Robotisation : gare au risque d’hyperconnexion

L’économie de tâches manuelles s’opère au prix d’une charge mentale plus importante. Ce point de vigilance est mis en avant par les services de prévention. Dans le cas de la traite, le rapport entre bénéfices et risques reste cependant largement à l’avantage de la robotisation, moyennant anticipation et préparation.

En finir avec l'astreinte de la traite pour entrer dans une forme de dépendance aux écrans et notamment au smartphone et à ses applications dédiées au suivi des automates ? La question était posée au dernier Forum international de l'agriculture (Fira). Les éléments de réponse ont été fournis par Aline Dronne, sociologue et chargée de mission à l'Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail (Aract) dans le Grand Est. Avec la contribution de plusieurs organismes sociaux (CAAAM, MSA) et professionnels (Chambres d'agriculture), l'Aract a réalisé une enquête auprès d'une trentaine d'élevages équipés d'un robot de traite dans cette région. « Les éleveurs choisissent la traite robotisée pour éliminer l'astreinte horaire et la pénibilité́ de la traite conventionnelle », souligne Aline Dronne. « Cependant, le temps de travail peut être identique, voire croitre car cette nouvelle technologie entraine de nouvelles activités de gestion du matériel et de traitement des informations ».

Charge mentale et cognitive

Si le robot de traite met fin à la double astreinte quotidienne, il introduit une source de brouillage entre la vie professionnelle et la vie privée. « Le robot de traite introduit un morcellement de l'activité », poursuit la sociologue. « On va plus souvent sur l'ordinateur pour voir si tout va bien. Si le robot travaille 24 heures sur 24, on peut aussi être connecté 24 heures sur 24 via son smartphone. Du coup, on est dans une forme de travail qui ne s'arrête jamais, ce qui n'est pas le cas avec la traite conventionnelle. L'hyperconnexion est un point de vigilance en matière d'automatisation ». La masse et de la complexité́ des informations produites constituent potentiellement une autre source de charge cognitive. « Regarder les indicateurs, les traiter, les analyser, cela s'apprend et ne s'opère pas du jour au lendemain », indique Aline Dronne. « L'arrivée d'un robot de traite sur une exploitation doit être préparée en amont ». Les organismes à l'origine de cette étude ont édité un guide destiné à appréhender l'arrivée d'outils numériques sur les exploitations (voir encadré).

Le bien-être de tous

Moyennant la prise en compte de ces points de vigilance, le robot engendre de nombreux bénéfices à commencer par la fin de l'astreinte et de la pénibilité inhérentes à la traite. L'introduction du robot permet en effet de redéfinir les temps sociaux, familiaux et professionnels, souvent inextricables en traite conventionnelle. Le rapport à l'animal en est changé. La surveillance s'opère sur l'ensemble du troupeau tout au long de la journée à la fois en passant dans le bâtiment et via les données informatiques. Cette activité́, particulièrement mise en avant par l'ensemble des éleveurs, est l'une des clefs de compréhension qui facilite l'adaptation à ce nouvel outil et au nouveau rapport que l'éleveur a de son métier. Le robot est aussi l'occasion de repenser les conditions de vie et de confort des animaux. Ceci se traduit par un cheminement qui respecte mieux la logique des animaux, qui semblent plus calmes, moins sujets aux maladies, voire plus productifs. « Le robot est au coeur de la stratégie d'exploitation », analyse Aline Dronne. « Face à des parents sur le départ, usés par la tâche, le robot se pose en arbitre : veut-on garder le lait, peut-on recruter, veut-on recruter ? ».