Avec Provinlait, la brebis laitière marque un peu plus ses territoires

Organisée à Réquista (Aveyron), la 1ère édition du salon de tous les bassins laitiers de France entend surfer sur la dynamique de la filière, dans le prolongement de la création de France brebis laitières. A la condition de déjouer les écueils du renouvellement des générations et de la capitalisation croissante des exploitations.

La petite filière qui monte : c’est ainsi que se définissent les acteurs de la filière ovins lait. En 2000, cette dernière produisait 250 millions de litres de lait. En 2021, elle pointait à 321 millions de litres, avec une accélération très marquée au cours des cinq dernières années.

La filière demeure historiquement et toujours vaillamment portée par ses trois bassins du nord de l’Occitanie, des Pyrénées-Atlantique et de la Corse et leurs emblématiques AOP : Roquefort, Ossau-Iraty et Brocciu. Mais depuis quelques années, elle bénéficie du renfort d’un 4ème bassin.

Christian Poncet, Sandrine Mary et Aline Rey, respectivement conseillers et conseillères au PAI, à la Chambre et au RDI de l’Aveyron
Christian Poncet, Sandrine Mary et Aline Rey, respectivement conseillers et conseillères au PAI, à la Chambre et au RDI de l’Aveyron

Ce 4ème bassin, il est généré par les fabrications de fromages hors AOP (pâtes pressées non cuites et pâtes molles) et un segment d’ultra-frais (pâtes fraiches en saumure, yaourts, lait de consommation...). Et il embrasse toute la France, y compris les territoires historiques. Le tout bénéficie de l’engouement des consommateurs pour les produits à base de lait de brebis. « Il y a quelques années en arrière, il ne fallait plus produire du lait de brebis et on ne pouvait pas donner de nouvelles références aux futurs installés, déclare Sandrine Mary, conseillère installation à la Chambre d’agriculture de l’Aveyron. Aujourd’hui, toutes les laiteries sont en demande, ce qui explique un mouvement de conversion de certains ateliers de bovins lait ou d’ovins viande vers les ovins lait ».

Le 1er salon national dédié aux ovins lait

C’est justement ce mouvement de conversion qui est à l’origine de l’organisation du salon Provinlait, dont la première édition se tenait à Réquista (Aveyron) les 2 et 3 juin, à la veille de la 25ème fête de la brebis laitière. « Quoi de mieux qu’un salon professionnel pour réunir en un lieu les organisations professionnelles de l’ensemble des bassins de production, toutes les compétences et tous les fournisseurs concernés par la filière, déclare Adeline Canac, vice-présidente de la Chambre d’agriculture et instigatrice du salon. Il ne faut surtout pas se reposer sur la dynamique à l’œuvre mais au contraire tout faire pour qu’elle perdure ».

Michel Laurens, Adeline Canac et Michel Causse, respectivement président de l’association Fête de la brebis, vice-présidente de la Chambre d’agriculture, maire de Réquista et président de la communauté de communes du Réquistanais
Michel Laurens, Adeline Canac et Michel Causse, respectivement président de l’association Fête de la brebis, vice-présidente de la Chambre d’agriculture, maire de Réquista et président de la Communauté de communes du Réquistanais

Dans un canton qui se targue d’être le premier moutonnier de France, et où l’agriculture et l’agroalimentaire représentent les deux tiers (63%) de l’activité économique, l’initiative a évidemment reçu le soutien de toutes les collectivités. « Dans le Réquistanais, on a eu tendance à vivre un peu en autarcie, à l’abri de l’AOP Roquefort, avec des grosses propriétés qui ont bien vécu pendant des décennies, souligne Michel Causse, maire de Réquista et président de la Communauté de communes du Réquistanais. Aujourd’hui, la filière s’interroge sur la perception de son métier, sur l’évolution de sa technicité et sur la sécurisation de son recrutement à tous les maillons de la chaine ».

France brebis laitières en soutien

Provinlait entend bien apporter sa contribution à la durabilité de la filière, qui a des atouts à faire valoir, tant envers les candidats au métier qu’aux citoyens consommateurs. C’est du reste un positionnement qui a prévalu à la création de l’association interprofessionnelle France brebis laitières (FBL) en 2019, composée de trois collèges (producteurs, coopératives et industries laitières), associant les trois interprofessions régionales (Roquefort, Pyrénées-Atlantiques, Corse) et le Comité national brebis laitières (CNBL). Mobilisant tous ces réseaux, France brebis laitières a été l’une des chevilles ouvrières de Provinlait et notamment des conférences, quelques semaines après l’adoption de la signature de sa charte d’engagements.

« France brebis laitières, c’est dépasser les différences entre bassins de production pour se focaliser sur les spécificités communes aux trois bassins, à savoir la très forte prééminence des zones de montagne, le pâturage, l’agneau qui reste sous la mère jusqu’à l’âge d’être ruminant, déclare Jean-Marc Chayrigues, directeur approvisionnement lait de brebis de Société des caves et président de France brebis laitières. Ces éléments figurent, parmi d’autres, dans notre Charte d’engagement ».

Joël Acher, Laurent Reversat et Jean-Marc Chayrigues, les présidents successifs de France brebis laitières
Joël Acher, Laurent Reversat et Jean-Marc Chayrigues, les présidents successifs de France brebis laitières

La charte en question est une démarche d’amélioration des pratiques des éleveurs et des transformateurs. Elle verse autant dans le savoir-faire que dans le faire-savoir. Elle s’inscrit dans une démarche de durabilité au sens large, où s’agrégeront au fil du temps d’autres chantiers comme la rémunération (avec l’entrée en vigueur de la contractualisation le 1er octobre prochain), le bien-être animal ou encore l’empreinte carbone, sans oublier l’incontournable dossier transmission / installation.

L’écueil de l’installation

En dépit de vitalité, la filière ovins lait n’échappe pas à la problématique du renouvellement des générations. « On voit de très belles exploitations très rentables ne pas trouver de repreneurs et qui finissent par partir à l’agrandissement, déplore Sandrine Mary. Le phénomène s’est sensiblement amplifié en l'espace de quelques années ».

Les problèmes de recrutement concernent l’ensemble des maillons de la chaine
Les problèmes de recrutement concernent l’ensemble des maillons de la chaine

Selon la Chambre d’agriculture, les montants financiers des reprises deviennent de plus en plus rédhibitoires, y compris pour les transmissions familiales, eu égard à la question du partage entre enfants. Autant dire que pour les Non issus du milieu agricole (Nima), c’est quasiment mission impossible. « En 2021, 400 candidats se sont présentés au PAI de l’Aveyron, déclare Christian Poncet, conseiller spécialisé dans l’installation. Et pour la première fois, les non issus du milieu agricole étaient majoritaires ». « Même les salariés préfèrent conserver leur statut plutôt que d’envisager de s’associer », remarque Aline Rey, conseillère au RDI de l’Aveyron. Pour cette raison, et pour plein d’autres, un Provinlait n°2 ne sera pas superflu. Encouragé par le succès de cette première édition, les organisateurs songent déjà à la prochaine à l’horizon 2023, jouant ainsi l’alternance avec Tech-Ovin.

D’ici là, le maire de Réquista formule un conseil. « L’Aveyronnais a la culture du secret, déclare-t-il. Quand un agriculteur veut vendre, il le dit au dernier moment, alors qu’il faudrait l’exprimer avec au moins trois ans d’avance. Mais quand on leur explique, on s’entend répondre : mais que vont dire les gens ? ».