Le cuivre, outil essentiel de la viticulture

Le sulfate de cuivre, dont Bruxelles a prolongé mardi l'utilisation pour sept ans, est utilisé par les paysans pour confectionner la fameuse "bouillie bordelaise" et lutter contre les champignons dans les cultures.

Il est présenté comme un outil essentiel de l'agriculture biologique, et notamment de la viticulture, qui n'a pour l'instant pas de solution de rechange pour protéger ses vignes.

A quoi sert le sulfate de cuivre ?

Mélangé à de la chaux pour réduire son impact sur la plante et confectionner la fameuse "bouillie bordelaise", le sulfate de cuivre est utilisé en agriculture biologique et, pour environ les deux tiers du total, par la viticulture. Il permet de lutter contre le mildiou, un champignon favorisé par l'humidité et qui ravage les grappes. La bouillie bordelaise est également pulvérisée pour lutter contre le mildiou sur les pommes de terre et les tomates. "Les arboriculteurs utilisent le cuivre contre la tavelure, un autre champignon qui se développe sur les pommiers", explique à l'AFP Jacques Carroget, secrétaire national de la FNAB (fédération des agriculteurs biologiques) et viticulteur en Pays-de-la-Loire. Mardi, Bruxelles a ouvert la voie à une prolongation de son utilisation pour sept ans à partir du 31 janvier 2019, la date d'expiration. Bruxelles a toutefois réduit de 6 à 4 kilos par an et par hectare la dose maximale de cuivre, en autorisant toutefois les agriculteurs à "lisser" ce chiffre sur plusieurs années.

Quel problème pose-t-il ?

Plus que la santé humaine, ce qui est pointé du doigt, "c'est plutôt un problème environnemental", déclare à l'AFP Etienne Gangneron, agriculteur bio et vice-président de la FNSEA en charge notamment des questions relatives à l'agriculture biologique. Il évoque un risque de "stérilisation, avec des sols qui fonctionnent moins bien": "ça peut être un problème sur des vignes qui ont cumulé des années et des années de cuivre". Un problème fréquent avec ces cultures pérennes qui restent souvent des dizaines d'années sur le même sol. Le cuivre peut être un danger pour la macrofaune du sol, notamment le lombric, acteur essentiel de la biologie de la terre. 

Les viticulteurs ont toutefois "beaucoup réduit leur utilisation de cuivre dans les 10, 15 dernières années", indique à l'AFP François Veillerette, directeur de l'ONG Generation futures, évoquant des doses par le passé de 20 kilos par an et par hectare, contre aujourd'hui 6 kilos dans les régions aux conditions climatiques les plus difficiles et 3 kilos en moyenne en France. "Si en bio, on supprime complètement le cuivre, les gens ne feront plus de bio et reviendront au conventionnel, où ils utiliseront des fongicides de synthèse beaucoup plus dangereux pour la santé humaine", craint-il. La question est donc de "remplacer un produit dangereux, quand il est utilisé à l'excès, pour la fertilité du sol par des produits dangereux pour la santé", résume Monsieur Veillerette, qui évoque le caractère cancérogène de certains produits de synthèse.

Est-il véritablement indispensable ?

"Dans l'état actuel des connaissances, il n'y a pas d'alternative au cuivre pour lutter contre le mildiou", affirme M. Carroget. Dans la foulée, il nuance: "on a trouvé des alternatives, avec de la phytothérapie, avec de l'aromathérapie, du biocontrôle (produits utilisant des mécanismes naturels), on a diminué les doses de cuivre avec ça". Autre possibilité pour limiter les besoins de produits, l'utilisation de cépages plus résistant. "On travaille depuis un an, avec les deux ministères (Agriculture et Transition écologique) sur la mise en place d'un plan cuivre", a indiqué à l'AFP Sophia Majnoni, déléguée générale de la Fnab, afin de développer les alternatives et les moyens de former les producteurs.

Selon la Fnab, les vignobles de la façade océanique, notamment du Bordelais, ainsi que ceux de Champagne, sont les plus susceptibles d'avoir recours au cuivre. Problème, selon la Fnab, l'essentiel des budgets sont captés par les efforts pour sortir du glyphosate, herbicide controversé. "Il va falloir mettre des moyens. On ne peut pas en même temps vouloir sortir de la chimie de synthèse et tuer les alternatives déjà en place et ne pas les accompagner", estime Mme Majnoni. Outre l'agriculture bio, "le cuivre est réutilisé en agriculture conventionnelle parce qu'il y a un certain nombre de matières de synthèse qui sont progressivement interdites", indique pour sa part Etienne Gangneron. "Cela fait 40 ans qu'on essaie de trouver des solutions alternatives, notamment en bio, et on n'a toujours rien trouvé", conclut-il.