Spoutnic, le robot qui envoie les poules en l’air

La start-up bretonne Tibot conçoit des petits buggys autonomes réduisant les pontes au sol des pondeuses et stimulant la croissance des volailles de chair, tout en optimisant leur bien-être. Des assistants qui changent aussi la vie des aviculteurs.

Plus belle l'aviculture ? Assurément. C'est en tout cas le sentiment qui prévalait à l'issue de l'intervention de Yanne Courcoux et Benoit Savary, respectivement directrice générale et aviculteur co-fondateur de Tibot Technologies, dans le cadre du Forum international de la robotique agricole (Fira). La solution de la start-up basée à Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) coche toutes les cases (pas les cages) de la durabilité, en flattant le bien-être animal et humain, et en améliorant la performance économique des ateliers. « En poules pondeuses, on peut observer des taux de ponte au sol de 30% à 40% les premières semaines », explique Benoit Savary, éleveur de volailles reproductrices en Mayenne. « Pour éduquer et inciter les poules à pondre dans les nichoirs, il n'y a pas d'autre solution que de faire des allées et venues dans les bâtiments, dans le meilleur des cas pendant cinq semaines, à raison de 10 à 15 km par jour, tête baissée pour ramasser les œufs ».

Un assistant au 4/5ème

Une tâche harassante et obsédante qui a conduit Laetitia Savary, l'épouse de l'éleveur, jusqu'au burn-out. C'était en 2014. L'épreuve pousse Benoit Savary à trouver une parade. Il songe très rapidement à l'idée d'un petit buggy programmable mais se heurte à des fins de non-recevoir chez des industriels fabriquant des produits similaires mais pour d'autres usages. Jusqu'à ce que le bureau d'études mécatroniques Cimtech prenne la demande au sérieux. En septembre 2016, le prototype du futur Spoutnic décroche trois étoiles aux Innov'Space.

Trois ans et deux levées de fonds plus tard (voir encadré), Tibot compte huit salariés, deux robots à catalogue et exporte 70% de sa production. Laetitia et Benoit Savary avaient vu juste. Il faut dire aussi que le calcul économique est vite fait. Le déclassement des œufs pondus au sol engendre des pertes d'exploitation. « L'interdiction des antibiotiques et plus largement la tendance dé-médication produisent des réactions en chaine dans toute la filière, de la production jusqu'à la reproduction », déclare l'aviculteur. Il faut aussi comptabiliser le coût de l'astreinte de ramassage et d'animation, « qui fait fuir les salariés en moins de deux semaines ». Facturé 6 800 euros, le robot peut potentiellement se rentabiliser en moins d'un an. « Le robot réalise 80 % du travail mais ne remplace pas l'éleveur », précise Yanne Courroux. Il faut composer avec les différentes espèces et des comportements pas toujours prévisibles. Il faut être capable de se remettre en question à chaque lot ». « Il ne faut pas attendre du robot qu'il résolve des problèmes qui ne sont pas de son ressort », ajoute Benoit Savary. Une maxime que tous les fabricants d'automates ne démentiraient pas.

Vous avez dit bien-être animal ?

Au dernier Space, Tibot a présenté avec Spoutnic Nav une version dédiée aux volailles de reproduction et de chair. « Grâce à Spoutnic Nav, les volailles bougent davantage alors qu'elles ont une tendance naturelle à l'inertie, indique Yanne Courcoux. Elles grattent plus, boivent davantage et se nourrissent mieux. Le robot gratte la litière en surface, ce qui a pour effet réduire les risques pathologiques tels que les pododermatites, les brûlures des tarses et du bréchet ». Autant de facteurs de bien-être animal, une notion que Yanne Courcoux manie avec précaution. « Dans le domaine de l'aviculture, on s'aperçoit que certaines demandes sociétales, présentées comme étant des facteurs d'amélioration, produisent en réalité des effets contraires. Je pense notamment à la lumière naturelle, qui a tendance à accroître l'agressivité des animaux ou aussi aux parcs de plein air. Vous pouvez réaliser des aires de 3 hectares, les volailles n'iront pas au-delà de 50 mètres et finiront par patauger dans la boue ». Dernière remarque : en élevage reproducteurs, Spoutnic améliore aussi le cochage. Plus belle l'aviculture.