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Comment la conduite d'élevage à l'étranger a aidé un jeune à reprendre la ferme familiale ?
Après deux ans et demi d’installation comme éleveur laitier à Moisdon-la-Rivière (44), Thomas Barrault, 29 ans, est encore dans le rush des débuts de son aventure agricole. Passionné et perfectionniste, le jeune homme met à profit ses expériences passées aux Pays-Bas et en Australie pour se construire le modèle laitier qu’il souhaite : productif, pâturant et à taille humaine.
Longtemps son cœur a balancé. Entre l’Australie, les Pays-Bas et la ferme familiale en Loire-Atlantique. Entre un poste de responsable d’un troupeau de 800 vaches à l'autre bout du monde, un travail salarié dans une ferme laitière hollandaise hyper rationalisée, et la suite de son père, en association avec sa mère en France.
Thomas Barrault, 29 ans aujourd’hui, reconnaît que le choix n’a pas été facile lorsqu’on lui a proposé en 2021, de rejoindre la ferme familiale située à Moisdon-la-Rivière, dans le pays de Châteaubriant. Il était alors, depuis près d’un an, employé d’un élevage en Australie, pays qu’il avait rejoint après trois années de salariat agricole dans des fermes laitières aux Pays-Bas.
Une expérience de grand troupeau en Australie
Responsable d’un troupeau laitier de 800 vaches dans une ferme de 900 ha en 100 % pâturage, il y effectuait un travail intense : parfois 20 à 30 vêlages par jour (et autant d’inséminations 9 mois avant) ainsi que trois à quatre heures de traite d’affilée. Mais, il bénéficiait du confort du salariat avec 2 jours de repos par semaine et un très bon salaire.
Grâce à ces expériences australiennes, Thomas Barrault s'est perfectionné dans la gestion stricte du pâturage sur des centaines de parcelles, la rationalisation de l’organisation du travail… mais il y a eu aussi quelques aspects qui heurtent son éthique d’éleveur, comme l’euthanasie des mâles à la naissance (faute de filière d’engraissement des veaux) ou la gestion des animaux par lots, parfois au détriment du suivi de quelques individus.
C’est finalement la ferme familiale qui emporte son choix, autant par raison que par passion : « Ça aurait été dommage de laisser partir une telle ferme », admet Thomas Barrault. « Nous avons des terres à fort potentiel, au bord du Don. Sur nos 119 hectares, il y en a 65 regroupés autour de la stabulation, c’est la situation idéale pour le pâturage. Et notre troupeau de cent vaches figure dans le top 50 de la génétique française. Oui, la ferme aurait été reprise, mais il n’est pas certain que les vaches seraient restées ».
« Pas de vacances depuis mon installation »
Fin 2021, c’est donc le retour en France pour un stage de parrainage, puis une installation en association avec sa mère début 2022. Thomas Barrault n’a pas le temps de souffler, entre les procédures d’installation, la construction d’un nouveau bâtiment, l’installation de deux robots de traite « des Lely forcément, c’est ce que j’ai vu aux Pays-Bas », l’achat d’un robot repousse fourrage en complément du robot racleur, la mise en place du drainage de certaines parcelles hydromorphes, le recrutement d’un salarié dédié aux cultures...
Être un jeune éleveur n’est pas de tout repos. « Je n’ai pas pris de vacances depuis 2021, seulement des weekends », dit-il, tout en reconnaissant que quitter ses vaches est encore difficile pour lui. Thomas Barrault se sent en effet « éleveur avant tout » et cette passion trouve sa racine dans son enfance, auprès de ses parents.
Si Thomas Barrault a fait des études agricoles, un BTS Acse, puis un certificat de spécialisation en lait, il reconnaît qu’il a beaucoup plus appris au contact de ses parents. « Mon père est un éleveur qui était reconnu et respecté localement ». Ce dernier a d’ailleurs eu du mal à lâcher la ferme… il n’a pris sa retraite qu’à 72 ans ! Mais aujourd’hui, Thomas Barrault a réussi à s’imposer comme chef d’exploitation et à établir la bonne distance avec lui : « Souvent, je lui demande son avis, pour bénéficier de ses connaissances et de son expérience. Force est de constater qu’il a presque toujours raison ! ».
Un travail génétique qui se poursuit
Thomas Barrault sait aussi qu'il tire profit du travail de ses parents : son troupeau laitier est d’une qualité génétique exceptionnelle et le jeune éleveur poursuit dans ce sens, en choisissant lui-même ses accouplements avec un maximum de taureaux différents. Ses éléments de pilotage : les taux et la maximisation du lait par jour de vie. Ce n’est d’ailleurs pas sans fierté que l’éleveur espère que l’une de ses bêtes va pouvoir atteindre le fameux cap 100 000 litres de lait produits. « Elle a 9 ans et est déjà à 85 000 litres ».
Comme il utilise beaucoup de semences sexées, Thomas Barrault peut sélectionner les vaches qu’il garde, tout en vendant de très bonnes génisses, bien dorlotées durant leur croissance. Elles trouvent très vite preneur. « On a une bonne réputation » se réjouit Thomas qui préfère clairement voir partir des animaux en élevages plutôt qu’à l’abattoir…
Depuis la mise en place des robots de traite, volontairement non saturés (deux robots pour 100 vaches), Thomas Barrault s’est un peu éloigné de son idéal de pâturage maximum. Ses prochains défis techniques seront donc d’augmenter la part de pâturage (pour l’instant, les vaches ne pâturent que le matin), tout en gardant le bon niveau de production (1,1 million de litres pour 100 vaches). « C’est plus de travail, mais j’aime que mes vaches soient dehors ».
Tirer le meilleur de ses différentes expériences
De ses expériences à l’étranger, il retient la très haute technicité et méticulosité hollandaise, qui est un modèle dont il se revendique. Il reconnait aussi l’expertise des australiens dans la gestion de l’herbe « avec des parcelles à la demi-journée, qui doivent être rasées lorsque les vaches en sortent. On se rend compte que c’est plus facile de gérer le pâturage avec un grand troupeau qu’avec un petit ».
Toutefois, il n'est pas question d’augmenter les effectifs de son troupeau : le modèle des fermes familiales à la française, « à taille humaine », a du bon « On ne peut pas se plaindre ». Les prochaines étapes pour Thomas Barrault : le départ en retraite de sa mère qu’il a déjà commencé à anticiper avec la robotisation et l’embauche d'un salarié dédié aux cultures. Il compte aussi sur le recrutement récent d’un apprenti sur la partie élevage, car il a très envie de partager ses connaissances. Et peut-être, enfin, prendre des vacances ?