Agriculture : voler au secours des oiseaux

Face à l’effondrement des populations d’oiseaux, l’agriculture, même dans un Cantal globalement préservé, peut apporter sa pierre à l’édifice de la préservation de cette biodiversité.

Biodiversité et agriculture sont les deux faces d’une même pièce qui s’alimentent l’une l’autre, bien que souvent opposées à tort. “La biodiversité a besoin de l’agriculture ; avant la sédentarisation, il n’y avait que de la forêt et ce sont les pratiques ancestrales des agriculteurs qui ont permis à la biodiversité de s’exprimer”, a exposé Christophe Grèze, écologue au Cen Auvergne, en introduction le 25 mai à une table ronde sur la préservation des oiseaux de nos montagnes dans le cadre du festival Deman & Passat deman à Vic-sur-Cère. De la même façon, plus les prairies sont biodiverses, mieux les troupeaux se portent et plus les produits qui en sont issus sont qualitatifs. A contrario, des déséquilibres dans ces écosystèmes peuvent nuire à l’agriculture, provoquant la pullulation de certains ravageurs. Les éleveurs cantaliens sont bien placés pour le savoir.

Moineaux domestiques : 2/3 manquent à l’appel

De même, des pratiques intensives, qui tendent cependant à reculer, ont en quelques décennies seulement contribué à l’effondrement des populations d’oiseaux com-muns en France. Si les espèces généralistes comme les corneilles, parviennent à s’adapter, d’autres, plus spécialisées et inféodées aux milieux agricoles, ont payé un lourd tribut : un tiers de leurs effectifs a disparu en 30 ans selon le Stoc, le suivi temporel des oiseaux communs, réalisé par le Muséum d’histoire naturelle à partir des données d’observation transmises par la LPO et l’OFB(1). En 13 ans seulement, ce sont 75 % des effectifs de moineaux domestiques qui manquent à l’appel, les deux tiers de ceux du pipit farlouse. Des ratios à mettre en lien avec l’effacement en 30 ans de 80 % des insectes dans le ciel européen.
En cause donc, l’intensification de l’agriculture, avec le recours  notamment aux insecticides,
la disparition des sites de nidification, le recul des prairies permanentes et de leur diversité floristique, des haies... Pour autant,
a insisté l’animateur du Cen, pas question de blâmer les agriculteurs qui ont répondu aux impératifs nationaux de gain de productivité pour nourrir la population et doper la balance commerciale.
Le changement climatique a aussi une responsabilité notable sur la chute des effectifs aviens. Les dates de fauche avancées coïncident de plus en plus avec la période de nidification, entraînant la destruction des nids et oisillons. La fin d’hiver douce a poussé cette année des petits ducs à migrer trop précocement, tandis que les martinets peinent à se nourrir en ce printemps froid.
Mais l’intention des organisateurs n’est pas de jouer les oiseaux de mauvais augure, mais bien de promouvoir des actions et solutions. Dans un premier temps, Arnaud Pean, bénévole cantalien de la LPO, a expliqué comment, individuellement, agir pour favoriser le maintien ou le retour d’oiseaux dans son jardin. Puis Stéphane Cusset, jeune éleveur installé en 2022 à Pailherols (vice-président des JA de Vic-sur-Cère) a témoigné des efforts réalisés par la profession agricole pour préserver la biodiversité. En soulignant d’abord que le tableau sombre dépeint précédemment à l’échelle nationale
ne reflétait pas la situation cantalienne, avec un élevage bovin majoritairement herbager et extensif. “Même s’il y a eu du remembrement, nos territoires restent préservés, avec des haies encore bien présentes, des programmes en cours pour en réimplanter car on voit bien tout l’intérêt qu’elles représentent pour nos animaux servant à la fois d’ombre et d’abri”, a-t-il témoigné,  évoquant en outre un pastoralisme bien vivace, favorable à la biodiversité.

Des éleveurs qui agissent

Engagé (et certifié) dans la démarche HVE (haute valeur environnementale), Stéphane Cusset en a explicité les principes et objectifs : préservation de la biodiversité (notamment via les haies, la diversité prairiales de sa SAU toute en herbe), stratégie phytosanitaire raisonnée (même si lui n’est pas concerné, n’ayant recours à aucun produit phyto), gestion adéquate de la fertilisation (engrais de ferme dans son cas avec plan d’épandage) et de l’irrigation (qu’il ne pratique pas comme plus de 95 % des agriculteurs du département). “Ce qui est très intéressant dans la certification HVE, c’est qu’il y a une ambition de préservation de milieux “ordinaires” et non pas seulement de sites remarquables comme c’était jusqu’alors le cas de Natura 2000”, a relevé un participant, ancien agent du PNR des Volcans, félicitant les agriculteurs engagés dans cette démarche volontaire “qui vient s’ajouter à de nombreuses contraintes”.
Déjà bonne élève, l’agriculture cantalienne peut encore mieux faire - tout en engrangeant des économies - via une gestion raisonnée du parasitisme : c’est l’ambition du projet Éleve présenté par Pierre Girard, vétérinaire praticien à Besse, dans le Puy-de-Dôme, et qui coordonne depuis une dizaine d’années ce programme basé sur le tandem éleveur/vétérinaire.

(1) Ligue de protection des oiseaux et Office français de la biodiversité.