Vignerons de Buzet (47) : une soif de développement buvable

La cave coopérative est engagée depuis bientôt 15 ans dans une démarche de Responsabilité sociétale et environnementale (RSE). Ce n’est plus la nature mais les coopérateurs et salariés qui trinquent au succès de la démarche. Après le RSE, bientôt la HVE, la certification Haute valeur environnementale.

Une zone humide attenante à la cave coopérative en guise de gestion des eaux usées, l'instauration d'un paiement pour services environnementaux inauguré en 2018 avec la confusion sexuelle, des coffrets vin en bois pensés pour une seconde vie (nichoir, rangement...) et délégués à un Établissement et service d'aide par le travail, la réintroduction d'espèces menacées (chouette chevêche, tulipe d'Agen) ou encore l'installation de ruches dans le cadre de la labellisation Bee Friendly : le catalogue des actions estampillées « développement durable » est presque aussi fourni que la carte de vins des Vignerons de Buzet (Lot-et-Garonne), qui compte pourtant plus de 30 références, majoritairement rouges. Certaines initiatives sont carrément décoiffantes, comme celle consistant à installer des boites à musique Génodics dans le vignoble pour lutter contre l'esca. Une phrase sonore diffusée 2 fois 8 minutes par jour aurait pour effet de stimuler la fabrication de protéines de synthèse du bois et son système défense. Les Vignerons de Buzet ne poussent-ils pas le bouchon un peu trop loin ? Les Vignerons de Buzet ne poussent-ils pas le bouchon un peu trop loin ? « Nous n'avons aucun a priori », répond sans ambages Carine Magot, chargée de mission innovation vignoble à la cave coopérative. « Je ne prétends pas tout comprendre à la physique ondulatoire mais ce que je constate, comptages à l'appui, c'est que le taux de mortalité des pieds est passé, en l'espace de trois campagnes, de 8 % à 2 % dans notre vignoble expérimental ».

De la RSE à la HVE

En 2018, 21 diffuseurs sonores ont pris place chez 17 adhérents qui ont manifestement dépassé le cap de la croyance aveugle. Ou sourde. « Cette démarche s'inscrit dans un plan stratégique global, lancé en 2004 », poursuit Carine Magot. « Simultanément à la mise place de la RSE, nous avons inversé le processus d'élaboration de nos vins, en l'adaptant à la demande, et non l'inverse ». Résultats : adieu les stocks d'antan, bonjour l'embellie économique. Bee Friendly, sans sulfites ajoutés, vegan, 0 % de pesticide, vins à teneur limitée en alcool (9° et 10°) : si l'esca recule, les macarons poussent comme des champignons sur les étiquettes. On n'oublie pas le bio, même si la responsable innovation juge le cahier des charges pas trop restrictif au regard des multiples défis environnementaux à relever (biodiversité, gestion de l'eau, de l'énergie et des déchets...). Le prochain logo distinctif devrait être lié à la Haute valeur environnementale (HVE), une certification que la coopérative travaille avec certains adhérents, et qui pourrait concerner d'ici à la fin de l'année environ 500 ha, sur un total de 1900 ha (voir encadré).

Un salarié pour deux viticulteurs

La coopérative mène notamment un gros chantier sur l'entretien des sols, à la croisée d'enjeux transversaux, tels que captation de carbone, érosion, biodiversité, réduction d'usages d'herbicides, compétition pour l'alimentation hydrique et minérale du vignoble, sans oublier l'enjeu de compétitivité pour les viticulteurs. Ces deniers focalisent toute l'attention des dirigeants, via une politique d'accompagnement technico-économique personnalisée, incluant les questions de santé et sécurité au travail. Plus largement, le facteur humain, RSE oblige, est très prégnant à la coopérative, qu'il s'agisse des relations avec les fournisseurs, les clients, les consommateurs. Les salariés font l'objet d'une attention particulière, qui se matérialise par des actions en matière d'égalité professionnelle, de diversité, de prévention des risques liés au travail. La coopérative compte 95 salariés, soit un salarié pour deux viticulteurs. « Le ratio peut paraître important mais il s'explique par le fait que la coopérative valorise 100 % de sa production en bouteilles et bag-in-box, sans recourir au négoce », justifie Carine Magot. « Nous avons la maîtrise de tous les process, de la production jusqu'à la mise en marché, autant de métiers qui exigent des compétences, du savoir-faire et donc du personnel ».

Une coop inspirée et inspiratrice

Mais pour le répéter, ça marche. Et comme la coopérative et ses 188 adhérents représentent 94 % de l'AOC Buzet, les orientations rayonnent rapidement sur l'ensemble de l'appellation. Elles génèrent en retour un sentiment fort d'appartenance chez les adhérents, fidélisés faut-il le préciser. Et la reconnaissance des clients, dont la grande distribution. Les Vignerons de Buzet ont obtenu en 2016 le Trophée du grand défi pour le climat Carrefour (catégorie RSE) et ont fourni, en 2017, la première référence de la Filière responsable engagée d'Auchan dans le secteur du vin. « Si nos vins n'étaient pas dans les rayons, qui s'en apercevrait ? », s'interroge Carine Magot. « La notoriété de Buzet reste encore à affirmer, ce qui explique que l'export ne représente que 18 % de nos ventes. Notre engagement dans le développement durable favorise notre identification et notre exposition mais c'est la conséquence de notre positionnement stratégique, pas la cause. Comme le dit notre directeur Pierre Philippe, ce que l'on fait dedans se voit forcément dehors et dans ce domaine, il n'y a pas de ligne d'arrivée ». Les Vignerons de Buzet poursuivent donc inlassablement leur quête en responsabilité et en respectabilité, aussi inspirée qu'inspiratrice, au vu des sollicitations dont ils font l'objet. Aux prochaines vendanges, outre les 100 000 hl escomptés, ils produiront également leur 5ème rapport dédié au développement durable. Sur papier vert évidemment.