L’agriculture est-elle mal aimée ? Les agriculteurs sont partagés sur cette question

L’IFOP vient de publier un sondage qui montre que les agriculteurs sont trèspartagés sur leur perception par les Français : ceux qui pensent que leur imageauprès de leurs concitoyens est mauvaise (51% des agriculteurs sondés) sont àpeine plus nombreux que ceux qui pensent qu’elle est bonne (48% des agriculteurssondés). Alors que les procès en agribashing se multiplient sur la place publique, cesondage montre que cette problématique ne fait pas l’unanimité au sein du mondeagricole.

Les Français portent un regard attentif sur les agriculteurs

L'INSEE vient de publier une étude sur les revenus d'activité des travailleurs non- salariés, où l'on apprend que 15,5% des agriculteurs ont dégagé un revenu d'activité nul ou déficitaire en 2017. Les plus touchés par la dégradation des revenus sont les maraîchers et les horticulteurs, puisque 30 % d'entre eux ont eu des revenus nuls ou négatifs cette année-là. Cette information n'est pas nouvelle : les données du RICA présentées par le Ministère de l'agriculture en décembre 2018 avaient montré la même chose. En outre, la publication de décembre était plus précise car elle indiquait que la fréquence des revenus agricoles négatifs était élevée depuis longtemps et qu'elle s'était aggravée ces dix dernières années. Mais dans le contexte d'aujourd'hui où se mêlent agribashing, controverses sur l'usage des produits phytosanitaires, manifestations d'agriculteurs et témoignages de familles agricoles en détresse, l'information de l'INSEE a été reprise par les plus grands
organes de presse.

Cet écho médiatique montre que le grand public n'est pas indifférent au destin des agriculteurs et à leurs difficultés. Cette attention particulière et plutôt empathique des Français, il semble bien que les agriculteurs la perçoivent ; en tout cas, le sentiment que les Français ont une mauvaise image de l'agriculture n'est pas partagé par tous les agriculteurs comme l'a montré un sondage de l'IFOP publié le 16 octobre : « Les agriculteurs face aux défis alimentaires » (commande d'Ouest France).

Les agriculteurs ont une perception (presque) juste du regard que les Français portent sur eux.

Ce sondage est le troisième que l'IFOP a conduit dans le domaine agricole depuis le début de l'année 2019 (« Le baromètre d'image des agriculteurs - Vague 19 » en février et « Baromètre de conjoncture agricole - Printemps 2019 » en mars). Le champ de l'enquête est vaste : on interroge les agriculteurs sur ce qu'ils pensent de leur situation actuelle, sur les changements de pratique qui pourraient améliorer leur activité et sur le regard que les Français portent sur eux. L'information la plus importante dans le contexte actuel, c'est que non seulement tous les agriculteurs ne se sentent pas mal aimés mais qu'en outre, la majorité d'entre eux postulent avec raison que les Français leur font confiance sur les thèmes les plus clivants des domaines sanitaires et environnementaux.

Quand les enquêteurs de l'IFOP demandent aux agriculteurs de leur sondage quelle image ils pensent avoir auprès des Français, 51% des agriculteurs disent penser que les Français ont une mauvaise image du secteur agricole et 48 % que les Français ont une bonne image de celui-ci. Il semble que les agriculteurs interrogés par l'IFOP sous-estiment leur popularité ; d'autres sondages qui questionnent directement les Français montrent qu'ils ont un regard sur l'agriculture bien plus favorable :
- février 2019, sondage Odoxa : 85 % des Français ont une bonne opinion des agriculteurs
- novembre 2018, sondage Ipsos : 68 % des Français ont confiance dans l'agriculture française.

La confiance est justement un point fort des agriculteurs. Dans son sondage de février 2019, l'IFOP mettait en évidence que la majorité des Français pensaient que les agriculteurs étaient soucieux de la santé des consommateurs, soucieux du bien-être animal et respectueux de l'environnement. Le sondage d'octobre du même institut montre que les agriculteurs semblent conscients de leur capital-confiance sur ces trois enjeux majeurs et clivants. Quand l'IFOP leur a demandé : « Pensez-vous que les Français pensent que les agriculteurs sont soucieux de la santé des Français, soucieux du bien-être animal et respectueux de l'environnement ? », de manière étonnante, les agriculteurs ont très bien anticipé cet a priori positif en leur faveur : les réponses effectives des Français interrogés en février (en gris sur notre graphique) correspondent presqu'exactement aux anticipations des agriculteurs interrogés en octobre (en rouge sur notre graphique).

Que conclure de tout ça ? Le monde agricole émet des signaux parfois contradictoires sur la manière dont il est perçu dans la société française ; le sondage de l'IFOP dont nous venons de parler est une nouvelle manifestation de ces ambivalences de perceptions, de discours et de pratiques qui traversent le monde agricole et que les incertitudes en termes de marchés agricoles, de future politique agricole commune et de revenus ne font qu'aggraver.

Article publié par Didier CARAES.