériaux…). Cette valorisation du métier commence par une communication de proximité à mener auprès des membres de votre famille, de vos voisins, de vos clients, des visiteurs.

Aujourd’hui, le numérique facilite cette communication, entre producteurs, dans les forums digitaux spécialisés par exemple, ou avec le grand public sur les plateformes existantes. Les réseaux sociaux, comme Instagram, Facebook ou YouTube, de même que les sites Internet, constituent une vitrine efficace et un moyen d’échanges, tant auprès de votre entourage, qu’à plus grande échelle. Ces outils numériques sont également un moyen de s’informer, d’échanger et, le cas échéant, de vous sentir moins isolé.

"Dès que nous avons besoin de travailler à plusieurs, nous créons un groupe d’échange "

Interrogé par Pleinchamp sur ces usages, Jean-Baptiste Vervy - céréalier et producteur de pâtes (www.papote-pates.fr) à Sezanne dans la Marne - a créé une dynamique collaborative avec ses proches collègues comme avec ses partenaires (conseillers agricoles, fournisseurs, clients, stagiaires…) : « Dans mon groupement, WhatsApp ou Slack remplacent les SMS, de moins en moins utilisés. Dès que nous avons besoin de travailler à plusieurs, nous créons un groupe d’échange et communiquons même souvent par vidéo. L’utilisation de ces outils, bien moins présents auparavant, a été accélérée par le COVID, et tend même à devenir la norme chez les agriculteurs. Nous n’avons plus de frein ». Pour cet agriculteur, ces messageries collaboratives accélèrent et facilitent réellement son travail au quotidien. Les informations importantes sont immédiatement partagées, tout comme les conseils. Les tours de plaine, quand ils sont réalisés en visio, prennent une dimension interactive ! Jean-Baptiste Vervy le résume : « Les outils collaboratifs décloisonnent l’agriculture à la fois pour les personnes et pour les structures. Même sur les sujets très techniques, les échanges sont possibles avec Facebook ou encore Youtube, entre plusieurs personnes à proximité, voire à plusieurs kilomètres et même à l’étranger ».

"Il faut savoir se déconnecter "

Mais il nuance : « Ces outils peuvent aussi être très intrusifs. Il faut savoir se déconnecter lors des pauses. J’utilise parfois les paramètres qui indiquent ma disponibilité pour gérer les créneaux où je peux être contacté. Mais je vois bien qu’il n’est pas toujours facile de se détacher des réseaux numériques ». Pour Jean-Baptiste Vervy, même s’il y a un risque de ne communiquer qu’en cercle fermé avec les personnes qui ont les mêmes centres d’intérêts, ou opinions sur le métier, les réseaux sociaux restent de formidables outils pour s’adresser à de larges et multiples publics : « Beaucoup d’agriculteurs et d’agricultrices communiquent de façon très variées les réseaux, comme Instagram ou TikTok, ce qui contribue à la visibilité de nos métiers et certainement à susciter de nouvelles vocations ! ».

Une application qui crée du lien entre producteurs et riverains

Avec l’application Agricivis, les agriculteurs de Saône-et-Loire peuvent envoyer des notifications sur les travaux qu’ils sont en train de réaliser. Toutes les personnes qui disposent de cet outil gratuit sont informées en temps réel si elle se trouvent dans la zone concernée. Un exemple d’innovation numérique évoqué par Guillaume Paire, responsable du Vitilab*, structure qui a développé cet outil.

* : Laboratoire d’innovation numérique, porté par le Vinipôle Sud Bourgogne (la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, le Conseil départemental de Saône-et-Loire et le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne).

Quel est l’origine de ce projet ?

Guillaume Paire : Lors des concertations de terrain pour la mise en place des Chartes riverains, l’idée a été émise de créer un outil simple pour faciliter la communication, décristalliser les situations entre tous et en profiter pour communiquer de manière positive sur les métiers de viticulteurs et d’agriculteurs. Une déclinaison d’une application existante, Safy City, a ainsi été co-construite avec les riverains et les producteurs pour aboutir à Agricivis. Cette nouvelle application est disponible sur Google Play et Apple store. Depuis deux campagnes, 900 personnes et 130 contributeurs l’utilisent.

Comment l’application fonctionne-t-elle ?

Guillaume Paire : Grâce à la géolocalisation du smartphone, Agricivis relaie à tous les utilisateurs de la zone concernée la notification envoyée par l’agriculteur ou le viticulteur lorsqu’il intervient sur une parcelle. Les riverains sont ainsi informés des travaux réalisés dans un rayon de 3 km sans toutefois connaître le nom de l’intervenant. Les usages possibles étant préenregistrés, la notification est envoyée en quelques clics par le producteur. Un texte et des photos peuvent être joints pour expliquer la nature du travail. Agricivis est un moyen de communication complémentaire. Certains producteurs utilisent déjà les SMS ou les groupes WhatsApp pour communiquer auprès de leurs voisins. Chacun peut ainsi choisir le moyen qui lui convient le mieux.

Quels types d’intervention peuvent-elles être signalées ?

Guillaume Paire : Le plus souvent les notifications concernent les chantiers de pulvérisation. Il est possible d’intégrer tout type d’interventions, manuelles ou mécaniques, susceptibles de questionner les riverains. Un tel outil peut aussi avoir d’autres applications professionnelles. Un nouveau menu est dédié à la communication entre producteurs. Il vise à signaler les aléas climatiques dans un rayon de 10 km, les vols de matériels (rayon de 100 km), les épizooties ou encore les risques de prédation.

Les notifications ont une durée limitée - 24 h pour les interventions parcellaires - et ne sont pas liées aux obligations réglementaires. L’application a uniquement pour but de favoriser la communication, pas de faire un suivi de traçabilité.

Les services apportés sont-ils amenés à être étendus ?

Guillaume Paire : Notre ambition est départementale mais des réflexions sont déjà menées par d’autres régions qui pourraient aussi s’approprier l’outil. C’est le cas en Gironde où la Chambre d’agriculture et le CIVB proposent l’application BVE 33, un duplicata d’Agricivis. À l’avenir, l’outil pourrait servir à partager des informations entre professionnels, par exemple en développant des listes de notifications sur des questions techniques.

 

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