Le bio est-il le nouveau conventionnel?

A l’occasion d’une conférence de presse, la Coface, s’est interrogée sur la pérennité de l’agriculture bio en France face à une demande en forte augmentation. Pour le leader mondial de l'assurance-crédit, la "mutation" est inévitable.

Le marché du bio est « porteur. » La demande en produits issus de l'agriculture biologique en 2016 était en augmentation de 20%. Pour la fin 2017, la Coface estime que ce marché devrait poursuivre une croissance à deux chiffres (+14%) et donc dépasser « la barre des 8 milliards d'euros. » Malgré cette hausse de la consommation constatée depuis 2014, son poids est encore discret : 3,5% du marché agroalimentaire. « La SAU totale reste modeste » 6,5% au premier semestre 2017, et surtout « inférieure à la moyenne européenne. » D'après Eurostat, la France possèderait la 18ème surface agricole engagée en bio en 2016. Ce constat se traduit par un recours croissant aux produits importés, qui représentent 29% des produits bio consommés d'après l'Agence Bio. 

D'après la Coface, « les exploitations bio affichent une bonne santé financière. » Bruno de Moura Fernandes, économiste pour la Coface précise « une hausse de 10% de la part du bio dans une filière est associé à une baisse de 11% des défaillances d'entreprise. » Les exploitations converties à l'agriculture biologique sont donc, pour la Coface, « plus résilientes » contrairement au secteur agricole en général qui voit son nombre de défaillance augmenter de 4,9% par an, en moyenne.

Une mutation « inévitable »

Mais le bio n'a pas que des qualités. Côté rendements, ils sont inférieurs au conventionnel d'environ 20%. Autre constat, la bio est plus gourmande en main d'œuvre. L'Agence Bio considère qu'il faut 1 personne à temps complet pour cultiver 35 hectares en conventionnel, quand il en faut 2 en bio. Ce qui justifie certainement que la surface moyenne des exploitations bio, (48 hectares d'après Eurostat) soit moins importante qu'en agriculture conventionnelle à l'inverse de nos voisins européens. Enfin, la bio ne fait pas exception en termes de dépendance aux aides publiques. Si l'arrêt de l'aide au maintien annoncée en septembre 2017, a finalement été compensée par la prolongation du crédit d'impôt, le gouvernement souhaite que le marché prenne le relais pour rémunérer les producteurs.

Face à ces constats et en prenant en compte l'augmentation de la demande, la Coface pense qu'une mutation des exploitations bio est « inévitable » ce qui pourrait correspondre à un « renoncement de ses principes » pour Bruno De Moura Fernandes. En effet, l'agriculture biologique doit poursuivre les conversions pour augmenter ses rendements et donc ses surfaces pour pouvoir répondre positivement à la demande du marché. L'augmentation de ces surfaces ne sera possible qu'en prenant le virage de l'innovation technologique pour « compenser sa vulnérabilité. » L'agriculture de précision permettrait « d'améliorer le confort de travail et gagner en efficience » d'après la Coface.

Pour faire ces changements et ainsi répondre à la demande, l'agriculture biologique s'éloignerait donc de ses « principes originels » de proximité, faible empreinte carbone, exploitations à taille humaine... en entrant dans une phase plus « industrielle. » Sans adaptation de la bio, les importations seront en augmentation.