Bien dans sa tête et dans ses bottes

Lui-même éleveur de salers, Jean-François Mathieu, formé à la PNL, aide les agriculteurs à trouver la cause et les solutions à leur mal-être.

Ne dites pas à Jean-François Mathieu qu’il est un formateur et encore moins un coach mental. Lui se définit plutôt comme un “bricoleur”, un “mécano du mental” pour aider ses concitoyens à poser des mots et des causes sur leur mal-être mais surtout à trouver les clés pour emprunter les voies d’une sérénité et liberté retrouvées. Sa boîte à outils, cet ancien conseiller agricole à la chambre d’agriculture de Corrèze, c’est au Pays basque qu’il l’a trouvée et remplie... après une longue descente aux enfers.
Un devissage tout aussi subit que profond pour ce trentenaire à qui tout semblait réussir :  une “belle gueule”, un bon vivant farceur aussi adroit à la chasse qu’au rugby, un mari épanoui jusqu’à une série noire, dramatique : six suicides d’agriculteurs en quelques semaines sur son secteur. “Ces gens-là, je les avais vus le matin-même ou quelques jours avant seulement et je n’avais justement “rien” vu”, se souvient celui qui va dès lors perdre pied. “Pour moi, c’était ma faute...”, témoigne Jean-François, lui-même éleveur d’un petit troupeau salers.
Dépression : ça n’arrive pas qu’aux autres
Malgré cette prise de conscience et ce mal-être grandissant, ce “grand gaillard” surjoue au bureau comme crampons au pied. En moins de trois mois, il perd 12 kilos, devient insomniaque... une course, ou plutôt fuite en avant, perdue d’avance. “J’avais tout pour être heureux et j’étais malheureux...” Jusqu’à imaginer commettre l’irréparable, un soir. Le regard de ses vaches l’en dissuadera. Mais avant de rebondir, “Jeff” doit passer par la case “antidépresseurs”  : “Pour moi, c’était une honte... Il a fallu que mon médecin de famille (le Dr Zanchi, exerçant à Mauriac) m’explique que j’avais besoin de cette béquille momentanée.”
Un premier virage est amorcé mais son salut, Jean-François Mathieu le doit à une rencontre, elle aussi improbable, avec Jean-Baptiste Etcheverry, formateur référent en PNL, programmation neuro-linguistique, qu’il croise dans un couloir de la Chambre d’agriculture corrézienne. “Il m’a expliqué ce que je constatais finalement depuis des années, qu’un agriculteur, c’était d’abord un être humain avec ses croyances, ses peurs,... pas qu’un type avec un problème de mamittes”, relate Jeff Mathieu, qui décide de suivre un cursus de PNL avec le spécialiste basque.  Avant d’appliquer à son tour cette méthode et les outils qu’il a acquis lors de formations auprès d’agriculteurs. Et la formule fonctionne.
Trouver la vraie source du mal-être
Son secret ? “Je les écoute ! Bien souvent, les difficultés pour lesquelles ils nous contactaient n’avaient rien à voir avec leurs problèmes réels, assure-t-il. Un problème récurrent de mamittes, des veaux qui ne têtent plus, des difficutés de trésorerie... : en grattant dix minutes, je m’apercevais que derrière ça, il y avait un problème avec un fils adolescent qui se droguait, ou encore un mal- être chez cet agriculteur dont la naissance de son fils avait ravivé le traumatisme de son abandon à la naissance. Il ne voulait pas décevoir ses parents adoptifs en arrêtant la ferme qu’il avait reprise malgré lui...”
La force du collectif
Depuis, Jean-François Mathieu a quitté la Chambre d’agriculture pour proposer ses formations inspirées de son expérience à des agriculteurs mais pas seulement : “Il y a aussi beaucoup de gens du milieu médical qui vont d’ailleurs bien plus mal que le monde agricole”, assure-t-il. Des formations en groupe sous la forme d’un parcours de six jours, répartis sur trois mois de manière à évaluer et corriger si besoin les graines semées lors de la session précédente.
“Pour trouver les solutions, je m’appuie sur le collectif, la force du groupe, c’est quelque chose de magique, que je constate depuis 15 ans, sans pouvoir l’expliquer”, s’étonne encore le formateur dont l’une des autres bottes est d’oser. Mais aussi de poser à ceux qui l’accompagnent cette question existentielle : “Après quoi cours-tu dans la vie ? Souvent, les gens confondent la finalité de leur vie avec les moyens nécessaires pour y arriver. Quand c’est le cas, ils n’en ont jamais assez...” À méditer.