Epandages et confinement : les associations montent au créneau

Les épandages agricoles se retrouvent sous le feu de nombreuses critiques dans le contexte du confinement. L’entrée en application des chartes sur les ZNT sans concertation publique irrite les associations environnementalistes ainsi que des députés de la majorité.

Dans une lettre datée du 21 avril, vingt-cinq députés de la majorité interpellent le ministre de l'Agriculture sur la mise en place des chartes permettant de réduire les distances d'épandage près des habitations à 3 mètres pour les cultures basses et 5 mètres pour les cultures hautes. « En ces temps de crise sanitaire, une telle permission nous semble aberrant », écrivent les députés, emmenés par Sandrine Le Feur (LREM, Finistère). « Nos concitoyens sont aujourd'hui confinés à domicile et pour bon nombre d'entre eux vivant à côté de zones agricoles, permettre de telles pratiques, c'est faire le choix d'ignorer leur santé », dénoncent-ils.

En raison du confinement, le gouvernement a assoupli le processus de mise en œuvre des chartes ZNT. Désormais, et jusqu'au 30 juin 2020, dès lors que le préfet accuse bonne réception de la charte, celle-ci peut entrer en application même si elle n'a pas encore été lancée en concertation publique. Selon la FNSEA, 25 départements ont déjà mis en application ces chartes ZNT : les quatre départements bretons, les cinq départements normands, les cinq départements des Pays de la Loire, les six départements de la région Centre, l'Hérault, la Drôme, les Landes, le Nord et le Nord-Pas-de-Calais.

Mais dans l'attente de la reprise des concertations publiques, les députés signataires de la lettre (parmi lesquels six députés bretons ainsi que plusieurs députés à tendance écologiste comme Mathieu Orphelin, Barbara Pompili ou Cédric Villani) demandent à ce que les distances indiquées dans l'arrêté du 27 décembre 2019 soit conservées (5 mètres pour les cultures basses, 10 mètres pour les cultures hautes).

Depuis plusieurs semaines, plusieurs associations anti-pesticides et ONG environnementalistes dénoncent également la mise en œuvre de ces chartes dans le contexte de confinement. « La période n'est pas propice à une consultation sereine et réellement démocratique des diverses parties prenantes » estime l'ONG Générations futures dans un communiqué co-signé avec une vingtaine d'autres organisations (Eau & Rivières de Bretagne, Greenpeace France, Nature & Progrès, Syndicat National D'Apiculture, Terre & Humanisme, Alerte Médecins Pesticides...). Les organisations enjoignent les citoyens à « interpeller » les préfets pour leur demander de ne pas promulguer ces chartes. Celles-ci doivent être reportées « à une période ultérieure, en tout état de cause après la levée complète du confinement », estiment les ONG.

« Une fois ce report acté, il sera alors nécessaire de revoir la manière dont ces consultations sont proposées, estime aussi Générations futures. A titre d'exemple, certaines consultations sont tellement orientées que les réponses apportées vont inévitablement biaiser le débat comme c'est le cas aujourd'hui en Gironde où des structures locales ont préféré lancer une contre-consultation tant celle proposée par la chambre d'agriculture fausse le débat ».

Responsables d'une partie de la pollution de l'air, les épandages agricoles sont aussi accusés de constituer un facteur aggravant de la propagation du covid-19. Le 7 avril, l'association nationale pour la préservation et l'amélioration de la qualité de l'air (l'association Respire) a ainsi demandé au Conseil d'État d'enjoindre au Gouvernement d'appliquer les mesures de restriction des épandages agricoles prévues en cas de pics de pollution. « Les épandages, auxquels procèdent actuellement les agriculteurs, génèrent, d'une part, des particules fines nocives pour la santé humaine et contribuent, d'autre part, au dépassement des seuils réglementaires de pollution de l'air susceptible d'aggraver la pandémie », soutient l'association.

Le Conseil d'Etat a rejeté cette requête le 20 avril. « Le juge des référés a estimé que les trois principales études sur lesquelles l'association requérante fondait sa requête et les éléments apportés lors de l'audience ne permettaient pas de conclure à la nécessité de prendre des mesures complémentaires », a indiqué la haute juridiction, qui encourage tout de même l'administration à « faire preuve d'une vigilance particulière dans le contexte actuel d'état d'urgence sanitaire, en veillant à prendre, au besoin de façon préventive, des mesures pour éviter la survenance de pic de pollution ».

L'activité agricole demeure, « en raison de la très forte diminution des pollutions liées à l'industrie et aux transports, la principale source d'origine humaine d'émission de particules PM10 et PM2,5 avec celle provenant du secteur résidentiel, à plus forte raison dans la période actuelle d'épandage », souligne le Conseil d'Etat.