Climat : les variétés du futur devront tirer profit de créneaux favorables de plus en plus courts

Récoltes plus précoces, dégâts de ravageurs, verse, inondations, etc. : les conséquences du changement climatique se font sentir en agriculture depuis plusieurs années déjà. L’adaptation des variétés à la sécheresse et aux maladies est une voie d’adaptation majeure mais ne peut suffire à elle seule.

La vague de froid particulièrement virulente qui s’est abattue sur une grande partie de la France cette semaine va pénaliser de nombreuses cultures ayant précocement démarré. Si les gelées en avril ne sont pas un phénomène exceptionnel, elles vont devenir de moins en moins fréquentes avec le réchauffement climatique. « En revanche, ce qui risque de devenir plus habituel, c’est la douceur en fin d’hiver qui fait repartir la végétation », a averti le climatologue Jean Jouzel lors d’une conférence sur le changement climatique et les transitions à l’œuvre dans la filière céréalière le 7 avril. C’est exactement ce qu’a connu la France ces dernières semaines, les records de froid battus début avril succédant à des records de chaleur fin mars.

Au niveau de la filière céréalière, les fortes variabilités des rendements du blé tendre illustrent l’impact du changement climatique au cours des dernières décennies. Après avoir fortement augmenté depuis les années 1960, les rendements stagnent depuis 1990, avec de plus grandes variabilités d’une année sur l’autre. Il ne se passe plus une année sans des aléas climatiques impactant les productions : déluge de 2016, sécheresse et chaleur de mai-juin 2017, sécheresse d’automne la même année, coup de chaud de juin 2019, inondations de l’automne-hiver 2019-2020…

Évolution des rendements de blé tendre depuis les années 1960 (source : AGRESTE)

Les périodes favorables à une bonne croissance des cultures se raccourcissent et sont de moins en moins stables. On observe également des récoltes de plus en plus précoces : en 30 ans, les moissons ont été avancées d’une dizaine de jours environ en France.

Au niveau mondial, certaines régions vont bénéficier de ce réchauffement climatique, rappelle Jean Jouzel. Le potentiel de production de grains en Sibérie d’ici la fin du siècle est par exemple estimé à 1 milliard de tonnes, un chiffre à mettre en regard de la production mondiale actuelle de 2,7 milliards de tonnes ! « Mais les zones qui vont perdre en terme de productivité prendront le pas sur les zones qui gagnent, à mesure que le réchauffement climatique se mettra en place », prévient le climatologue.

Pour Stéphane Jézéquel, directeur scientifique d’Arvalis, la recherche variétale est la première voie d’adaptation au changement climatique. « La recherche variétale peut aider à trouver de nouvelles variétés qui seront plus résistantes à ces aléas et qui pourront profiter de créneaux favorables de plus en plus courts », affirme-t-il. Arvalis étudie la résistance des variétés au stress hydrique, notamment grâce au dispositif de recherche PhenoField. Basée dans la Beauce, cette plateforme expérimentale dotée de huit serres, permet de tester les effets de divers régimes hydriques sur le comportement du blé et du maïs et de repérer les variétés les plus tolérantes à la sécheresse.

Nouveaux outils et nouvelles cultures

Mais une variété adaptée ne suffira pas à vaincre les effets des aléas climatiques. « Il faut que l’agriculteur puisse prendre les bonnes décisions au jour le jour, dans un contexte climatique très aléatoire, et ceci grâce aux outils d’aide à la décision qui sont une voie de progrès très importante », poursuit Stéphane Jézéquel. Ces OAD, qui se développent de plus en plus, permettent d’ajuster les traitements, la fertilisation ou encore l’irrigation en fonction de la météo.

Enfin, pour aller plus loin dans l’adaptation au changement climatique, « il faut développer des systèmes plus résilients agronomiquement et économiquement », conclut Stéphane Jézéquel : introduire de nouvelles cultures à haute valeur ajoutée, réaliser trois cultures en deux ans, diversifier les marchés, etc.

L’introduction de nouvelles cultures dans les rotations peut d’ailleurs être en elle-même la conséquence du changement climatique : c’est le cas par exemple du blé dur, dont la zone de culture s’est largement étendue vers le nord de la France au cours des vingt dernières années.